La Diagonale des fous, vue par l’athlète pyrénéenne et collaboratrice de Distances+ Maria Semerjian
Collaboratrice de Distances+ depuis 2020, Maria Semerjian est une ultra-traileuse chevronnée, une coureuse toulousaine qui a appris à la dure sur les rugueux sentiers pyrénéens. Même si elle s’en défend, Maria a également porté l’étiquette d’athlète élite en Occitanie, avec une soixantaine de trails à son actif, dont six victoires, notamment au Grand Raid des Pyrénées, au 100 miles du Sud de la France ou encore au Restonica Trail, et une vingtaine de top 3 en carrière. Elle a par exemple terminé 3e du Tor des Géants en 2016 et du 100 miles de la Swiss Alps (160 km, 9900 m D+) l’année dernière. Son amour pour l’ultra-trail technique est devenu incandescent après avoir étreint la Diagonale des fous dès sa première fois, il y a de cela 14 ans. Elle avait terminé 9e. Neuf ans plus tard, elle s’est classée de nouveau 9e puis 6e l’année suivante, en 2019. Elle revient cette année avec une cheville capricieuse, mais l’envie d’en découdre et de se prouver qu’elle est encore dans le coup, capable de s’offrir un quatrième top 10 en carrière au Grand Raid de La Réunion.
Parmi les favorites de l’édition 2023, il faudra compter sur l’Américaine Katie Schide, les Françaises Camille Bruyas et Lucie Jamsin, les Réunionnaises Émilie Maroteaux, Sylvaine Cussot, Marcelle Puy et Hortense Bègue ou encore l’Allemande Eva Sperger.
Avant de prendre le départ de cette 31e édition de la Diagonale, Maria a réalisé pour Distances+ une série d’interviews de « raideurs », pour la plupart expérimentés (les Réunionnaises Marcelle Puy, Émilie Maroteaux et Sylvaine Cussot, la Doyenne Odyle Monteils, les amoureux Céline et Ludovic Pommeret, le Québécois Jean-François Cauchon, Alexandre Boucheix alias Casquette Verte et le néophyte, mais aussi l’un des favoris 2023 après sa victoire à la Hardrock, Aurélien Dunand-Pallaz). Il était logique et naturelle qu’elle s’achève avec elle. Interview !
Distances+ : Ça représente quoi pour toi la « Diag » ?
Maria Semerjian : C’est là où tout a commencé ! J’ai essayé le trail en 2008 et, dès l’année suivante, on s’inscrivait à la Diagonale des fous avec une bande de copines. J’étais arrivée à La Réunion en ayant couru au maximum seulement 50 km d’affilée. J’ai tout découvert ici : la nuit, la douleur, les hallucinations, mais aussi cette envie d’y revenir dès le lendemain. Revenir sur un ultra pour progresser, s’entraîner, tester… J’ai aussi découvert le petit bonheur d’ouvrir mon téléphone et d’y trouver plein de petits messages d’encouragements. Je ne m’attendais pas à cette facette de la course.
Comment s’est passée ta préparation et comment te sens-tu à l’approche de l’événement ?
J’ai dû faire une transition pour passer d’une préparation complètement dédiée au Marathon des Sables (MDS) qui se déroulait fin avril – ça ne s’est pas bien passé – et le retour à la montagne, avec une vie par ailleurs compliquée à gérer émotionnellement. Il n’y avait clairement pas assez de montagne à mon goût au programme. Mais je me suis bien rattrapée cet été. J’avais de très bonnes sensations physiques et mentales sur la Picariège (70 km, 7000 m D+) mi-août et de bons week-ends encore en montagne ensuite. Par contre, j’ai une grosse inflammation à la cheville qui est un peu sortie de nulle part au moment de la phase d’affûtage, donc je ne pars vraiment pas sereine !
Mentalement, comment abordes-tu cette Diagonale ?
Je suis à la fois excitée de revenir une quatrième fois sur la Diag et à la fois paniquée, car cette douleur m’angoisse. Il reste quelques jours pour que la douleur s’atténue. Je vais faire comme si elle n’existait pas.
Quel est ton plus grand souvenir de la Diag ?
Je pense que c’est vraiment ma première Diag. On était partis sous des trombes d’eau pendant deux heures. On montait au volcan à l’époque… Et là, au lever du soleil, c’était fantastique ! Avant ça, je me souviens qu’un bénévole avait dû m’aider, car jamais les mains gelées pour regarder mon téléphone au premier pointage. Et j’avais un message de ma mère. Il était hyper tôt en France. Je savais qu’elle avait veillé toute la nuit devant son ordinateur à attendre que je bipe.
Quel est ton pire moment vécu sur la Diag ?
Chaque arrivée est un peu une délivrance je trouve. C’est dur de finir. En 2009, j’avais l’impression qu’on me plantait un coup de couteau dans le genou à chaque pas. J’avais trouvé un bâton qui me servait de béquille. En 2018, j’ai détesté la fin et l’enchaînement des ravines. En 2019, j’ai plus géré.
Qu’est-ce qu’on trouve à la Diagonale des fous qu’on trouve nulle part ailleurs ?
Le départ est dingue! C’est euphorisant, mais aussi un peu angoissant. J’ai la trouille de tomber, de me faire bousculer. Et puis, le cirque de Mafate, c’est vraiment à la fois rude et superbe.
Quel objectif te fixes-tu cette année ?
Là, honnêtement, je pense juste à finir. Si ma douleur venait par miracle à s’estomper, j’aimerais bien mettre 35-36 h, comme lors de mes trois précédents Grands Raids.
C’est la première fois que tu vas courir la Diagonale des fous avec, en plus de l’étiquette athlète, celle de journaliste pour Distances+. Est-ce que ça change quelque chose pour toi ?
Comme pour le MDS, sur lequel j’avais travaillé en amont pour un dossier spécial, j’ai beaucoup aimé la préparation en amont et la réalisation des interviews pour écrire les « portraits » des athlètes. J’ai trouvé ça très chouette de contacter tous les coureurs que nous avions « sélectionnés ». C’est toujours des moments de partage. On parle le même langage. J’aime bien essayer de retranscrire au plus juste nos conversations. Durant la quinzaine de jours précédant le Grand Raid de La Réunion, je portais vraiment la casquette « journaliste » et puis maintenant, je change de chapeau pour celui de « coureuse ». En tout cas, je ne stresse pas par rapport au MDS. Ça ne s’était pas bien passé pour moi malgré tout le travail et la prépa effectuée en amont, mais c’était vraiment un autre contexte. Je devrais être plus à mon aise ici à La Réunion.
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👉 Écoutez l’émission hors série La Bande à D+ dans le vif de la 30e édition de La Diagonale des fous
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