Reprendre la course à pied après une infection virale

La chronique du Doc Vauthier

Difficultés respiratoires
Photo : Emma Simpson / Unsplash

La pandémie de COVID 19 n’a épargné aucune catégorie de personnes. Certes, les cas dramatiques sont exceptionnels chez les patients jeunes et sportifs, mais celles et ceux qui sont a priori en bonne forme physique, quel que soit leur âge ou leur silhouette, ne sont pas pour autant à l’abri de tomber malade. Lorsqu’on a été infecté par la COVID, il est important de s’assurer de ne pas reprendre une activité physique comme si de rien n’était. Voici des recommandations pratiques, basées sur des connaissances scientifiques récentes, pour courir en toute sécurité.

Je vais me concentrer sur ce qu’il peut se passer dans votre cœur et dans vos poumons, dans le cas d’une infection en général et dans le cas d’une infection au COVID en particulier.

Dans le cœur

Risque sérieux de myocardite 

Dans les infections virales banales (le petit rhume de l’hiver, la gastroentérite, voire la grippe), les quelques jours de fièvre sont trop souvent négligés. Sans doute parce que l’athlète affaibli a hâte de reprendre sa pratique.

Il est même des traditions de « faire sortir le mal » en prenant une bonne suée salvatrice. Or, à la suite d’une infection, il est établi qu’il existe des risques de myocardite, une inflammation du muscle cardiaque.

Les signes cliniques sont peu spécifiques. Cela peut être de la fièvre, des douleurs dans la poitrine, parfois juste un essoufflement, des palpitations à l’effort, une tachycardie au repos ou encore une fatigue inhabituelle.

Le site du Club des cardiologues du sport est, en la matière, une référence sérieuse si vous souhaitez aller plus loin sur le sujet.

Ces myocardites sont citées dans les deux grandes études de référence consacrées aux morts subites à l’effort (deux « séries » d’études qui ont autopsié toutes les morts subites du sportif pendant de nombreuses années, sur un large territoire). Elles ont été diagnostiquées chez 7,5 % des 163 jeunes sportifs italiens autopsiés de la série de Corrado. Pour Maron, aux États-Unis, ces myocardites représentent environ 5 % des causes de morts subites à l’effort. 

Passons sur les détails, mais cette inflammation peut conduire à des troubles du rythme cardiaque, responsables des évolutions fatales. La reprise précoce des activités intenses est contre-indiquée si vous avez été confronté à cela.

Il faut donc respecter scrupuleusement la règle d’or numéro 9 des cardiologues du sport : « Je ne fais pas de sport intense si j’ai de la fièvre, ni dans les huit jours qui suivent un épisode grippal (fièvre + courbatures) ». 

Et pour les patients COVID, c’est pire!

Les premières publications sur la COVID confirment que l’atteinte myocardique est fréquente. Cinq des 41 premiers patients identifiés à Wuhan souffraient de myocardite. Et plus la forme est sévère, plus le syndrome est fréquent. Les patients passés par les soins intensifs y sont donc plus sujets.

Le MERS CoV, un autre coronavirus identifié en 2012 au Moyen-Orient, était aussi responsable de myocardites.

Les retours des médecins hospitaliers vont également dans ce sens. Ils ont observé des taux anormaux de marqueurs biologiques de souffrance cardiaque (troponines, CPKmb…) chez les patients COVID hospitalisés.

Prenez soin de votre cœur avant de soigner votre entraînement

Les appels à la prudence dans la reprise du sport post-COVID ne sont pas une lubie de médecins hors-sol, anti-sports ou aveuglément hygiénistes. Le risque est réel! Il n’existe toutefois pas encore de consensus scientifique. Les fédérations sportives et les sociétés savantes publieront probablement des préconisations propres à chacune, et il faudra en tenir compte. Au moment d’écrire ces lignes, nous pouvons tout de même vous donner ces quelques repères :

  • Si vous n’avez pas eu de symptômes de COVID, vous pouvez reprendre votre activité fétiche. Mais attention, il ne faut pas essayer de rattraper le « temps perdu » pendant le confinement. La reprise doit être très progressive, comme lors de vos entraînements au sortir de l’hiver. On allonge les durées et les intensités au fur et à mesure. Car les modifications du stress physique ou articulaire (on a plus gainé et moins couru), le stress familial et le stress professionnel sont un mélange parfait pour la survenue d’une blessure quand on s’y remet.
  • Si vous avez eu des symptômes sans gravité, ou si vous avez été en contact avec une personne possiblement infectée, il est raisonnable d’aller voir votre médecin et de discuter avec lui de la reprise. On peut aussi envisager la réalisation d’un électrocardiogramme (ECG) de repos. Les règles de reprise prudente et progressive sont indispensables.
  • Si vous avez été malade avec des symptômes sévères (fièvre intense, toux persistante, fatigue massive et durable, atteinte pulmonaire sévère sur le scanner thoracique, besoin temporaire en oxygène), et en cas de séjour aux soins intensifs, la reprise devra être très, très, prudente. Les 15 premiers jours après la fin des symptômes, il est nécessaire de respecter un repos sportif strict. Nous avons eu des retours de personnes qui ont refait des efforts modérés ou intenses et qui ont eu la plus grande peine à récupérer.
  • Avant de reprendre une activité physique intense ou compétitive, un avis de médecin du sport et de cardiologie est justifié. Il paraît raisonnable, en plus de l’ECG de repos, de prévoir une échographie cardiaque, un enregistrement sur 24 heures (par holter ECG), voire de faire une IRM cardiaque (indispensable à mon avis pour des compétiteurs qui auraient fait des séjours en réanimation). Et, bien sûr, il faut faire une épreuve d’effort avec mesure de votre V02 (consommation maximale d’oxygène). Cet examen va permettre de renforcer la sécurité dans la pratique. Cette épreuve d’effort va permettre aussi de déterminer les seuils, pour définir les zones de travail optimales. Il est hors de question de repartir sur les mêmes repères qu’avant la maladie. Si je devais donner une évaluation « à la louche » du temps qu’il faudra à une personne ayant souffert d’une infection COVID grave, avant qu’elle puisse s’entraîner de nouveau comme avant, je ne dirais pas avant six mois. Je n’imagine pas un retour à l’état de forme avant cela.

Dans les poumons

Les atteintes des poumons sont bien différentes. Les conséquences a posteriori d’une maladie infectieuse ne provoqueront pas de situations graves engageant le pronostic vital (en dehors de l’asthme grave, mais cela survient chez des patients asthmatiques) comme le cœur.

Il y a deux familles de conséquences : le syndrome obstructif et le syndrome restrictif.

Problème de débit pulmonaire

Le syndrome obstructif est la situation de l’asthme et, plus rarement chez les sportifs, la situation de la bronchopneumopathie obstructive (BPCO).

L’inflammation générée par l’infection entraîne un réflexe de resserrement de la bronche. On a alors un frein à l’expiration, « ça siffle quand on expire ». C’est un problème de DÉBIT pulmonaire. Le traitement est la fameuse Ventoline ou équivalent, lors des crises ou en préventif. On utilise parfois aussi de la cortisone inhalée ou par voie orale (il faut alors respecter les règles de la législation antidopage).

Ceux qui avaient cela avant d’être malades savent gérer. Ceux pour qui c’est le premier épisode doivent impérativement consulter un médecin, car il existe exceptionnellement des formes graves d’asthme. On ne rigole pas avec ça!

Toutes les infections ORL et pulmonaires peuvent faire récompenser un asthme préexistant. La COVID aussi, même si après avoir été étiquetés à risque, les asthmatiques ne semblent pas l’être outre mesure.

Problème de volume pulmonaire

Le syndrome restrictif correspond à une limitation de la quantité de poumon utile. Autrement dit, on a moins de volume dans le moteur. On n’a pas de problème de débit, on a un problème de VOLUME.

Les lésions pulmonaires de COVID, devenues célèbres (pour ceux qui n’ont pas encore vu ça, tapez « image scanner covid » dans votre moteur de recherche, vous en aurez un catalogue sans fin), peuvent entraîner des restrictions. On ne connaît pas beaucoup d’infections capables de générer ce genre de lésions. Nous avons donc beaucoup moins d’expérience dans leur prise en charge. Les épreuves respiratoires que j’ai pu réaliser témoignent parfois des pertes de 30 à 50 % du volume ventilatoire. Ramener en âge pulmonaire, cela signifie 10, 20 voire 30 ans de vieillissement prématuré!

On espère bien sûr une récupération de tout ou partie de cette amputation, mais nous ne disposons pas d’assez de recul pour l’anticiper. Nous craignons tous qu’il persiste des cicatrices indélébiles, sous forme de fibrose pulmonaire. En tout état de cause, il semble utile de réaliser une spirométrie (test de volume pulmonaire) pour définir ces paramètres chez tous les malades ayant eu une forme respiratoire avec essoufflement persistant à quatre semaines de l’épisode. Et en cas de restriction confirmée, la prescription d’une réhabilitation respiratoire semble incontournable.

Oui à la progressivité! NON à l’intensité!

Globalement, l’atteinte pulmonaire sera responsable d’une limitation de capacité physique. Dans ce cas, l’effort en intensité est tout simplement impossible. La reprise prudente et progressive est de mise. Les alternances marche-course doivent être conseillées, et ce quelque soit le passé sportif.

Dans tous les cas, les règles de bonnes pratiques sont nécessaires : on s’impose un échauffement et une récupération. On respecte la progressivité de l’entraînement. Au besoin, on se fait aider par un entraîneur ou par un kiné/physio compétent en réhabilitation pour les coureurs ayant été hospitalisés.

C’est également une bonne idée de porter un cardiofréquencemètre. La santé connectée n’est plus un gadget. Des publications abondent dans ce sens et les progrès technologiques permettent désormais de dépister plus facilement des troubles du rythme cardiaque grâce à ces appareils « grand public ». Analysez vos paramètres de santé (fréquence cardiaque de repos par exemple) ou à l’effort. Les ECG fournis par les dernières versions de montre connectés sont bluffants!

Et bien évidemment, on s’arrête et on consulte sans délai en cas de :

  • douleurs thoraciques
  • essoufflement anormal
  • malaises
  • palpitations à l’effort

« Prenez soin de vous! » Depuis la mi-mars, cette petite injonction bienveillante a enrichi nos formules de politesse, mais oui, prenez soin de vous! Les chiffres encourageants de la sortie du confinement ne doivent pas nous faire oublier ce qu’il s’est passé. Respectez les règles en vigueur et en cas de toux, fièvre, courbatures, signes d’infection ORL, perte du goût ou de l’odorat, fatigue inexpliquée, consultez ou téléconsultez rapidement. L’épidémie reste présente.

Merci à mon ami le Docteur Pierre Renaud, médecin fédéral de la Fédération française de cyclisme, pour ses précieux conseils.


Jean-Charles Vauthier est médecin généraliste et médecin du sport. Ultra-traileur, il s’est intéressé à la médecine du trail en tant que responsable médical de l’Infernal Trail des Vosges ou du Trail de la Vallée des lacs. Il dirige également des recherches sur la physiologie de l’ultra endurance en lien avec la Faculté de médecine de Nancy.

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