Courir ne nous protège pas contre nos comportements sédentaires

La chronique du Doc Benoit

Le doc Benoit quand il arrive au travail en courant - Photo : Simon Benoit

« Je passe mes journées assis au travail où je me rends en voiture en 45 minutes. Je prends une pause pour dîner, encore une fois assis. À la fin de la journée, je retourne à la maison en voiture pour un autre 45 minutes. Avant de préparer le souper, je me tape un bon 45 minutes de course sur mon tapis d’entraînement. Une fois le souper terminé et la vaisselle rangée, je m’installe pour une petite heure ou deux devant mes émissions préférées, puis dodo. Et on recommence. »

Si cette routine populaire ressemble à la vôtre, vous êtes une personne dite active (vous faites plus de 30 minutes d’activité physique par jour à intensité au moins modérée), mais vous présentez des comportements sédentaires qui, à eux seuls, pourraient menacer votre précieuse santé.

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La sédentarité et l’inactivité ne sont pas des synonymes

Commençons par bien définir les choses : un comportement sédentaire est associé à une faible dépense énergétique (périodes prolongées en position assise ou couchée lors des déplacements, à l’école, à la maison ou pendant les loisirs), alors que l’inactivité physique est l’absence de périodes d’activité physique à intensité au moins modérée (qui provoque une sudation et/ou un changement du débit de la parole). 

Plusieurs organismes comme la Société canadienne de physiologie de l’exercice et l’Organisation mondiale de la santé ont publié des recommandations sur la quantité minimale d’activité physique à effectuer par groupes d’âge. Cela fait consensus qu’il faille faire au moins 30 minutes d’activité physique à intensité modérée (par bouts de 10 minutes) au moins cinq fois par semaine ou au moins 20 minutes d’activité à intensité élevée trois fois par semaine pour en tirer des bénéfices. 

Selon certaines études scientifiques, ce minimum d’activités physiques peut entraîner une baisse de mortalité et de morbidité de toutes causes de 20 à 50 %. 

En 2011, une étude mondiale menée dans 76 pays (sur un total de 300 000 personnes de plus de 15 ans) a constaté qu’une personne sur cinq ne bougeait pas assez, n’atteignant pas les recommandations minimales.

Il convient donc de féliciter, encourager et s’inspirer de tous les citoyens responsables qui se creusent la tête pour intégrer l’activité physique dans leur quotidien pourtant très chargé et peu perméable. C’est en continuant de répandre haut et fort ce message que nous réussirons à modifier nos politiques, nos milieux scolaires et de travail afin de réduire cette pauvre statistique. 

Mais est-ce que l’activité physique annule les risques associés aux comportements sédentaires?

C’est une question importante : est-ce que respecter les recommandations d’activité physique nous protège contre les risques de nos comportements sédentaires?

La réponse est non. L’adulte typique qui s’entraîne le matin ou le soir environ 45 minutes ou qui se rend au travail en courant et qui passera par la suite 95 % de son temps éveillé en position assise n’est pas blanchi. Une fois notre 30 à 60 minutes d’activité physique écoulé, il reste environ, selon les uns et les autres et selon notamment le temps de sommeil de chacun, une quinzaine d’heures par jour à « meubler » dont il faut également prendre soin. Le transport en voiture, la posture assise au travail, la période de lunch à table, le temps de souper puis la classique décompression devant la télévision en soirée sont des comportements à risques distincts. Passez le message autour de vous : les impacts négatifs potentiels de nos comportements sédentaires ne sont pas annulés par les périodes d’activité physique à intensité plus élevée!

La réponse physiologique à la sédentarité est implacable

Essayons de comprendre pourquoi.

L’un des mécanismes physiologiques que notre corps met en place lorsqu’il est actif concerne la lipoprotéine lipase, une enzyme qui permet d’évacuer les « gras sanguins » en les faisant brûler par les muscles. Or on observe une réduction de 90-95 % de l’activité de cette enzyme lorsque les muscles posturaux des jambes sont inactifs sur des périodes prolongées.

Ces comportements sédentaires prolongés ont un impact négatif sur le profil lipidique, le métabolisme des glucides et la pression artérielle. C’est ce qui explique, du moins en partie, l’impact néfaste sur la santé des comportements sédentaires : hausse fulgurante d’obésité, hausse de diabète, hausse des maladies cardio-vasculaires et de tous les syndromes pathologiques de ces maladies métaboliques (cancers, dépression, douleurs musculo-squelettiques, etc.)

Le constat, c’est que l’être humain a été conçu pour tout sauf pour être sédentaire et inactif.

Les comportements sédentaires sont apparus récemment, depuis à peine une centaine d’années et d’aucune façon le corps humain et sa physiologie n’ont eu le temps de développer des adaptations pour survivre aux impacts dévastateurs de ces nouveaux styles de vie.

Les risques de la sédentarité en chiffres

Voici quelques statistiques à connaître concernant les comportements sédentaires :

  • Plus de 10 h/semaine au volant de sa voiture augmente de 82 % les risques de mortalité par maladie cardiovasculaire chez les hommes si on les compare à ceux qui conduisent moins de 4 h/semaine
  • Les hommes ayant un travail comportant une posture assise prolongée doublent leur probabilité de souffrir de maladies cardiovasculaires si on les compare à ceux qui doivent être actifs dans leurs tâches
  • La prévalence d’obésité est nettement plus élevée chez ceux qui regardent la télévision plus de 21 h/semaine et moindre chez ceux qui la regardent moins de 5 h/semaine peu importe le niveau d’activité physique (25 % vs 14 % chez les hommes et 24 % vs 11 % chez les femmes) 
  • La posture assise plus de 4 h/jour amène une hausse de 76 % du risque de développer des maladies chroniques chez l’homme et 82 % chez la femme
  • Les individus qui passent plus de 2 h/jour devant la télévision augmentent leur risque de développer un diabète de type II de 20 % et augmentent leur risque de développer une maladie cardiaque athérosclérotique de 15 % peu importe la durée d’activité physique à intensité modérée à intense. On note une hausse de 47 % de la mortalité toute cause et un risque doublé de mortalité par cause cardiovasculaire chez les personnes écoutant plus de 7 h/jour de télévision. 

Alors, chers coureurs, ne soyez pas dupes! On ne criera jamais assez fort l’importance des bénéfices de l’activité physique pratiquée au quotidien. Il est toutefois clair que la course à pied dans toute sa splendeur ne rattrape pas les méfaits des nombreux vices comme le tabac, la malbouffe et la sédentarité. Méfiez-vous des ennemis que sont la voiture et la télévision. Si votre travail implique des périodes assises prolongées, profitez de vos pauses au travail pour sortir marcher à bon rythme le plus souvent possible. Une petite escapade de 10 minutes pour se délier les jambes et s’aérer les esprits pourrait même, qui sait, se traduire en gain de productivité


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur.

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