Santé : 10 règles d’or que les coureurs devraient tous connaître pour éviter un drame

La chronique du Doc Vauthier

ultra marin
Coucher de soleil lors de l'Ultra-Marin 2022 - Photo : Cyrille Quintard

Dans les sports en pleine nature, les problèmes de santé majeurs sont d’autant plus délicats que les temps d’intervention sont longs. Pour limiter les risques de troubles cardiaques (infarctus, troubles du rythme graves…), le Club des cardiologues du sport a établi une série de règles, simples et faciles à retenir pour n’importe quel sportif. Je vous propose de passer en revue ces 10 règles que les coureurs et les ultra-traileurs devraient avoir en tête, afin de savoir agir pour soi-même et pour les autres en cas de souci.

1. Je signale à mon médecin toute douleur dans la poitrine ou tout essoufflement anormal survenant à l’effort

La douleur dans la poitrine n’est jamais la même d’une personne à l’autre, mais souvent, on parle de la sensation d’être pris en étau, de douleurs sourdes, de douleurs irradiant dans l’épaule ou la mâchoire. En général, la douleur ne peut pas être reproduite à la palpation. Lorsque la douleur survient régulièrement pour une même intensité d’effort et que l’arrêt permet de faire passer la douleur, on appelle cela un syndrome de menace. Ce signe ne doit jamais être négligé. Dans ce cas-là, on appelle les secours (15 ou 112), car chaque heure compte!

Pour l’essoufflement, attention, il ne s’agit pas de l’essoufflement naturel et cohérent avec l’intensité de l’effort que l’on vient de produire, mais bien d’un souffle très court et difficile pour un effort qui, habituellement, passe facilement.

2. Je signale à mon médecin toute palpitation survenant à l’effort ou juste après l’effort

Avoir des palpitations signifie ressentir son cœur battre anormalement. Il faudra pouvoir décrire la sensation à son médecin : le cœur bat régulièrement et il y a des à-coups, il bat très très vite, il bat de façon totalement irrégulière ou bien encore je ressens des pauses longues. Ces sensations ne sont-elles ressenties qu’à l’effort ou parfois également après, ou même très loin de l’effort ?

Les nouvelles technologies peuvent aider au diagnostic. Si vous portez une ceinture cardio, l’enregistrement peut donner des infos. Certaines montres équipées d’un capteur de fréquence cardiaque permettent aussi de tracer un mini électrocardiogramme (ECG). N’hésitez pas à enregistrer l’épisode !

3. Je signale à mon médecin tout malaise survenant à l’effort ou juste après l’effort

C’est un sujet complexe, car parfois les traileurs ont un épuisement « adrénergique », notamment en fin de trail, qui fait qu’au moment de relâcher l’effort, on note des petits malaises anodins. En revanche, un malaise qui survient brutalement, ou avec perte de connaissance, ou quand l’effort est intense ou à son maximum est un signal qu’il faire consulter un médecin sans attendre.

Pour ces trois premiers points, il faut retenir un élément majeur : plus de 50 % des accidents cardiovasculaires à l’effort sont précédés de ce genre de symptômes! Cette statistique à elle seule doit nous pousser à l’extrême vigilance.

L’autre chiffre inquiétant, c’est que 70 % des sportifs expriment spontanément (avant la lecture de cet article de prévention du moins) que s’ils devaient ressentir ces symptômes, ils n’envisageraient pas de consulter. Une bonne raison de partager ces règles d’or avec tous ceux qu’on aime.

4. Je respecte toujours un échauffement et une récupération de 10 minutes lors de mes activités sportives

Cette règle est commune à tous les sports. Pour les longs trails, l’échauffement est peu utile, un petit dérouillage suffit quand on sort de la tente au milieu de la nuit par quelques degrés. Les premiers kilomètres pourront servir d’échauffement. Ceux qui veulent partir fort devront par contre passer par un réveil musculaire avec échauffement.

Pour les entraînements, notamment en intensité, ne négligez pas ces deux temps essentiels. Et ne sautez pas sous la douche froide dans la foulée de votre dernière série de fractionné !

5. Je bois 3 à 4 gorgées d’eau toutes les 30 minutes à l’entraînement comme en compétition

Bon, là, j’avoue être en désaccord, car une conférence de consensus de 2015 a remis en cause ce dogme. On déconseille désormais une stratégie d’hydratation préétablie au profit d’une hydratation « à la soif ». Ceci étant dit, 3 à 4 gorgées toutes les demi-heures, ça fait 8 gorgées par heure, soit 320 ml ce qui n’est pas un conseil farfelu du tout.

6. J’évite les activités intenses par des températures extérieures inférieures à -5 °C ou supérieures à 30 °C et lors des pics de pollution

Au froid, l’effort est plus délicat, notamment si on n’est pas acclimaté. Il va de soi qu’au Québec ou en altitude dans les Alpes par exemple les coureurs ne vont pas s’arrêter de sortir jouer dehors l’hiver, mais gardons à l’esprit qu’il faut s’accoutumer à la course par température froide progressivement, ce qui se fait souvent naturellement à mesure que descend la température dès l’automne. Il est surtout important de limiter le choc thermique.

Le chaud pose aussi beaucoup de problèmes, or à la différence de l’hiver on ne peut pas jouer avec les vêtements contre la chaleur de la même façon que contre le froid. Durant l’été 2022, nous avons été exposés à des températures peu compatibles avec l’activité physique intense. Si on doit toutefois faire du sport, il faut rechercher à se refroidir, en s’arrosant notamment et en buvant « à sa soif ». 

Tout est plus difficile quand il fait chaud. Les vêtements, la crème solaire, la protection des yeux, l’hydratation, la nutrition, la sueur…

7. Je ne fume pas. En tout cas jamais dans les deux heures qui précèdent ou qui suivent ma pratique sportive

Cette règle se passe de commentaire. Pour ceux qui ne peuvent vraiment pas s’en passer, effectivement, on s’éloigne de l’effort ! Fumer entraîne une vasoconstriction (autrement dit les vaisseaux sanguins dans lesquels circule le sang – qui lui-même transporte l’oxygène se resserrent et deviennent plus étroit), ce qui majore le risque de faire un accident vasculaire.

8. Je ne consomme jamais de substances dopantes et j’évite l’automédication en général

Les stimulants majeurs peuvent entraîner un excès de travail cardiaque, parfois délétère. Le cycliste Tom Simpson lors de son ascension du mont Ventoux en 1967 en reste la meilleure illustration !

Les recommandations ici ne stipulent pas le cas des boissons énergisantes, mais l’ANSES (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), a fait ce rappel en juin 2022 : « En ce qui concerne la pratique sportive, les boissons dites énergisantes n’ont aucun intérêt nutritionnel en situation d’exercice (contrairement aux boissons de l’effort aussi appelées boissons énergétiques). Elles majorent les pertes en eau et en sels minéraux et augmentent le risque d’accident à la chaleur. »

Pour l’automédication, nous pourrions écrire 10 pages, mais en résumé le métabolisme des médicaments est perturbé par l’effort, donc on connaît mal leurs effets. Les médicaments modifient un certain nombre de moyens de défense du corps (dont la douleur). Les anti-inflammatoires restent de loin les médicaments les plus utilisés et les données scientifiques, désormais nombreuses, confirment en substance que c’est particulièrement dangereux.

9. Je ne fais pas de sport intense si j’ai de la fièvre, ni dans les huit jours qui suivent un épisode grippal (fièvre et courbatures)

La rédaction de ces règles d’or date d’avant la Covid, mais ce virus a mis en avant une pathologie jusqu’ici confidentielle : la myocardite. Cette règle s’est révélée particulièrement importante puisque les myocardites sont une cause majeure de mort cardiovasculaire à l’effort, notamment chez les jeunes.

Pour faciliter la compréhension, disons que les courbatures que l’on ressent quand on est malade (et non après un gros entraînement ou une course) traduisent l’inflammation musculaire lors d’une infection. L’inflammation peut donc aussi toucher le muscle cardiaque. Cette inflammation augmente le risque de troubles du rythme à l’effort. Et parfois, on peut aussi avoir des cicatrices cardiaques qui seront à la source de troubles du rythme ultérieurs.

On a tous cet ami qui court, trop couvert de préférence, après une grippe « pour faire sortir le mal ». Inutile de préciser que cet ami fait fausse route.

10. Je pratique un bilan médical avant de reprendre une activité sportive intense si j’ai plus de 35 ans pour les hommes et plus de 45 ans pour les femmes

Ce point est un peu flou. Ça veut dire quoi « intense », qu’entend-on par « reprendre une activité physique »? Mais ces limites d’âge ne sont pas fixées au hasard. À partir de cet âge, la première cause d’accident cardiovasculaire est de très très loin l’infarctus et autres coronaropathies (+90 % des causes d’accident cardiovasculaire. Les malformations, etc. sont plus rares…).

Les femmes sont moins exposées aux maladies cardiovasculaires et donc l’âge « critique » est plus tardif.  

Autrement dit, il faut aller voir son médecin, idéalement une fois par an, en dehors d’un problème aigu pour faire une consultation de prévention, qui déterminera le risque cardiovasculaire et la nécessité de recherche une situation à risque (par une épreuve d’effort notamment). Donc même si on ne reprend pas le sport à proprement parler, ou même si on ne pense pas faire une activité physique intense, le dépistage de la coronaropathie peut être utile. Bref, on en parle à son médecin et on individualise la suite. Vous ferez le point sur vos vaccins, vos dépistages en même temps ! Et puis si vous racontez vos trails, ça pourra donner l’envie à votre médecin de se mettre au trail !

Pour aller plus loin

Sans surprise, les 10 règles contiennent 10 règles, mais pour vous récompenser d’avoir lu ces recommandations préventives jusqu’au bout, je vous en offre deux de plus :

11. Se former aux premiers secours

À lire aussi : Plaidoyer pour que les traileurs soient formés aux premiers secours sur les sentiers

12. Faire un électrocardiogramme (ECG) à l’âge de 12 ans (un conseil pour les parents) et un autre entre 20 et 25 ans que l’on soit sportif ou non (pour dépister certaines malformations cardiaques à risque).

Il est parfois recommandé d’en faire un tous les 3 ans. Il n’y a pas consensus et on en est très loin en pratique. Ces deux examens (à 12 et 20-25 ans), puis une prise en charge plus personnalisée à 35 ans chez les hommes et 45 ans chez les femmes seraient déjà un progrès énorme.

Vous pouvez télécharger les 10 règles d’or ici, pour la mettre sur votre armoire, l’accrocher dans les vestiaires de vos clubs de sport, dans vos salles d’attente.

Rappelons tout de même que le plus dangereux reste de ne pas faire de sport!

Vous pouvez aussi partager massivement cet article à votre famille, à vos amis et sur les réseaux sociaux. La prévention ne devrait avoir aucune limite quand il s’agit de santé.


Jean-Charles Vauthier est médecin généraliste et médecin du sport. Ultra-traileur, il s’est intéressé à la médecine du trail en tant que responsable médical de l’Infernal Trail des Vosges ou du Trail de la Vallée des lacs. Il dirige également des recherches sur la physiologie de l’ultra endurance en lien avec la Faculté de médecine de Nancy.

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