La Big Wolf’s Backyard Ultra a fait place à un match très psychologique

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Éric Deshaies, grand gagnant de la Big Wolf's Backyard Ultra - Photo : Vincent Champagne

DISTANCES+ À CACOUNA / L’ISLE-VERTE – Stéphanie Simpson savait qu’elle allait concéder la victoire; Cédric Chavanne ignorait qu’il pouvait se rendre jusqu’au duel final; Charles Castonguay admet qu’il aurait dû continuer; Hélène Dumais a fait semblant de ne pas avoir mal pendant plus de 20 heures… Quant à Éric Deshaies, il était prêt à tout pour être le dernier homme debout lors Big Wolf’s Backyard Ultra (BWBU) qui s’est tenu ce week-end sur la frontière entre Cacouna et L’Isle-Verte.

Voilà quelques-unes des révélations que l’on apprend au lendemain de la première « vraie » édition du BWBU, qui a réuni 92 coureurs sur le bord du fleuve Saint-Laurent par un week-end chaud et sans nuages. La compétition s’était tenue en mode virtuel l’an dernier en raison de la pandémie.

« L’objectif pour moi, c’était de gagner », admet sans détour Éric Deshaies, qui a atteint son but après avoir cumulé 234,64 km en 35 heures. L’idée de mettre la main sur le fameux « Golden Ticket » a motivé le Gatinois de 47 ans, technologue en électrophysiologie médicale de profession.

Muni de ce précieux laissez-passer, l’ex-champion du monde de double Ironman a maintenant accès à la Big Dog’s Backyard Ultra, organisée par Gary Cantrell, alias Lazarus Lake, qui aura lieu au Tennessee en octobre.


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« J’ai été chanceux, dit Éric. Je n’ai pas eu de blessures, pas d’irritation, rien du tout. Je n’ai eu qu’un peu de difficulté à m’alimenter dans la nuit entre 4 h et 8 h du matin, ce qui m’a ralenti dans les heures qui ont suivi. »

Tous les participants sur place pouvaient en effet constater que l’effort ne semblait aucunement taxer Éric, qui rentrait au camp de base réglé comme une horloge autour de la 45e minute de chaque heure.

Pour rappel, le concept des courses de types backyard est simple : au top de l’heure, les participants doivent s’élancer sur une boucle de 6,7 km et revenir à l’intérieur de 60 minutes, pour repartir sur la même boucle au top de l’heure suivante. Le gagnant est le coureur qui reste le dernier en piste, après que tout le monde ait abandonné. Le record du monde a été établi en juin dernier par le Britannique John Stocker, qui a couru 542 km en 81 heures.

« Je n’ai pas fait semblant du tout, j’allais vraiment super bien », affirme Éric, qui s’était entraîné pour se rendre au moins jusqu’à 50 heures de course, en réalisant notamment 10 marathons en 10 jours au printemps dernier.

« Je ne comprenais pas ce qui se passait, ça allait tellement bien! J’espérais ne pas être trop magané après 24 heures, mais là j’étais zéro magané. C’est peut-être la première fois de ma vie que ça m’arrive. »

Preuve que ce n’est pas une fanfaronnade, Éric a complété son ultime boucle en 28 minutes, après que son opposant Cédric Chavanne ait pris la décision de ne pas repartir pour un 35e tour. Selon les règlements d’une course backyard, il ne suffit pas qu’un des deux derniers candidats déclare forfait pour que l’autre gagne : ce dernier doit faire encore une boucle et la terminer à l’intérieur de 60 minutes pour mériter son titre.

« J’aurais pu continuer encore plusieurs heures », lance Éric.


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Cédric Chavanne surpris de lui-même

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Cédric Chavanne a terminé en beauté après 34 heures – Photo : Vincent Champagne

L’athlète de Rimouski, 44 ans, a beaucoup de potentiel : il vient de remporter le 160 km du Gaspesia 100 en juin et avait déjà à son actif la première place du 100 km de l’Ultra-Trail du Bout du Monde et une deuxième place au 160 km de l’Ultra-Trail du mont Albert.

Mais une course de type backyard, ce n’était pas une de ses spécialités. « L’an dernier, j’ai fait une backyard en mode virtuel, et je n’avais pas beaucoup aimé ça. Je ne voulais pas le refaire, admet-il. Mais quand j’ai reçu l’invitation, ça m’a titillé et je me suis dit ‘ok, j’y vais pour l’expérience’ ».

L’expérience s’est révélée spectaculaire : Cédric Chavanne est le coureur qui a tenu jusqu’au duel final. Il a tenu 34 heures.

« J’ai arrêté parce que je commençais à avoir mal au genou, et je ne voulais pas que ça se transforme en blessure », a-t-il expliqué. Pendant toutes les heures qui ont précédé, il a été étonné de se sentir « aussi bien, sans fatigue et sans douleur, pendant aussi longtemps. »

« Je ne pensais pas du tout me rendre jusque là, et ce n’était pas du tout mon objectif », avoue Cédric, qui n’a jamais rêvé du Golden Ticket pour aller au Tennessee.

« Quand nous n’étions plus que deux, je me suis dit que j’avais peut-être une chance de l’atteindre, mais je me suis demandé si je voulais vraiment aller à la Big Dog’s, parce qu’autant j’ai trouvé l’expérience formidable, autant je trouve ça quand même lassant les boucles! »


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Stéphanie Simpson n’était pas là pour gagner

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Stéphanie Simpson traverse un petit pont dans un paysage bucolique lors de la BWBU. – Photo : Vincent Champagne

« Je suis là seulement parce que je suis un peu folle», a lâché en riant Stéphanie Simpson samedi après-midi, alors qu’elle enchaînait les boucles facilement et sans effort apparent, malgré la chaleur qui montait sur le chemin en poussière de roche qui s’étire entre les champs.

« J’ai déjà mon Golden Ticket! », a-t-elle rappelé, au sujet de sa victoire sur le championnat canadien de backyard, à Kelowna, en octobre dernier. Après y avoir réalisé 43 boucles, elle était clairement vue comme l’une des compétitrices les plus attendues ce samedi à Cacouna.

« Moi, à la base, je n’allais pas là pour gagner, mais juste pour pousser et encourager les coureurs. C’était prévu que peu importe avec qui j’allais me retrouver, j’allais me retirer pour laisse la chance à quelqu’un d’autre de venir au Tennessee. »

« La question, c’était de trouver le bon moment pour le faire. »

Sur le parcours, alors qu’ils n’étaient plus que trois coureurs en piste, elle a analysé la situation. « Je voyais que ça commençait à être difficile pour Cédric [Chavanne]. Si je continuais, il allait peut-être arrêter. Mais s’il arrêtait, je ne me voyais pas arrêter le prochain tour pour laisser gagner Éric. Et puis, ça ne me servait à rien non plus de juste continuer de courir pour courir », explique Stéphanie. Elle a tiré sa révérence après 31 tours.

Athlète d’ultra endurance qui se fait de plus en plus remarquer, Stéphanie Simpson a conservé son plan de match tout au long de la compétition : courir 1 km à son rythme de course normal, puis marcher 600 mètres. Elle bénéficiait de 15 minutes de pause chaque heure et n’a jamais faibli. « J’ai eu un peu froid dans la nuit », reconnaît-elle comme seul pépin.


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Le plan de match d’Hélène Dumais déraille

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Hélène Dumais se faisant masser par son soutien lors d’une pause. Son amie Christine Isabelle partageait sa tente. Photo : Vincent Champagne

Athlète et aventurière qui en a vu d’autres, Hélène Dumais est arrivée à la Big Wolf’s Backyard Ultra avec un seul objectif en tête : gagner. Son quadriceps droit en a voulu autrement.

« Le physique a lâché », reconnaît-elle. « Ça a commencé assez tôt, peut-être autour du septième tour. J’ai ressenti une raideur, un gros spasme. J’ai essayé de me masser, mais c’est resté douloureux. »

Les témoins ont pu voir une Hélène de moins en moins en forme au fil des heures, même si elle tentait de cacher son jeu. « Ça faisait mal, mais j’arrivais à le cacher. Je ne voulais pas boîter. »

Dimanche matin, elle revenait au sas de départ dans les dernières secondes avant le coup de sifflet ultime, auprès des pauses de plus en plus courtes, alors que les autres participants prenaient leur place dans la dernière minute.

« Tranquillement, mon temps de transition était plus court et ma dépense d’énergie était plus élevée parce qu’il fallait que je fasse plus d’effort pour avancer dans un temps raisonnable. Je travaillais dur pour rentrer en bas de 55 minutes. »

« Mais ma tâche c’était de courir. Je n’allais pas dans ma tête, rien n’allait m’arrêter, je me sentais infaillible au niveau de mon état d’esprit. Je n’entrais pas dans les conversations de bobos avec les autres coureurs. »

Après 29 tours, en larmes, elle est rentrée au camp de base à la 58e minute. Elle n’a eu qu’environ une minute de repos avant de devoir repartir au top de l’heure. Elle est repartie… pour virer de bord après 500 mètres.

« C’est définitivement le plus beau DNF que j’ai jamais fait. Je suis fière de ce que j’ai fait, parce que j’ai tout donné. »

Charles Castonguay aurait pu continuer

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Charles Castonguay court une boucle avec Stéphanie Simpson. – Photo : Vincent Champagne

Autre belle surprise de ce BWBU, la performance du Charlevoisien Charles Castonguay, qui a été le 4e dernier coureur, s’arrêtant après 30 boucles, ayant franchi le cap des 200 km.

« Je décide d’arrêter l’aventure là, pour des raisons que j’appelle à ce moment ‘prévention de blessures’’, des raisons encore un peu obscures pour moi aujourd’hui », dit-il.

A posteriori, Charles réalise que le fait de s’être donné un objectif de 30 heures lui a joué dans la tête. « Mon mental en avait ras le bol, l’objectif des 30 h a pris le dessus, mais mon physique était encore super, prêt à en redonner. Des bonnes raideurs aux pieds et dans les genoux, mais rien d’inconnu… J’avais déjà ressenti bien pire en ultra dans les montagnes! »

Aucun incident majeur n’a marqué la fin de semaine. L’organisateur Yvan L’Heureux, aux anges après cette édition fructueuse, annoncera l’ouverture des inscriptions pour l’édition 2022 sous peu.