Le Trail des Aiguilles Rouges, l’autre esprit trail de Chamonix

Trail des Aiguilles rouges
Dans le Servoz, sur le parcours du Trail des Aiguilles rouges 2017 - Photo : Vincent Kronental

Chamonix est devenue en 20 ans une place incontournable du trail running français et international. Dans la vallée, la course en montagne est sortie de sa confidentialité, sa pratique s’est démocratisée et les événements qui rassemblaient une poignée de « doux dingues » à leurs débuts, peuvent réunir aujourd’hui plusieurs milliers de coureurs. Certains se battent pour faire partie de ces grands raouts, d’autres au contraire rejettent cette massification gigantesque. Présent à la 15e édition du Trail des Aiguilles Rouges, Distances+ vous fait découvrir une autre facette du trail chamoniard. Parce qu’il n’y a pas que l’UTMB à Chamonix.

Mais avant… le trail à Chamonix, c’est une longue histoire…

Il ne faudrait d’ailleurs pas oublier qu’à Chamonix, on courrait déjà bien avant l’arrivée fracassante de Kilian Jornet sur la place du triangle de l’amitié en août 2008 (il a remporté l’UTMB pour la première fois à seulement 20 ans, NDLR). L’ultra-traileur catalan n’était même pas né que les puristes et passionnés de course en montagne de la vallée se pressaient déjà sur le parcours du Cross du Mont-Blanc (la première édition, en 1979, avait été organisée par le Club alpin français de Chamonix, NDLR) et qu’ils partageaient leurs sorties au sein du Club Chamonix Mont-Blanc Marathon (le CMBM), créé en 1980.

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Petit à petit, ces pionniers du trail ont cherché à faire découvrir leur passion au plus grand nombre, ont balisé les chemins et ont fédéré autour d’eux de plus en plus d’adeptes.

La réouverture du tunnel du Mont Blanc en 2002, fermé après le terrible incendie de 1999, aura été un tournant dans l’expansion du trail à Chamonix. Un certain Michel Poletti, traileur de longue date et déjà très actif à cette époque au niveau associatif, a eu « l’idée folle » de lancer un ultra individuel qui ferait le tour du massif du Mont-Blanc en passant par l’Italie et la Suisse. Il s’était inspiré du « super marathon du Mont-Blanc », une épreuve en équipe, par étapes, qui souffrait d’un manque de participants, et il voulait que ce soit plus « nature » que cette épreuve révolue dont le tracé empruntait pas mal de route. La première édition de cet Ultra-Trail du Mont-Blanc, en 2003, a été remportée par le Népalais Dawa Sherpa, l’une des légendes de l’ultra-trail. Seuls 67 concurrents avaient réussi à faire le tour complet cette année-là. C’était le début du « mythe UTMB ».


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2003, c’est aussi l’année de « décollage » du Cross du Mont-Blanc. Le fameux et vénérable cross organisé, lui, par le Club des sports de Chamonix, vivotait et peinait à rassembler plus de 300 concurrents. En changeant de format (avec un 42 km) et de nom – pour devenir le Marathon du Mont-Blanc – l’événement a pris une nouvelle envergure et attire de plus en plus de coureurs en début de saison.

En 2007, les coureurs bénévoles du Club Chamonix Mont-Blanc Marathon ont, à leur tour, organisé « leur » événement, le Trail des Aiguilles rouges (TAR), en se démarquant toutefois un peu de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc et du Marathon du Mont-Blanc en choisissant de valoriser le massif des Aiguilles Rouges (massif qui fait face au Mont-Blanc et qui regroupe des superbes « spots » comme le Brévent ou encore le Lac blanc) et de tracer des parcours plus techniques que leurs voisins. 

Massification galopante

Aujourd’hui, comme l’observe Jean-Philippe Lefief dans sa « Folle histoire du trail » (éditions Paulsen), « l’extrême se démocratise, l’aventure se dilue et le trail est encore loin d’être un sport comme les autres, mais la folie fondatrice des pionniers cède peu à peu la place au pragmatisme de la massification ».

L’UTMB et le Marathon du Mont-Blanc se développent de façon à peu près similaire et très exponentielle : gestion de l’événement par des professionnels, multiplication des formats de course pour satisfaire le plus grand nombre de traileurs, mise en place de tirages au sort, rassemblement de plus de 10 000 concurrents lors des dernières éditions… Le Trail des Aiguilles rouges, quant à lui, n’a pas choisi cette voie.

« Le TAR est resté à dimension humaine », se félicite le président actuel du Club Chamonix Mont-Blanc Marathon, Philippe Plantié, en prenant soin de relativiser son propos : « le trail est une grande famille dans la vallée, nous ne sommes pas concurrents, il y a de la place pour tout le monde », assure-t-il.


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Quelques semaines après l’UTMB, dans un coin tranquille de la station, sur le champ de ski du Savoy, juste derrière la rue principale de Chamonix, au pied du téléphérique du Brévent pour être précis, ils étaient « seulement » 850 coureurs répartis sur deux formats (plus un mini TAR réservé aux cadets et aux juniors). Loin de la grande kermesse estivale, on vient ici pour les fondamentaux : des cailloux, du dénivelé, de superbes paysages et des parcours techniques qui changent tous les ans autour du massif.

Les Aiguilles rouges attirent tous les publics, des plus brillants athlètes comme Dawa Sherpa (double vainqueur 2009-2010), Michel Lanne (victorieux en 2011-2016), Nicolas Martin (2018), Maud Giraud (double gagnante en 2009 et 2013), Emilie Lecomte (2010) ou encore la regrettée Andréa Huser (2015) jusqu’aux néo traileurs comme Pierre d’Annecy, rencontré sur la fin de l’épreuve, pour qui « c’était la première fois sur un parcours aussi long. J’ai choisi cette course car les dossards sont accessibles, c’est moins médiatique, l’organisation est plus humaine », a-t-il commenté.

Un petit supplément d’âme 

Sur les sentiers et les podiums du Marathon du Mont-Blanc, de l’UTMB et du Trail des Aiguilles rouges, on croise les mêmes élites, mais au TAR, les fusées du trail trouvent apparemment un petit supplément d’âme. Comme Sarah Vieuille, double vainqueure en 2018 et 2020. « J’ai particulièrement adoré la variété du parcours, les passages techniques dans les cailloux, le dénivelé, tout en ayant la possibilité de courir une très grande partie de la course, résume-t-elle. Sans compter les paysages de fou, en immersion totale dans la montagne et des couleurs extraordinaires au lever du jour. J’ai souvenir d’un passage sur un sentier de crête avec un lever de soleil et un ciel rose de dingue, les montagnes saupoudrées de neige ainsi que les arbres. Cet instant restera gravé dans ma mémoire ad vitam aeternam! »

« C’est une super organisation avec de vraies valeurs, ajoute Sarah. Les organisateurs sont de vrais passionnés de trail et le font ressentir dans le tracé du parcours rien qu’en proposant trois itinéraires différents en changeant chaque année. Ils savent accueillir, mettre l’ambiance et récompenser les coureurs dignement. C’est une de mes courses coup de coeur. »

Pour le champion 2021 de la Diagonale des fous Ludovic Pommeret, vainqueur du TAR ex-aequo avec Dawa Sherpa en 2009, les trois courses de Chamonix (MMB, UTMB et TAR) n’ont rien à voir. « Il n’y a pas grand chose à comparer à part que c’est dans le même secteur. Pour moi le TAR est bien plus technique, affirme-t-il. Je me souviens d’une grosse descente avant de remonter aux Houches, j’avais eu du mal pour la relance, mais avec Dawa ça avait été ».


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La grande famille du trail 

À écouter Philippe Plantié, l’actuel président de CMBM, pas une once de jalousie ne pointe dans ses mots à l’évocation du succès des grandes sœurs. Pour lui « le trail à Chamonix, c’est une grande famille », répète-t-il régulièrement. « Les coureurs du club participent spontanément aux autres courses. J’ai moi-même pris le départ de la TDS cette année. D’ailleurs, nos bénévoles offrent leur temps et leurs services aussi sur les deux autres événements. »

« La grosse différence entre nos courses tient surtout dans les structures d’organisation, fait-il remarquer. Le Marathon du Mont-Blanc et l’UTMB sont gérés par des grosses équipes de professionnels, tandis que nous, on reste un club loi 1901, nous sommes tous bénévoles. »

La bonne entente dans la vallée ne semble pas feinte. À l’arrivée du TAR cette année, Michel Poletti, le grand patron de l’UTMB et ancien président du CMBM, était présent en voisin. Il a chaleureusement félicité son homologue et ami organisateur. Lui aussi confirme cette proximité chez les traileurs chamoniards. Même si la philosophie diffère d’un événement à l’autre.

À ce propos, Michel Poletti et l’UTMB ont commencé à dévoiler début novembre les détails de l’ambitieux nouveau circuit UTMB World Series qui devait initialement intégrer uniquement des courses (françaises et internationales) préalablement acquises par le groupe UTMB ou son partenaire le groupe Ironman. Une course indépendante, la Western States, fait pour le moment figure d’exception. D’autres courses seront des « franchises by UTMB » ou devront, comme le Trail de Saint-Jacques, s’engager à respecter les « standards de l’UTMB », en s’alignant sur le prix des courses du circuit et en mutualisant des services (inscriptions, communication, chrono, etc…)


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