Tarn Valley Trail, un 100 miles linéaire « à l’américaine » dans les gorges du Tarn

Tarn Valley Trail
Le Tarn Valley Trail longera les gorges du Tarn sur le tout nouveau GR 736 - Photo : Tarn Valley Trail

Près de 400 coureurs s’élanceront le 6 mai sur le tout nouveau Tarn Valley Trail (TVT), un 100 miles le long des gorges du Tarn imaginé par Gilles Bertrand, le célèbre fondateur du Festival des Templiers. Loin de la grande effervescence de cet événement devenu mythique, le TVT se veut authentique, minimaliste, artisanal et théâtral. Avant le grand emballement des derniers jours, Gilles Bertrand a accordé un long entretien à Distances+ pour parler de son nouveau bébé.  

Nouveau GR et nouvelle course

En faisant défiler le calendrier des ultra-trails en France, on s’aperçoit vite qu’il y a finalement peu de format « 160 km ». On retrouve des backyards, des courses de 24 h, des courses à étapes et les fameux ultras montagnards de l’été, mais on ne recense qu’une petite dizaine de 100 miles, conçus dans l’esprit américain, c’est-à-dire avec un dénivelé et une technicité assez raisonnables. 

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C’est vraiment dans cette catégorie que Gilles Bertrand a voulu inscrire son nouveau tracé. Créer un 100 miles à l’américaine en France, il en rêve depuis des années tant ses reportages sur les courses comme la Western States et le Leadville 100 l’ont marqué et enthousiasmé du temps où il était journaliste. Les gorges du Tarn, qu’il connaît par cœur en tant que kayakiste et randonneur, offrent un magnifique décor pour une grande course en itinérance. Mais pour passer du rêve du sportif à la réalité de l’organisateur, il a fallu attendre plus de huit ans avant que les planètes ne s’alignent. 


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Depuis 2020, en tant que consultant pour le parc naturel régional des Grands Causses, Gilles suivait avec attention l’élaboration d’un tout nouveau chemin de grande randonnée (GR) : le GR 736. Ce dernier conduit les randonneurs des sources du Tarn au pied du mont Lozère, à Albi, en 300 km. 

Ce nouveau parcours ressemble énormément à son rêve endormi. Gilles saisit alors l’occasion et propose au parc de monter un projet événementiel et sportif pour célébrer l’inauguration de leur nouveau sentier. « Les responsables m’ont dit oui en trois minutes, s’enthousiasme-t-il. Depuis début 2021, on s’est lancé dans l’organisation de cette nouvelle course, une itinérance de 160 km des sources du fleuve jusqu’à Millau, cœur mythique du trail. » 

Retour à l’essentiel

Tarn Valley Trail
Le Tarn Valley Trail propose de nombreux paysages somptueux tout au long de son parcours – Photo : Tarn Valley Trail

Ce trail n’aura rien à voir avec le Festival des Templiers. « Tout de suite, nous nous sommes inscrits dans une logique tout à fait différente, raconte Gilles. Le Festival est une vraie fête démocratique du trail avec tous les formats et toutes les distances pour que chacun des 10 000 coureurs y trouve son compte. À l’inverse, le Tarn Valley Trail ne propose qu’une seule distance, un 100 miles avec 6500 m de D+ et nous limitons le nombre de coureurs à 400. »

Toute la communication depuis le lancement est articulée autour de la beauté des lieux traversés, des gorges vertigineuses, des villages ancrés dans la roche, des causses majestueux. Gilles promeut la simplicité de son événement en postant sur les réseaux ses superbes photos de paysage et ses textes poétiques. « Notre objectif est d’attirer le coureur pour le voyage et la beauté des lieux », martèle l’organisateur.

« J’avais envie d’un « trail harmonie », harmonie avec le terrain de jeu, avec la rivière, avec la pierre, avec la végétation, avec les personnes qui organisent, celles que l’on rencontre… Avec 400 coureurs, on va pouvoir être plus proche de tout le monde, répondre aux attentes, et échanger », souligne-t-il.

L’ancien journaliste a aussi décidé de s’acquitter du superflu pour un trail qu’il qualifie de « dépouillé ». Ainsi, pas d’arche de départ, de panneaux publicitaires, de sono à fond dès 4h du matin, etc. Le départ est prévu au Mas de la Barque, un lieu très reculé des Cévennes et très sauvage. Il n’était pas question de troubler la quiétude et la beauté du lieu, alors le départ sera scénarisé, mais en silence. Un silence qui pourrait faire autant « dresser les poils » que le célèbre Ameno du Festival des Templiers.

Dépouillé ne rime pas non plus avec austérité. Gilles aimerait bien retrouver l’ambiance des courses états-uniennes, très joyeuse avec les équipes de supporters qui suivent leur poulain tout au long du tracé. Les neuf postes de ravitaillement du Trail Valley Trail seront ainsi accessibles aux suiveurs pour que le voyage soit partagé. 


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Les paceurs autorisés, comme sur les courses américaines

L’autre pratique américaine adoptée par le Tarn Valley Trail est la possibilité de terminer sa course avec un pacer, un meneur d’allure. Alors qu’en France, rares sont les compétitions qui autorisent l’assistance d’un tiers, aux États-Unis, c’est la norme. Certains argumentent que se faire accompagner par un pacer s’apparente à de la triche. Pour Gilles, ce choix offre, « d’une part un gage de sécurité accrue pour tous les coureurs, et d’autre part une opportunité magnifique d’échanges, de complicité, de souvenirs à partager avec un proche ». 

L’équipe d’organisateurs a cependant adapté les barrières horaires au niveau français. Alors que les traileurs n’ont que 30 h pour boucler les 100 miles de la Western States, les partants du TVT auront 40 h pour rallier Millau, et le directeur de course « ne sera pas à la minute près sur les barrières horaires si les conditions de sécurité sont réunies. » 

Quant à la vitesse de la tête de course, les prévisions sont incertaines. Les calculs de l’organisation envisagent une arrivée possible entre 16 et 17 h, mais rien n’est moins sûr. Au moment d’écrire ces lignes, douze coureurs culminaient à plus de 700 points d’indice de performance ITRA sur les 352 inscrits.

« Je me suis inscrit sans hésiter »

Nicolas Cantagrel
Nicolas Cantagrel participera au Tarn Valley Trail avec son pacer Yohann Raja – Photo : Courtoisie

Nicolas Cantagrel a pris un dossard dès qu’il a eu connaissance de cette nouvelle course. C’est même lui le premier à s’être inscrit, signe de l’enthousiasme qu’il a ressenti et de la confiance qu’il a tout de suite apportée à Gilles Bertrand.

« Gilles a toujours été un personnage très inspirant pour moi depuis mes premiers Templiers en 2000 quand j’avais 20 ans, évoque le Rodellois. S’il fait un truc, je suis sûr que ce qu’il a en tête va être exceptionnel sur le terrain, alors je me suis inscrit sans hésiter. Je n’ai jamais couru si long, mais j’ai envie de voir comment mon corps et mon mental peuvent me porter sur cette distance. » Le quarantenaire est plutôt spécialiste des cross, des trails courts et des raids multisports. Un nouveau défi donc pour un coureur qui estime « avoir fait un peu le tour des classiques du trail ».

Malgré une bonne préparation, Nicolas ne pense pas pouvoir boucler sa course entre 16 h et 17 h et donc jouer la victoire.

Pour rallier Millau et le site d’arrivée, il pourra compter sur son pacer Yohann Raja à partir du village de Saint-Rome-de-Dolan (km 106). « Il a accepté tout de suite de m’accompagner, raconte Nicolas Cantagrel. Je trouve le principe du pacer génial. Je prends ça comme une possibilité supplémentaire d’échange, de discussions, comme un long entraînement ensemble ».

Événement éco-responsable 

Tarn Valley Trail
Sur le parcours du Tarn Valley Trail – Photo : Tarn Valley Trail

Profiter de la nature tout en réduisant au maximum les impacts, c’est la gageure des signataires de la charte WWF sport, dont fait partie Templiers Events. Cette charte, signée en 2017 et revue en 2021, entre le ministère des Sports et l’ONG World Wide Fund for Nature (WWF) engage les signataires d’événements sportifs sur 15 points au niveau environnemental et social.

« Sur le Festival des Templiers, avec 10 000 participants, on fait notre maximum pour proposer un événement le plus éco-engagé possible, fait remarquer Gilles Bertrand. Par exemple, pour le traitement des déchets, on a mis des poubelles sélectives partout avec des bénévoles spécialement dédiés à cette problématique. Mais c’est aussi toute une filière qui doit être vertueuse et impliquée, du tri à la base au ramassage et au traitement final des déchets. Les organisateurs n’ont pas la main sur toutes les procédures. »

« Sur le TVT, on a poussé encore plus loin nos 20 actions éco-responsables en accord avec les engagements de la charte WWF sport », avance le créateur de la course. Pour se rendre au départ, quasiment la moitié des coureurs ont choisi de prendre les navettes mises en place par l’organisation. « Il y aura trois bus au départ au lieu de 150 bagnoles, c’est une vraie réussite, se félicite le natif du Cher. Bien sûr, il reste les autres 150 voitures qui vont produire du carbone sur les petites routes, mais il faut trouver un juste milieu. »


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La nourriture aussi sera bio et locale. Même le cola à la tireuse est fabriqué à Saint-Geniez-d’Olt, à quelques kilomètres. Les biscuits sont achetés en gros par paquet de 5 kg directement chez le producteur partenaire. 

Un point de la charte pose tout de même problème à Gilles Bertrand : le volet éco-financier (engagement 6 sur les achats durables et responsables). 

« Offrir un cadeau 100 % vertueux aux coureurs, c’est très onéreux et ce pôle expose le budget. Le panier gourmand avec les bons produits locaux a un coût très important, confie l’organisateur. Avoir un partenaire vertueux en matière de textile et de chaussures sportifs, c’est très compliqué. En France, il existe bien des sociétés qui proposent des « tee-shirts propres » mais ce sont des start-up qui ne peuvent pas proposer des dotations avec des budgets correspondants à nos impératifs. Un tee-shirt à 16 ou 18 euros, c’est impossible », poursuit-il.

Organisateur, un véritable sacerdoce

Il faut des convictions et de la motivation pour se lancer aujourd’hui dans l’organisation d’un nouvel événement et composer avec toutes les contraintes environnementales, budgétaires, sportives, etc. Mais Gilles est rôdé à l’exercice.

« J’ai deux parcs (le parc national des Cévennes et le parc régional des Grands Causses) et l’ONF (Office national des forêts) sur le dos qui m’imposent des tas d’ajustements », s’amuse-t’il. Par rapport au tracé initial, le parcours a été maintes fois modifié en raison de contraintes environnementales. Ces changements peuvent être liés à des oiseaux qui nidifient, à un habitant qui fait dévier le GR afin qu’il ne passe pas devant sa fenêtre, à une piste VTT qui serait trop empruntée, etc. Mais l’équipe organisatrice a fait de ces contraintes une force pour s’adapter et trouver des solutions alternatives très satisfaisantes.


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Gilles avertit que le Trail Valley Trail sera déficitaire cette année. Un ultra seul ne peut pas être rentable car les frais sont trop importants par rapport au nombre de coureurs au départ. Le poste « sécurité » explose particulièrement le budget : plus de 30 000 euros pour 400 coureurs.

Mais pas question de rogner les dépenses dans ce domaine pour le fondateur des Templiers. « C’est ma façon de voir l’organisation, de mettre tout en place pour assurer la sécurité des coureurs, justifie l’intéressé. Un ultra, c’est 40 h de course. Il faut donc doubler les équipes, on aura douze unités médicales sur la course », détaille Gilles. C’est pour cette raison que les organisateurs privilégient souvent diverses distances. La multiplication du nombre de participants permet de lisser les dépenses. 

Cette année, Gilles n’est pas trop inquiet, car il bénéficie des aides versées par l’Etat pour soutenir l’économie pendant la Covid pour compenser une partie du déficit. Pour les années futures, il faudra trouver une solution plus pérenne. Ce sera l’un des chantiers à mener pour la prochaine édition.