L’approche « wildinism » : courir en respectant vraiment la nature

cyril cointre
Le wildinism, une ôde à la simplicité (sur la photo : Antoine Simon à l'occasion d'un tour du Mont-Blanc sans voiture, sans train, sans téléphérique) - Photo : Cyril Cointre

Propulsée par l’association Robin des montagnes, l’approche Wildinism prône une pratique de la course à pied et des sports plein air sans artifice et respectueuse de la nature, libérée de toute empreinte carbone, sans être dogmatique. Distances+ s’est entretenu avec l’ultra-traileur français Cyril Cointre, l’un des fondateurs passionnés de ce mouvement.

Cyril a couru un peu partout dans le monde, passant généralement la ligne d’arrivée parmi les premiers. Il a notamment remporté la Montagn’Hard (111 km, 8900 m D+) en 2012, l’Ultra-Trail du Vercors (86 km, 4500 m D+) en 2013 et la Maxi-Race de Madère (68 km, 5400 m D+) en 2018. Il est également monté sur la 2e marche du podium de l’Ultra-Trail Atlas Toubkal en 2011, de la TDS 2015 ou de la Maxi-Race China en 2019, pour ne citer que ces performances.

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Bilan carbone le plus faible possible

sur les toits du monde en vélo
Cyril Cointre (à droite) et Clément Latour lors de leur périple « sur les toits du monde en vélo » – Photo : Courtoisie

Le projet Wildinism remonte à 2005, se souvient-il, lors de son aventure en binôme sur « les toits du monde à vélo » avec son ami Clément Latour. Ensemble, ils ont parcouru 25 000 km en 26 mois à travers 26 pays, avec comme fil conducteur l’ascension du plus haut sommet de chaque pays, comme l’Aconcagua en Argentine (6962 m), jusqu’au mont Everest. Cette aventure en autonomie, avec pour objectif d’avoir un bilan carbone très faible, marque les prémices de leur engagement à promouvoir le sport à l’état sauvage.

Après cette expérience vagabonde de plus de deux ans, Cyril s’est tourné vers le raid multisports, très proche de cette culture de la débrouillardise, jusqu’au Championnat du monde en 2012, à la suite de quoi il a été attiré vers la lumière des équipes professionnelles de trail. Il a d’abord fait partie de l’équipe Hoka avant d’intégrer l’équipe WAA, dont il deviendra même le directeur sportif.

« L’étoile filante dure trois ans, en voyageant énormément sur toutes les étapes de l’Ultra-Trail World Tour, tous frais payés dans le monde entier, mais en perdant le système D, l’aspect écologique » explique-t-il.

Jusqu’à ce qu’il prenne conscience que sa pratique du sport en plein air était devenue problématique, qu’elle ne servait pas la nature qu’il aime tant, ce qui l’a amené à se remettre en question et à jeter sur le papier les grandes lignes du concept « wildinism », guidé par le respect de la nature.

« En prenant ce virage, je savais que je n’étais pas monsieur Blanc qui a toujours été blanc, souligne Cyril Cointre, mais j’avais cette culture en moi au départ, et je me suis perdu, car il y a ce culte de la victoire, du tout payé, de l’argent. Avec du recul, je réalise que je suis tombé dans le panneau » confie-t-il.

Sans assistance ni ravitaillement

Sébastien Raichon
Sébastien Raichon durant la traversée du GR5 en août 2020 avec seulement un sac de 6 kg dans le dos, ici dans le Queyras – Photo : courtoisie

Le « wildinism » se décline en deux volets, selon lui. D’un côté, les engagements concrets que prennent les athlètes dans le cadre de leur pratique personnelle et de l’autre la sensibilisation des organisateurs de compétitions ou d’activités dans la nature.

À titre personnel, chacun est libre de se lancer dans une aventure, au sens large, en limitant au maximum son empreinte carbone. L’idée est de se déplacer par ses propres moyens, sans aucune assistance, en autonomie complète, en se (re)connectant avec la nature et en ayant recours à la débrouillardise et au « système D » quoi qu’il arrive en chemin.

« L’idée n’est pas d’être le plus écolo du monde, car il existe une chose simple pour être 100 % écolo c’est de ne rien faire, commente Cyril Cointre. Ce n’est pas le but. Ce qui compte, c’est surtout d’être dans cette approche, faire des choses exceptionnelles en se servant de sa faculté d’endurance de sportif pour approcher son objectif. »

Courant août, par exemple, le coureur d’expérience Sébastien Raichon a parcouru le GR5 dans son intégralité entre Thonon et Nice, soit 627 km et 33 600 m de dénivelé en 162 heures avec une empreinte carbone quasi nulle. Il est allé au point de départ de son périple en covoiturage avec un sac de seulement 6 kg et il s’est ravitaillé dans les villages qu’il a traversés ou les refuges sur son chemin.

Ceci dit, courir « sans assistance, sans ravitaillement, sans meneur d’allure tout le long ne veut pas nécessairement dire courir seul, précise l’athlète engagé. On a besoin des autres, c’est une expérience humaine. »

D’autres projets en mode « wildinism » ont été réalisés cet été comme la traversée des Pyrénées par le GR10 d’Aurélien Sanchez au mois de juillet. Il a parcouru 900 km et 55 000 m D+ en 12 jours, ou encore le tour du massif des Écrins (180 km, 12 000 m D+), dans les Alpes, que Sandrine Béranger a parcouru en mode express en 40 h 40.

L’approche « wildinism » n’exclut pas ceci dit la performance sportive. Lors de sa traversée du GR5, Sébastien Raichon avait d’ailleurs l’idée d’établir un record. Mais ce n’était pas le but premier de son aventure.

Selon Cyril, « tout le monde, seul ou en groupe, un tant soit peu sportif, est en mesure de réaliser des défis dans ce même état d’esprit, en cherchant son chemin, son alimentation, son endroit où dormir. Les traileurs sont des randonneurs plus rapides. »

Là où certains sont dans le « peu importe les moyens pourvu que j’arrive à mes fins » le mantra du « wildinism » est plutôt : « le plus important, c’est le chemin et non la destination. »

Remettre du sens dans le sport nature

Cyril Cointre et Laura Garnier
Bivouac en montagne lors d’un périple de Cyril Cointre et Laura Garnier – Photo : Cyril Cointre

Cyril Cointre souhaite donc sensibiliser également les organisateurs d’activités en plein air à adopter une attitude responsable en privilégiant toujours la nature dans leurs choix. « Il faut remettre du sens à la pratique de ce sport », affirme-t-il.

Il a rédigé sept recommandations, « sept pas pour la nature » qu’il développe sur le site internet du projet Wildinism, pour entre autres « inspirer » et « encourager » :

1. Respect et promotion de la nature
2. Réduction carbone
3. Supports réutilisables
4. Objectif zéro déchet
5. Réduire le balisage
6. Assistance et suivi limités
7. Nourriture bio, prestataires locaux et production locale

Parmi les mesures que Cyril Cointre estime les plus faciles à mettre en place, il suggère de remplacer les petits cadeaux offerts aux coureurs, dont il estime l’empreinte écologique proportionnellement inverse à leur utilité, par des lots consommables ou durables. Il incite aussi les organisateurs à remplacer les bouteilles plastiques par des rampes à eau, à recourir massivement au recyclage des déchets, à mettre en place la récupération de vêtements techniques et de chaussures de course usagers susceptibles de servir encore à d’autres, notamment à des personnes dans le besoin, ou encore d’opter pour un balisage réutilisable.

S’il est ravi de voir que certains traileurs ou certaines courses ont déjà amorcé le virage écologique en menant des actions qui vont dans ce sens, il constate que les enjeux économiques freinent cet élan, rendant parfois les discours schizophréniques.

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