Comment éviter le terrible coup de chaleur?

La chronique du Doc Vauthier

Un coureur se rafraîchit lors de la Diagonale des fous à La Réunion où les coups de chaleur sont fréquents
Un coureur se rafraîchit lors de la Diagonale des fous à La Réunion où les coups de chaleur sont fréquents - Photo : Cyrille Quintard

Le coup de chaleur lorsqu’on fait du sport, c’est un coup d’arrêt. Lorsque les symptômes arrivent, il est trop tard. Harassé, le coureur sombre, s’écroule et divague, impuissant. Le plus rutilant des traileurs peut se transformer en larve rampante. Pour ne pas — ou ne plus — vivre cet enfer sur les sentiers, il faut se préparer et apprendre à s’adapter aux conditions météo lourdement ensoleillées. Je vous partage ici ce que l’on sait sur la question afin que vous puissiez l’anticiper au mieux.

C’est quoi un « coup de chaleur »?

On parle d’un « coup de chaleur » à l’effort (exertional heat stroke) quand la température corporelle est supérieure à 40 degrés et qu’elle est associée à des troubles neurologiques, survenant lors d’un effort en conditions chaudes. La seule manière de mesurer sa température avec fiabilité dans ce cas précis est par voie rectale.

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Les premiers signes que l’on est en train de subir un coup de chaleur sont en général :

  • des modifications comportementales (pseudo-ivresse, obnubilation, hébétude, comportement agressif, confusion mentale, etc.), avant que ne survienne une réaction inflammatoire générale qui conduit à une défaillance multiviscérale, et parfois même à la mort.
  • une soif intense peut également être un signe, et elle peut s’estomper, ce qui peut signifier que la situation médicale s’aggrave.
  • une sudation abondante, qui peut se tarir ensuite, ce qui est aussi un signe inquiétant.

Les mécanismes du corps pour se refroidir 

Pour ne pas trop monter en température, il faut, assez logiquement, que le corps puisse se refroidir. Pour ce faire, il a naturellement recours à plusieurs stratégies :

  • le rayonnement (ça se fait tout seul, on rayonne naturellement) : un corps chaud rayonne vers un corps moins chaud. Donc on envoie de l’énergie calorique vers notre environnement. Le soleil nous chauffe par ce procédé et il faut se protéger de son rayonnement en se mettant à l’ombre, en portant une casquette, etc.)
  • la convection : c’est l’échange entre un fluide (de l’air ou de l’eau) et notre corps. La convection est plus efficace avec l’eau qu’avec l’air, et d’autant plus efficace si ce fluide circule. Le vent nous refroidit, par exemple. Cela explique que nous ayons une meilleure tolérance à la chaleur en vélo.
  • la conduction : c’est l’échange entre le corps et un solide. Il suffit de s’allonger sur un sol carrelé pour se rendre compte de la puissance refroidissante de la conduction. J’ai souvenir d’une sieste sur un large rocher à l’ombre, c’était très rafraîchissant!
  • l’évaporation : c’est le seul mécanisme actif. En s’évaporant, l’eau emprisonne de l’énergie et refroidit ainsi le corps (donc pour permettre ce phénomène, ne vous épongez pas de trop). Le corps module ainsi son refroidissement par la transpiration. Si on s’arrose, il y a un petit effet de convection, puis cette eau s’évapore, ce qui ajoute un refroidissement par évaporation.

Le corps produit beaucoup de chaleur à l’effort

François D'Haene se protège de la chaleur lors d'un ravito sur la Diagonale des fous 2016
François D’Haene se protège de la chaleur lors d’un ravito sur la Diagonale des fous 2016 – Photo : Cyrille Quintard

La combustion musculaire n’est pas très efficace d’un point de vue de la performance. 75 % de l’énergie musculaire générée est en fait de la chaleur et seulement 25 % est convertie en mouvement.

Les ingrédients du coup de chaleur sont là : l’effort produit beaucoup de chaleur (et d’autant plus que l’effort est intense), le rayonnement solaire accentue cela et le refroidissement par convection avec l’air est moindre, car la différence de température entre notre peau et l’air ambiant est faible.

Enfin, lors des chaleurs humides, type tropicales, la transpiration est beaucoup moins efficace, ce qui rend ces chaleurs humides très difficiles à supporter et plus à risque de coup de chaleur. Regardez donc la température ET l’hygrométrie.

La transpiration est votre amie, la digestion est votre ennemie

La transpiration est au centre de la physiologie de l’effort en conditions chaudes. Il faut suer et laisser s’évaporer un maximum d’eau. Pour ce faire, le corps va modifier la répartition des débits sanguins. La vascularisation de la peau va nettement augmenter au détriment du système digestif notamment, ce qui explique en partie la difficulté à manger et à digérer par temps chaud et même à boire. La perte sudorale et la difficulté à boire entraînent une déshydratation et limitent ainsi les capacités de rafraîchissement à cause du plus faible débit cardiaque.

Pour autant, rien ne sert de boire trop. Il faut écouter sa soif. Je vous laisse le soin de lire les articles évoquant l’hyponatrémie d’effort sur Distances+.

La fréquence cardiaque s’accélère quand il fait trop chaud

Le cœur s’accélère pour maintenir un débit suffisant et maximiser les capacités de refroidissement. Si l’on regarde deux relevés du rythme cardiaque moyen d’un même coureur à la même vitesse, sur un même parcours, en situation tempérée et en pleine canicule, on constate une dérive de la fréquence cardiaque liée à la chaleur. On comprend aisément que les performances ne seront pas maximales en situations chaudes. Il ne faut pas s’attendre à battre un record personnel lors des pics de chaleur!

Mais, alors, peut-on courir s’il fait chaud ?

La chaleur amplifie la sensation de fatigue lors de l'effor
La chaleur amplifie la sensation de fatigue lors de l’effort – Photo : Cyrille Quintard

On peut courir lorsqu’il fait chaud, oui, mais pas n’importe comment. Voici les recommandations basées sur ce que nous dit la science :

  • Il faut s’acclimater. On considère qu’il faut une à deux semaines pour s’acclimater. Cela peut être nécessaire avant certaines courses qui se déroulent dans des conditions très différentes de vos conditions habituelles de vie. Programmez des activités initialement peu intenses et de courte durée puis augmentez progressivement.
  • Il faut adapter sa tenue. L’évaporation de la sueur est fondamentale, essayez donc de réserver des larges zones de peau libre. En ultra trail, le sac constitue déjà une jolie couverture chauffante sur une large partie du dos. Si on porte des mitaines pour les bâtons, une montre GPS XXL, parfois des manchettes retroussées aux poignets, des chaussettes de compressions jusqu’au mollet, parfois des shorts longs, ou des compressions supplémentaires aux cuisses, les zones d’évaporation sont quasi inexistantes. Lorsque la température monte durant la journée, n’oubliez pas de retirer vos vêtements mis la nuit. J’ai souvenir d’un concurrent arrivant à Chamonix par 30 degrés à la fin d’un UTMB, rouge et suant, mais portant encore son imperméable, qui effectivement était utile la nuit entre Valorcine et la Flégère, mais beaucoup moins à midi à Chamonix. Il avait « oublié » de l’enlever.
  • Préférez les tenues blanches ou claires qui reflètent les rayonnements solaires. Attention aux imprimés sur certains vêtements de course, car les flocages limitent les performances des tissus techniques.
  • N’oubliez pas de protéger les zones exposées de votre peau avec un produit solaire. La casquette, le bob, le chapeau, etc. sont utiles pour limiter le rayonnement sur le crâne. Blanc, c’est encore mieux. 
  • Arrosez-vous ! Arrosez-vous ! Arrosez-vous ! Je le répète, ce n’est pas en buvant des quantités folles d’eau qu’on se protège contre le coup de chaleur, c’est en se refroidissant. Humidifiez votre tenue, trempez votre casquette dans l’eau chaque fois que c’est possible.
  • Faites des pauses, allongez-vous sur un sol frais. En cessant l’activité, vos muscles limitent la production de chaleur, la vascularisation du système digestif est meilleure, vous absorberez ce que vous ingérez (plutôt que de le vomir un peu plus loin). Lors des ultra-trails en situation très chaude, faites des siestes au frais la journée aux heures les plus chaudes pour être en meilleure forme la nuit qui suit et ainsi profiter de la fraîcheur.
  • Ravitaillez-vous de préférence après la sieste (et finalement peu pendant l’effort).
  • Obligez-vous à marcher régulièrement, même quand le chemin permet de courir, pour limiter l’échauffement musculaire et donc l’hyperthermie générale.

Nous ne sommes pas tous égaux face au coup de chaleur

  • Plus on est en forme, moins on fait de coups de chaleur.
  • Plus on est en surpoids, plus on est à risque d’être victime d’un coup de chaleur.
  • Les sportifs qui ont déjà fait un coup de chaleur durant un effort seraient plus à risque d’en refaire. Il existe des tests de tolérance à la chaleur, surtout pour les militaires ou les pompiers.
  • Les sportifs au caractère « guerrier » bien affirmé sont plus exposés, en raison d’une culture du jusqu’au-boutisme.

Limiter les risques de coup de chaleur

Les coachs, les accompagnateurs, les bénévoles et les soignants doivent rester vigilants. Les encouragements trop poussés doivent être mesurés pour laisser place à des stratégies de lutte contre la chaleur : adapter la tenue, ravitaillement à l’ombre, installation de tuyau d’arrosage, ouverture de bouche d’incendie, mise à disposition de douches en chemin sur les bases de vie, zones de repos identifiées pour les siestes, marquage des fontaines publiques et des points d’eau accessoires sur le parcours. J’en profite pour remercier les spectateurs des courses qui mettent généreusement ces équipements à la disposition des coureurs, et je pense tout spécialement aux Réunionnais entre la « Rivière aux galets » et « Dos d’âne » sur le parcours de la Diagonale des fous.

Les épreuves de courte distance sont aussi très à risque du fait de l’intensité de l’effort, de la dictature du chrono et de la fausse impression de la proximité de l’arrivée qui autorise à « tout donner ». Sur ces épreuves, il convient parfois d’annuler ou de décaler l’horaire de départ.

Pour les entraînements, le port d’un cardiofréquencemètre permet de mieux se réguler, car la vitesse va indéniablement être réduite par la chaleur. Bien sûr, les heures fraîches sont à privilégier, sauf dans le cadre d’une stratégie d’acclimatation.

Pendant que j’y suis, voici une anecdote éloquente : en 1999, l’acteur Martin Lawrence a couru par 37 degrés, largement couvert et avec un bonnet de laine pour perdre du poids (on en voit encore quelques-uns courir ainsi, confondant déshydratation et perte de poids). Il a fini par faire un malaise et il est resté trois jours dans le coma. 

Courir par temps chaud sans souffrir d’un coup de chaleur, en résumé

  • Il faut être en forme pour faire de l’activité physique en période de forte chaleur et, même en forme, il faudra adapter vos performances.
  • Il faut prendre le temps de s’acclimater, et y aller progressivement.
  • Il faut boire à sa soif, ni plus ni moins.
  • Réfléchissez bien à vos stratégies de refroidissement. Elles doivent devenir une obsession dans les conditions climatiques extrêmes.
  • Soyez raisonnable! Le coup de chaleur est une urgence médicale, trop souvent fatale. La surmotivation, les comportements extrêmes et les courses rapides sont plus à risque.

Ce n’est que de la course, que du sport. Et l’été sera vite passé. Ne vous mettez pas en danger juste pour respecter votre programme d’entraînement ou vos allures.


Jean-Charles Vauthier est médecin généraliste et médecin du sport. Ultra-traileur, il s’est intéressé à la médecine du trail en tant que responsable médical de l’Infernal Trail des Vosges ou du Trail de la Vallée des lacs. Il dirige également des recherches sur la physiologie de l’ultra endurance en lien avec la Faculté de médecine de Nancy.

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