Y a-t-il une solution contre les crampes?

La chronique du Doc Vauthier

Lorsque les crampes surviennent, la sortie ou la course peut devenir un enfer
Lorsque les crampes surviennent, la sortie ou la course peut devenir un enfer - Photo : Thierry Jouanin / Trans Aubrac

Les crampes pourrissent les ambitions de nombreux coureurs et la médecine peine à trouver une réponse à ce dysfonctionnement musculaire. Sur les forums de course à pied, les recettes miracles, les astuces de grands-mères et autres traitements secrets foisonnent. Ce folklore serait amusant s’il ne conduisait pas parfois à des conseils plus dangereux qu’efficaces.

Tentons d’y voir plus clair. Que dit la science?

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D’abord, voici la définition d’une crampe : il s’agit d’une « contraction continue, involontaire, douloureuse et localisée de tout un groupe musculaire, d’un seul muscle ou de certaines fibres musculaires, de quelques secondes à quelques minutes, pour des raisons connues ou non, chez des sujets en bonne santé ou en présence de maladies. La palpation de la région musculaire de la crampe présentera un nœud. »

Nous voilà bien avancés!

Il sera uniquement question ici des crampes du sportif. On met de côté les crampes dites « idiopathiques », fréquemment rencontrées chez les personnes âgées.

D’où viennent les crampes?

Pour prévenir ou soulager les crampes, essayons d’abord de comprendre leur origine. Deux théories s’affrontent. La première accuse les désordres électrolytiques et hydriques (l’eau et les sels minéraux), la seconde accuse la « fatigue » musculaire.

Le muscle, pour se contracter, doit recevoir une impulsion électrique qui transite du cerveau vers la moelle épinière puis qui atteint le muscle par un motoneurone (une cellule nerveuse directement connectée à un muscle). Jusque-là, c’est relativement facile à comprendre.

Cette contraction va être modulée et contrôlée par une boucle réflexe (à partir du fuseau neuromusculaire et de l’appareil tendineux de Golgi – allez visiter ces deux monuments de vos quadriceps, le corps est merveilleux). Lorsque vous avez une crampe, c’est que cette boucle de régulation ne joue pas son rôle, le muscle reste alors bêtement contracté.

Les défenseurs de la première hypothèse constatent que les personnes qui ont des pathologies avec des désordres hydro-électrolytiques tels que l’hypokaliémie (manque de potassium), l’insuffisance rénale, ou la consommation d’alcool, présentent plus de crampes.

Les défenseurs de la seconde hypothèse observent quant à eux que les traitements préventifs ou curatifs de ces troubles potentiels chez le sportif ne changent pas la probabilité de survenue de ces crampes. À l’inverse, les marqueurs de « fatigue » sont corrélés à cette probabilité de crampes.

Une étude intéressante sur les crampes menée durant la Western States

Sur la Diagonale des fous à La Réunion
Sur la Diagonale des fous à La Réunion – Photo : Cyrille Quintard

Pour arbitrer ce débat, notamment en trail, il faut citer le travail de Martin Hoffman, qui a invité en 2014 les coureurs de la Western States Endurance Run (100 miles) à répondre à un questionnaire et à faire une prise de sang. Avec plus de 150 coureurs sondés qui ont répondu à ces deux exigences (près du double ont soit répondu au questionnaire, soit offert leur sang à la science), l’équipe de Hoffman a pu déterminer que les crampes survenaient majoritairement dans la première moitié de course (le fameux départ prudent que l’on se promet de respecter et qu’on oublie dans les secondes suivant le départ).

Les paramètres qui ressortaient comme prédictifs de crampes dans cette étude étaient :

  • les antécédents de crampes (certains font plus de crampes que d’autres, le monde est injuste jusque dans nos mitochondries)
  • Les marqueurs de souffrance musculaires (créatine phosphokinase/CPK, urée). 

L’âge, le sexe, l’expérience, la quantité d’entraînement et le taux de créatine sérique étaient comparables chez les coureurs souffrant de crampes et chez les veinards indemnes.

Les pastilles d’électrolytes évitent-elles les crampes?

Mais le plus informatif est que la supplémentation de sel en course (sodium et potassium) ou la variation du poids corporel ne permettent pas d’expliquer la probabilité de survenue de crampes. Les conseils entendus partout comme « il faut bien boire », « sale bien pour éviter les crampes » ou encore la fameuse excuse « je n’ai pas assez bu, j’ai eu des crampes », seraient donc sans fondement.

Hoffman a conclu son article en prenant fait et cause pour la théorie de la fatigue.

Schwellnus arrive aux mêmes conclusions sur un groupe de 210 triathlètes (Ironman) et sur une cinquantaine de trailers (course de 56 km). Il démontre aussi le rôle favorisant du départ trop rapide et émet l’hypothèse d’une préfatigue par des entraînements les veilles de la course. Là encore, eau et sels sont mis hors de cause.

Et si le magnésium était en cause?

Les troubles profonds du métabolisme du magnésium pourraient donner des crampes. Selon une analyse de la littérature scientifique, la supplémentation ne semble pourtant pas soulager les crampes chez la personne âgée et donne des résultats contradictoires pendant la grossesse. Elle n’a pas été évaluée chez le sportif. 

Qu’en est-il des bas de compression, des massages et des étirements?

Nous ne disposons pas d’évaluation scientifique sur les crampes. Les études, dont certaines ont été commandées par les fabricants de bas de compression, accréditent parfois l’impact positif sur la fatigue musculaire, mais rien de spectaculaire.

Les massages sont également régulièrement proposés comme remède miracle. Les kinés et les physiothérapeutes présents dans les bases de vie sur les courses apparaissent souvent comme des sauveurs pour les ultratrailers enraidis, pétrifiés par des crampes. Rien n’a été démontré jusqu’à présent, mais ça ne peut pas faire de mal de se faire dorloter quelques minutes précieuses par des mains bienveillantes.

Les étirements n’ont pas non plus démontré d’aspect préventif. Dans un article de 2017, Gino Panza suggère que « faire des étirements statiques est une intervention inefficace pour réduire la probabilité aiguë de futures crampes ».

La banane est-elle bonne contre les crampes?

Même la banane, grande vedette des ravitos, a été étudiée et n’a pas plus réussi à montrer son efficacité 

Les autres apports exogènes (sporténine, spiruline, boissons énergétiques, etc.) promettent fréquemment de réduire les crampes. Ce sont des « allégations santé », c’est-à-dire sans fondement scientifique. Chacun se fera son idée.

Conclusions et recommandations

En résumé, protégez vos muscles avant l’effort et en début d’épreuve! Un excès de contraintes en intensité, en répétition ou en amplitude (la fameuse crampe en enjambant une clôture de parc ou un arbre tombé) conduira plus ou moins rapidement à des crampes chez les sujets prédisposés. Le stress généré par le dossard majore aussi la préfatigue et explique en partie que la survenue des crampes n’est pas la même en course et à l’entraînement.

Les stratégies de supplémentation en eau, en sels minéraux, en magnésium, en banane ou en quoi que ce soit se révèlent inefficaces. L’apport excessif en eau peut même s’avérer dangereux (hyponatrémie) et l’apport en sel est parfois délicat à digérer.

Les méthodes physiques (massages, étirements, compression) exposent à moins d’effets secondaires, mais ne sont guère plus convaincantes.

Ces interventions, scientifiquement inefficaces, peuvent se révéler parfaitement salvatrices chez certains coureurs. Tant mieux pour eux. Si vous avez trouvé une procédure qui vous convient, gardez-la!

Il est certainement plus doux d’entendre que nos problèmes en course seraient liés à une carence, un manque, une anomalie et qu’une solution « externe » pourrait tout solutionner. Trop facile! Le remède doit probablement être plus « interne », par une réflexion lucide sur sa pratique, sa vitesse de course et ses capacités réelles. Finalement, ce débat est valable pour beaucoup de problèmes médicaux.


Jean-Charles Vauthier est médecin généraliste et médecin du sport. Ultra-traileur, il s’est intéressé à la médecine du trail en tant que responsable médical de l’Infernal Trail des Vosges ou du Trail de la Vallée des lacs. Il dirige également des recherches sur la physiologie de l’ultra endurance en lien avec la Faculté de médecine de Nancy.

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