Ils ont fait le grand tour de Paris : 645 km via les sentiers du GR11

paris Bromance Athletics Club
Les sept traileurs parisiens du Bromance Athletics Club - photo : Colin Olivero

Il n’y a pas que les athlètes professionnels ou les élites qui ont réalisé de belles traversées en « off » ces derniers mois. Sept coureurs de la région parisienne, sans référence de haute performance, ont fait une grande boucle autour de Paris via le GR11, soit 645 km, au terme de 64 h 23 d’efforts en relais à travers la forêt de Fontainebleau, la vallée de Chevreuse, le parc naturel du Vexin, le domaine de Chantilly ou encore le canal de l’Ourcq. 

Même s’ils vivent loin des montagnes, où les exploits s’apprécient au regard du dénivelé cumulé et de la technicité des sentiers, les traileurs du Bromance Athletic Club Maxime Chevalier, Cédric Dubourg, Thomas Dupas, Charlotte Ecolan, Cédric Fabulet, Guillaume Saez et Romain Coué avaient envie de réaliser un défi original, et pourquoi pas près de chez eux en région parisienne. 

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N’allez pas dire à cette brochette d’athlètes qu’ils n’ont pas fait de trail sous prétexte que l’Île-de-France serait plate et goudronnée. « On s’était dit “on va courir à 12 km/h de moyenne, c’est le minimum syndicale”, mais ça a été une connerie absolue, on ne pouvait pas courir à 12 à l’heure, raconte Maxime Chevalier. Il y avait des parties dans le Vexin, dans la forêt de Fontainebleau où ça grimpe pas mal », sourit-il.

« Il y a aussi des moments où on est dans les champs, ajoute Cédric Dubourg. Il n’y avait pas de sentiers et, mine de rien, pour les appuis, c’est rempli de trous et on ne peut pas relancer parce qu’on s’enfonce et ça te pompe de l’énergie. »

Le GR11 affiche officiellement 6749 m de dénivelé positif, mais l’équipe affirme plutôt avoir cumulé entre 8000 et 9000 d’après les montres GPS. Ces 14 m de dénivelé par kilomètre amuseront peut-être les montagnards, reste que ce n’est pas si plat que ça, l’Île-de-France.

Un GR méconnu 

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Charlotte Ecolan du Bromance Athletics Trail, sur le GR11 autour de Paris – Photo : Colin Olivero

La bande d’amis avait prévu de participer à de nombreuses compétitions de trail en 2020, notamment l’Ultra-Trail de l’île de Madère (MIUT) au Portugal et le Lavaredo Ultra-Trail, en Italie.

Face à la déferlante d’annulations, l’idée de réaliser à leur tour un off prend forme. « De grosses marques comme Salomon, New Balance faisaient des projets avec leurs athlètes de haut niveau. On s’est dit que, même si on n’est pas des athlètes de haut niveau, on pouvait, nous aussi, faire un truc qui sortait de l’ordinaire », explique Maxime Chevalier.

L’idée du parcours est née un peu par hasard. « C’était un dimanche, j’étais dans mon canapé, je cherchais juste un endroit où aller courir, se souvient Cédric Dubourg. Un nouveau spot en Île-de-France qu’on n’aurait pas fait encore et sur lequel on ferait une sortie cool le week-end suivant. Je suis tombé sur le GR11 et j’ai constaté qu’il n’avait jamais été couru dans sa totalité et qu’il était inconnu au bataillon. »

Mi-juillet, quand Cédric présente le GR11 aux autres coureurs, l’état d’esprit est plus à la rigolade, mais très vite le projet se concrétise, et lorsque le partenaire de leur club, l’équipementier japonais Asics, leur donne le feu vert, fin août, tout s’enchaîne très vite.

Les préparatifs commencent. Il faut réserver un camping-car, un van, acheter la nourriture et Cédric Fabulet passe même plusieurs jours à repérer le parcours sur Google Street View dans son intégralité. « Il a fait un travail de titan, estime Cédric Dubourg. Grâce à lui, on avait un tableau Excel avec quel coureur faisait combien de kilomètres. Il avait tout anticipé. S’il avait prévu 10,3 km, on passait le relais à 10,3 km. »

Il ne restait plus que quelques petits passages à repérer pour vérifier quelques points de logistiques et notamment le passage de vélos tout-terrain (VTT).

Une aventure en relais 

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Passage de relais lors du défi du GR11 en région parisienne – Photo : Colin Olivero

Si ce off se démarque des autres c’est, en partie, parce que les sept athlètes n’ont pas couru en continu les 645 km du GR11. Ils ont organisé leur course sous forme de relais avec toujours deux relayeurs qui suivaient en vélo celui qui courait. Il n’était ainsi pas nécessaire que le camping-car soit présent à chaque passage de relais.

Les vélos étaient aussi là pour garantir la sécurité du coureur en piste puisque la camionnette qui les suivait ne pouvait pas passer par tous les chemins. Enfin, le VTT devait permettre à celui qui venait de passer le relais de récupérer. Sur le papier du moins.

Car « très vite, on s’est aperçus qu’on se cramait en VTT. On a perdu énormément d’énergie, regrette Cédric Dubourg. La nuit, dans la boue, on n’avançait pas. Les vélos étaient lourds et quand ça montait, on devait parfois les porter. »

« Quand on court, on n’est pas dépendant d’une machine, mais quand on est à vélo, qu’on n’avance plus et qu’on pose le pied à terre, on avance moins vite que celui qui court », analyse Maxime Chevalier. « C’est le truc qu’on n’avait pas anticipé », reconnaît Cédric.

Après la deuxième nuit, la décision est donc prise d’abandonner les vélos. Durant la dernière nuit, celui qui prenait le relais devait envoyer un message vocal tous les deux ou trois kilomètres pour assurer que tout allait bien. Un système D qui a bien fonctionné.

Des relais manqués 

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Chaque relayeur était suivi par un coureur à vélo les deux premières nuits – Photo : Colin Olivero

Le petit groupe a connu une autre difficulté : deux coureurs sur les sept, Thomas Dupas et Charlotte Ecolan, n’ont pas réussi à prendre tous leurs relais comme prévu. Thomas a en effet ressenti une douleur dans un genou. Il a sauté un relais la dernière nuit pour pouvoir faire celui du lendemain. Sa copine l’attendait pour faire le dernier tronçon avec lui.

Quant à Charlotte, elle semble avoir mal géré les premiers relais. « Il y avait seulement quelques heures entre chaque leg (relais) et je n’arrivais pas à bien gérer mon alimentation, a-t-elle précisé à Distances+. Mon troisième leg, pendant la première nuit, je me suis retrouvée un peu sans force parce que je n’avais pas beaucoup mangé et pas beaucoup bu. »

Le lendemain, c’est la crainte de digérer ou pas certains aliments qui l’empêche de se ravitailler comme il faut. Elle saute alors quelques relais et en reprend un dernier lors de l’ultime journée. « Les gars m’ont vraiment laissé du temps pour récupérer et ce leg s’est hyper bien passé, se souvient-elle sur un ton plus réjoui. Mais quelque part, je suis déçue de ne pas avoir fait ma part. »

Des propos que Maxime et Cédric ont tenu à nuancer. « Si elle n’avait pas été là, on aurait tous dû se taper 10 ou 15 bornes de plus et, à la fin, on n’avait pas envie de se les taper. Il ne faut pas qu’elle soit déçue. »

Lorsqu’on part à plusieurs, il y en a toujours un qui est plus frais que les autres, souligne Maxime. « On s’était dit en amont que s’il y en avait un qui ne se sentait pas bien, il mettait le frein et il revenait après. »

« J’ai identifié mes points de faiblesses et je vais bosser à fond dessus pour repartir sur un autre projet », se remotive déjà Charlotte, qui a tout de même continué l’aventure en faisant l’intermédiaire entre le coureur et l’équipe de soutien en deuxième ligne depuis le début de l’aventure, notamment pour que les relayeurs puissent se reposer par moment.

Démocratiser les « off »

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Guillaume Saez, l’un des 7 traileurs parisiens à avoir bouclé le GR11 en relais en septembre 2020 – Photo : Colin Olivero

Le confinement et cette aventure ont fait réaliser à Cédric Dubourg « que finalement on n’a pas besoin d’un dossard et d’un parcours hyper balisé, dit-il. On a un côté aventure et humain qui est vachement mieux. Quand on fait nos courses, au départ on se quitte tous, on part tous sur notre rythme et on se retrouve seulement à la fin. Là, pendant les 64 heures, on a été ensemble tout le temps et ça, ça vaut toutes les courses. »

« Ce qui nous a plu aussi, c’est qu’on n’avait pas la pression du chrono et du classement, ajoute Maxime. On va continuer à faire des compétitions parce qu’on adore ça, mais le fait de réaliser des projets off, c’est un truc qu’on va essayer de systématiser parce que ça nous a plu. On a autre chose à raconter sur nos réseaux sociaux, et même de notre point de vue perso, c’est une aventure qui n’a rien à voir avec une compétition. »

L’engouement local autour de ce projet a été important. « Quand on part faire nos courses, on reçoit quelques petits messages d’encouragement, mais là, pendant trois jours, ça a été la folie, a constaté Cédric Dubourg. J’avais commencé à en parler sur mon compte Instagram pro et j’ai arrêté pour ne pas spamer les gens. Mais très vite, j’ai eu énormément de demandes pour savoir où on en était. Il y a eu un truc qui s’est produit et qui a dépassé toutes nos attentes en terme de médiatisation. Et, d’un côté, ça nous donne envie d’aller ailleurs et de faire découvrir d’autres coins aux gens, d’aller chercher des trucs qui n’ont jamais été fait. »

C’est aussi ça l’objectif du Bromance Athletic Club : démocratiser le trail et le rendre accessible, y compris dans les grandes villes comme Paris. 

« Ça nous tenait à cœur de faire ce projet pour montrer que les Thévenard, les D’Haene, les Mathou, ce sont des monstres et jamais on ne pourra courir avec eux. Maintenant, dans l’organisation d’un événement comme ça, n’importe qui peut le faire. Et c’est ça qui compte pour nous aujourd’hui, c’est d’essayer de démocratiser le trail à notre petit niveau, à notre petite échelle. Nous, dans la team on a tous plus de 35 ans, certains d’entre nous sont papas et on court parce que c’est un hobby. Ça nous plaît aussi de dire qu’on est des mecs complètement normaux qui ont un niveau correct. Mais quand t’as l’envie et quand t’as les potes, tu peux faire ce genre de projet », explique Maxime avec enthousiasme derrière son écran (l’entretien s’est déroulé en visioconférence).

Cédric Dubourg rejoint son ami, « si ça peut donner envie aux gens, pas de faire cette distance-là, mais de se dire “je me loue une petite maison pour un week-end dans le sud ou autre, avec une ou deux personnes pour me soutenir, une paire de baskets et un sac à dos et je vais faire 20, 50  km ou plus”. C’est à la portée de tous. »

D’autres aventures en tête

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Sur le défi du GR11 en relais autour de Paris, où les sentiers laissent régulièrement place au bitume – Photo : Colin Olivero

À peine cette aventure terminée, des ébauches d’autres projets naissent déjà dans la tête de ces coureurs. Avec ce « beau brouillon », comme Charlotte aime qualifier cette aventure, l’envie est présente d’aller chercher plus loin ou du moins plus long. Le mythique GR20 fait bien évidemment rêver ces traileurs, mais l’Islande est aussi une piste envisagée. En tout cas, ils ne s’interdisent rien. Pas même le fameux sentier des douaniers, le GR34 le long des cotes de Bretagne du Mont-Saint-Michel à Saint-Nazaire (1988 km et 23 375 m D+), surtout « qu’on a deux Bretons dans la team », s’amuse Cédric.


Les GR sont des itinéraires de grande randonnée balisés et gérés par la Fédération française de la randonnée pédestre.

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