Christophe Le Saux à la course aux sept merveilles françaises

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Christophe Le Saux lors de son passage dans le cirque de Mafate - Photo : Christophe Le Saux

L’ultra-traileur et globe-trotteur Christophe Le Saux a réalisé au début du mois de novembre 2020 un temps de référence sur une traversée inédite de l’île de la Réunion (168 km, 11 500 m D+ en 35 h 50), à l’occasion de la première étape de son projet de parcourir « les sept merveilles françaises ». Le coureur de 48 ans aux éternels cheveux blonds, longs et bouclés a pour objectif d’établir d’ici 2022 une série de records de traversées en autonomie totale dans plusieurs massifs français.


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Les années passent, mais fort de ses innombrables expériences, Christophe Le Saux continue de performer sur longue distance et d’avoir des projets plein la tête. Ses voyages, sa vie atypique et son palmarès en ultra ont fait de lui une référence de la course à pied en milieu naturel. 

Une Diagonale encore plus folle

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Christophe Le Saux – Photo : courtoisie

Le 31 octobre, il s’est élancé à 5 h du matin du Cap Méchant, au sud-est de l’île, pour rejoindre d’une seule traite Saint-Denis, au nord-ouest. Ce parcours avait été conçu sur mesure pour passer par les trois cirques magistraux de La Réunion (Cilaos, Mafate et Salazie) qui ont fait la réputation de la Diagonale des fous, mais aussi par les plus hauts sommets de l’île. Le tracé était finalement un Grand Raid gonflé d’altitude et de dénivelé (11 500 contre les 9600 m D+ de l’édition 2019).

Mais ce défi en solitaire, même pour quelqu’un qui connaît bien les sentiers techniques réunionnais, a été difficile. D’abord, il a chuté après seulement 30 km de course, ce qui lui a abîmé le genou. Puis il a dû affronter des conditions météo défavorables. « Il y a eu une grande vague de froid, avec des températures négatives », a-t-il expliqué à Distances+, ce qui a rendu délicat son passage au sommet du Piton de la Fournaise et son ascension au Piton des Neiges, à 3070 m, point culminant du parcours et de l’île.

Christophe Le Saux a subi une météo extrême qui a été amplifiée avec l’altitude. « Quand je suis arrivé au Maïdo, au km 97, j’ai vu des rampes en bois qui brillaient. C’était verglacé, raconte-t-il. Il y avait du vent, j’étais en short à 2300 m. » Il a vite troqué ce vêtement trop court pour un vêtement technique de circonstance avant d’entamer l’ascension du Grand Benare à 2898 m, qui portait bien son nom ce jour-là puisqu’il signifie « grand froid » en malgache.

Selon lui, son expérience a joué pour parvenir à se remobiliser et continuer son périple. « Il faut savoir gérer les hauts et les bas, dit-il. Ne pas s’emballer, y aller et rester dans son tempo. À ce moment-là, une petite soupe, des patates douces, un œuf dur et un thé m’ont permis de recharger les batteries. »

Christophe a terminé sa traversée par l’incontournable cirque de Mafate et une ultime « bosse » pour atteindre le sommet de Roche écrite à 2200 m, avant de descendre sur Saint-Denis. Il a bouclé sa diagonale en 35 h 50.

La course aux records des sept merveilles françaises était ainsi lancée, quelques jours avant que de terribles incendies ravagent la mythique zone du Piton Maïdo.

Sept traversées, sept tentatives de record

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L’un des mythiques sentiers de La Réunion – Photo : Christophe Le Saux

La situation sanitaire fait régner l’incertitude partout dans le monde, mais Christophe Le Saux compte mener à bien ce projet colossal des sept merveilles françaises, qui fait suite aux « 7 Wild Trails », sept défis réalisés dans neuf pays différents entre 2017 et 2018 (Islande, Pérou, Canada, Népal, Nouvelle-Zélande, Maroc, Italie, Suisse et France). L’idée, cette fois-ci, était de performer sans quitter la France, ou presque.

Le champion globe-trotteur a en effet souhaité s’adapter à la crise de la COVID-19, mais aussi contrebalancer l’empreinte carbone de ses déplacements aux quatre coins de la planète les années précédentes. Ce projet est d’ailleurs l’occasion pour Christophe Le Saux de mettre en valeur le territoire français. « La France, c’est mon pays et je souhaite montrer qu’on n’a pas forcément besoin de voyager loin. Et puis, j’aime monter des projets et les partager. Vu la situation actuelle, celui-ci est ambitieux, car j’y ai mis des dates. »

Voici le programme des sept traversées programmées jusqu’en 2022 :

  • Île de la Réunion : 168 km, 11 500 m D+ — Novembre 2020
  • Jura : 190 km, 7800 m D+ — Juin 2021
  • Alpes : 620 km 40 000 m D+ — Août 2021
  • Vosges : 203 km et 7400 m D+ — Octobre 2021
  • Massif central : 224 km, 8400 m D+ — Mai 2022
  • Pyrénées : 900 km 55 000 m D+ — Août 2022
  • Île de Tahiti par ses quatre plus hauts sommets : 121 km 8200 m D+ — Décembre 2022 

Les « deux gros morceaux » que sont la traversée des Alpes et celle des Pyrénées ont été planifiés sur deux étés différents en raison de l’enneigement important le reste de l’année, mais surtout dans un souci de performance. « Enchaîner ces deux traversées sur un été est infaisable, surtout en essayant de battre des records », assure Christophe Le Saux.

À l’exception de La Réunion, toutes les traversées feront l’objet d’une tentative de record. Par exemple, il devra parcourir les Pyrénées plus rapidement que son compatriote Erik Clavery, qui a traversé le GR10 cet été 2020 en 9 jours et 9 h 30. Il a confié à Distances+ qu’il se sentait capable d’améliorer ce temps, même s’il veut rester prudent. « Les records sont faits pour être battus, estime celui que l’on surnomme le Jaguar. On ne va pas vendre la peau de l’ours, mais je pense la faire en huit ou neuf jours. La clé sera le sommeil et l’alimentation. » Une vingtaine de jours de reconnaissance seront nécessaires selon lui pour s’imprégner de ce parcours usant et technique qu’il ne connaît pas du tout. Cette traversée sera aussi la plus longue, et son expérience du long ne l’exempte pas des doutes et des appréhensions que l’on peut ressentir avant pareil défi. « Erik Clavery, que je connais très bien et qui est un sacré athlète, en a quand même bavé », relativise-t-il.

Des films seront réalisés tout au long du projet, à chaque défi, pour « éveiller les consciences sur la beauté du monde et la fragilité des hommes ». Mais ils ne verront le jour que si la cagnotte qu’il a lancée en ligne pour financer son projet décolle. Or, au moment d’écrire ces lignes, elle peinait à atteindre son objectif. 

La course aux voyages 

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Christophe Le Saux en reconnaissance dans le massif du Piton de la Fournaise – Photo : Christophe Le Saux

Rares sont les ultra-traileurs qui ont autant baroudé que Christophe Le Saux. Infirmier de formation, c’est à la suite d’une carrière militaire ponctuée de voyages qu’il a décidé de ne plus avoir de maison pour consacrer sa vie à la course en milieu naturel. S’en est suivi une riche carrière dans l’ultra-distance, avec notamment quatre podiums sur le Tor des Géants, quatre podiums et une victoire en équipe sur le Marathon des Sables, des sentiers du Mont-Blanc parcourus en long et en large (5e place à la CCC et à la TDS), de nombreuses îles traversées (triple vainqueur de la Guadarun, 5e du Grand Raid de la Réunion et de la Transmartinique) et des courses réussies en haute altitude (Vainqueur de l’Annapurna Mandala Trail, 2e de l’Everest Sky Race). 

Depuis 2004, Christophe Le Saux roule sa bosse en longue distance. S’il s’est un peu éloigné des événements populaires du circuit mondial, c’est pour mieux vivre sa vie de globe-trotteur, en mouvement constant ou presque — il a depuis peu un pied-à-terre dans l’ouest du Canada, à Vancouver, avec sa femme et son fils —, avec l’envie de « partager sa passion du trail et faire découvrir de nouveaux pays et de nouvelles cultures » aux personnes qui le suivent. 

Après un premier confinement passé en Colombie-Britannique, il est actuellement « bloqué » à La Réunion. Mais c’est, dit-il, plutôt « un privilège » puisqu’aucune restriction de déplacement n’est actuellement en vigueur sur l’île française contrairement à la métropole. « J’en profite pleinement pour découvrir d’autres sentiers, mais aussi la culture, d’autres plats gastronomiques, c’est un beau cadeau pour moi », s’enthousiasme-t-il.

Incompréhension face à la restriction de nature 

Sur la question de l’accès à la nature, actuellement restreint en France (une heure de sortie maximum autorisée par jour dans un périmètre d’un kilomètre autour de chez soi), Christophe Le Saux marque son étonnement. « C’est quelque chose que je ne comprends pas, répond-il. Une heure dehors, ce n’est pas assez. Et en même temps, j’ai vécu en Afrique, en Amérique du Sud, du Nord, en Angleterre, et je trouve que les Français ont en général du mal à accepter les règles. C’est pour cela que le gouvernement les met en place pour repousser cette pandémie », commente-t-il.

Depuis ses terres — aujourd’hui « son » île — et au gré des voyages, Christophe Le Saux a toujours observé le monde du trail avec retenue. « Je ne suis personne et je ne regarde pas trop les réseaux sociaux », assure-t-il. Alimenter ses réseaux lui a pris jusqu’ici « assez de temps », mais il ne peut s’empêcher de suivre les grands évènements et l’évolution du circuit international, parce qu’il garde malgré tout le goût des compétitions, même s’il privilégie aujourd’hui l’autonomie totale et des courses plus confidentielles.

« C’est toujours enrichissant de voir régulièrement où tu en es en te confrontant à des coureurs du niveau international, même si tu es un vieux dinosaure, plaisante-t-il. Le niveau actuel est bien plus élevé qu’il y a presque 10 ans ». Peut-être parlait-il de l’année 2012, une époque où lui, son grand ami Antoine Guillon, Arnaud Lejeune et Éric Clavery étaient en tête du peloton de la Diagonale des fous, juste derrière l’intouchable Kilian Jornet.

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