Le champion québécois Elliot Cardin sera au départ, ce samedi 26 juin, de la 48e édition de la Western States Endurance Run (160 km, 5200 m D+), en Californie. Ce sera son premier 100 miles à vie sur la plus ancienne course de 100 miles au monde.
« J’ai bien hâte de me lancer sur cet ultra prestigieux », s’enthousiasmait-il au début du mois sur ses réseaux sociaux, alors que sa préparation a été chamboulée par des ennuis de santé. « Honnêtement, ça a été dur. J’ai eu beaucoup de haut et de bas, plus que d’habitude », a-t-il déploré. Il doit également composer avec une douleur au genou qui, assure-t-il, n’entrave pas sa confiance, lui qui n’a jamais couru plus que 125 km.
Elliot est arrivé il y a quelques jours à Auburn pour s’acclimater et a maintenant hâte d’en découdre aux côtés d’une ribambelle de vedettes américaines comme Jim Walmsley, Jared Hazen, Hayden Hawks, Jeff Browning, Tim Tollefson, Alex Nichols ou encore Max King chez les hommes, mais aussi Clare Gallagher, Camille Herron, Kaci Lickteig, Magda Boulet, Beth Pascall ou encore la Néerlandaise Ragna Debats, la Française Audrey Tanguy et la Néo-Zélandaise Ruth Croft chez les femmes.
Sur la route entre le Québec et la Californie, Elliot Cardin a pris le temps répondre aux questions de Distances+ et de revenir notamment sur ses problèmes de santé.
Distances+ : Avec du recul, comment as-tu vécu ton année 2020 et la première moitié de cette année 2021?
Elliot Cardin : Mon année 2020 n’a pas été si différente par rapport à d’habitude côté compétition. Ça a même été une année de performances. J’ai été chanceux de m’être inscrit à des courses qui ont pu avoir lieu. J’ai participé au 100 km du Black Canyon Ultras (100 km, 1400 m D+) en Arizona, où j’ai décroché ma qualification à la Western States, au 125 km de l’Ultra-Trail Harricana (2e) et au 45 km du Béluga Ultra Trail (victoire). Seul le 160 km du Bromont Ultra a été annulé à l’automne et je l’ai remplacé par une tentative de record du monde d’Everesting à Sutton (blessé, Elliot n’est pas allé au bout de son effort, mais il a battu sans le faire exprès le record du monde du demi-Everesting, soit 4442 m de dénivelé cumulé en 4 h 50. Record qui a été amélioré depuis, NDLR).
2020 m’a fait réaliser, notamment en décrochant le golden ticket pour la Western, que j’avais de bonnes habilités et que, si je m’entraîne fort, j’ai ma place parmi les élites.
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Je m’entraîne beaucoup tout seul et la boutique d’aliments naturels où je travaille vend de la nourriture – elle est restée ouverte durant la pandémie -, donc ça n’a pas trop affecté mon quotidien.
Par contre, c’est le couvre-feu qui m’a embêté. Souvent, j’ai dû faire des courses le ventre plein pour avoir le temps d’achever mon training après la job. J’ai focusé sur les entraînements tôt le matin pour minimiser ce genre de désagréments, mais ça m’a coupé du sommeil et du temps avec ma blonde. Ça a pris du temps avant que les mesures sanitaires m’affectent et j’ai un bon niveau de résilience, mais je reste humain et, maintenant, j’ai vraiment hâte que tout ça soit derrière nous.
Comment avais-tu abordé cette saison 2021, marquée par la Western States dès ce week-end en Californie?
Ma saison 2021 est basée uniquement sur la Western States. J’avais été qualifié pour la WS 2020, mais l’an dernier ça aurait été dur pour moi de répondre présent. Sur le coup, l’annulation de la course m’a déçu, mais en même temps je n’aurais pas vraiment été prêt.
Et cette année, es-tu prêt? Tu as raconté récemment sur les réseaux sociaux que tu avais dû composer avec des soucis de santé. Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement et est-ce que tu as craint qu’ils viennent pourrir ta saison?
J’avais planifié une vraie bonne préparation pour la Western States, qui a débuté en mars. J’ai eu un super bon feeling en début de préparation, mais après, ça s’est gâté. J’ai remarqué qu’en vitesse je ne progressais plus, voire même que j’en perdais malgré des bons entraînements spécifiques. L’endurance, elle, était parfaite. Je n’ai jamais eu autant de facilité à courir autant de kilomètres. J’ai décidé d’en parler à mon médecin en soupçonnant une baisse de testostérone, de vitamine ou de fer. Les résultats ont montré que mon taux de testostérone était bas. Ça m’a valu d’autres tests pour finalement réaliser que j’avais un léger débalancement de l’axe hypothalamique. En gros, c’est dû soit à un surentraînement, soit à un problème au cerveau.
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Ma fin de prépa a été difficile parce que le moral n’y était plus et de toute façon j’avais dû renoncer à la préparation que j’avais en tête. Mais je n’avais pas le choix si je voulais arriver en meilleure santé pour mon objectif principal. J’ai fait le minimum et je vais faire confiance au repos pour la suite. Je crois qu’en étant surentraîné, on peut performer, alors je vais tout donner à la Western States et après je m’offre du repos. Du vrai repos. Ce sera parfait de toute façon puisque je serai en quarantaine à la maison.
Et donc, ensuite, on ne te verra plus sur les compétitions en 2021?
Après un long repos, j’aimerais quand même retourner sur le 125 km de l’UTHC et peut-être sur le 160 km du Bromont Ultra, même si rien n’est sûr pour le moment. J’ai confiance que ces courses auront bien lieu.
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Cet hiver, j’espérais retourner courir le Black Canyon 100 km, mais au plus fort de la pandémie, ça n’aurait pas eu de sens, alors ce n’est que partie remise. L’an prochain, en 2022, je tenterai de passer sous la barre des 8 heures (en 2020, il avait terminé 3e en 8 h 19, à 8 secondes de l’Américain Chris Ware, mais à 24 min d’Hayden Hawks, qui sera lui aussi départ de la Western States en fin de semaine, NDLR).
Quelle est ta vision d’avenir à court ou long terme sur ta vie sportive?
Ma vision à long terme est que je me vois m’essayer plus souvent à l’international. J’adore voyager et la course et je veux mettre ça de l’avant dans ma vie. Mais avec mes soucis de santé, je vais redoubler prudence pour perdurer le plus longtemps possible, car ce sport je veux le garder bien longtemps dans ma vie. J’adore la nature et c’est mon moyen préféré d’y passer beaucoup de temps et c’est aussi une vraie méditation pour moi, la course. Ça me fait un grand bien. Je dois juste trouver l’équilibre entre ma passion et le repos.