Aurélien Sanchez a traversé les Pyrénées en seulement 12 jours en autosuffisance

Aurélien Sanchez
Aurélien Sanchez a traversé les Pyrénées en autosuffisance - Photo : Courtoisie

L’ultra-traileur Aurélien Sanchez a traversé les Pyrénées en autosuffisance, avec un sac à dos de seulement 2 kg, en empruntant le GR10 dans son intégralité. Il a parcouru cet été les 930 km et 55 000 m de D+ en 12 jours 5 heures et 22 minutes, reliant Banyuls-sur-Mer, sur la côte méditerranéenne, à Hendaye, sur le bord de l’océan atlantique. Il s’est entretenu avec Distances+ après avoir pris un peu de recul sur son exploit.

Aurélien Sanchez, 29 ans, ingénieur en électronique, a découvert l’ultra-trail lors de ses quatre années passées aux États-Unis. Il a d’ailleurs battu un prestigieux record en réalisant le meilleur temps connu (FKT) sur le mythique sentier John Muir en Californie (359 km, 14 630 m D+), en 3 jours, 3 heures et 55 minutes, dans la catégorie en autonomie et sans assistance (François D’Haene détient le record avec assistance en 2 jours 19 heures et 26 minutes). Il a également remporté au début de l’année, peu de temps après son retour en France, l’épreuve « Le dernier homme debout » organisée en Vendée, parcourant 107 km et 3400 m de D+ en 13 h 54.

Les annulations de courses en raison de la pandémie ont accéléré la mise en œuvre de son projet dans les Pyrénées, lui qui vit tout près, à côté de Carcassonne, dans l’Aude. C’est ainsi que cet admirateur de l’aventurier Mike Horn, qui prône de vivre chaque jour au maximum, s’est lancé sur une belle plage de Méditerranée le 11 juillet dernier, avec l’idée de battre le précédent record de Thierry Corbarieu de 12 jours et 10 heures et réaliser le premier FKT sans assistance sur le GR10. Il espère alors parcourir la distance en 11 jours.

Le champion français Érik Clavery était parti quelques jours plus tôt sur le GR10 et a explosé le record de la traversée en 9 jours 9 heures et 30 minutes. Mais il disposait pour sa part d’une assistance et bénéficiait régulièrement de ravitaillements.

Se préparer mentalement avant tout à l’autosuffisance

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Aurélien Sanchez durant ses 12 jours de périple en mode « wildinist » sur le GR10 – Photo : Courtoisie

Aurélien a confié à Distances+ qu’il est parti sur ce périple de plus de 900 km comme il serait parti sur une sortie d’une journée, avec un équipement minimal comportant un matelas, un duvet et une veste imperméable. La logistique était réduite à l’essentiel.

Il avait aussi sur lui sa carte bancaire pour acheter de quoi se ravitailler dans les épiceries sur son chemin.

Il avait identifié au préalable quelques endroits où se restaurer avec une estimation de son temps de passage durant les cinq premiers jours, mais sinon rien n’avait été prévu à l’avance, assure-t-il.

Aurélien Sanchez dit ne pas avoir fait de préparation particulière. « J’ai beaucoup compté sur l’endurance de base que j’avais et j’ai fait quelques sorties en montagne pour accumuler du dénivelé, détaille-t-il. Pendant un mois, j’ai dormi sur un matelas gonflable trois ou quatre fois par semaine pour m’habituer à dormir dans des conditions précaires. Je n’ai rien fait de particulier concernant mon alimentation. »

En revanche, il a soigné sa préparation mentale. Le plus important était de bien « visionner mon défi, anticiper tous les coups durs et les problèmes que j’allais rencontrer, précise-t-il. Ça permet de ne pas être en mode abandon et de positiver pour repartir. »

Boire l’eau des vaches

Aurélien Sanchez
Aurélien Sanchez a bu dans les abreuvoirs à vache quand c’était nécessaire – Photo : Courtoisie

Une telle traversée est jalonnée de situations délicates et stressantes. Il a par exemple dû gérer son eau puisqu’il était parti avec seulement deux flasques.

« Après de longs moments sans voir de ruisseaux, je ne rencontrais seulement que des abreuvoirs à vaches, raconte-t-il. Pour ne pas risquer la déshydratation, j’ai décidé de boire dedans. Mais là, j’ai vraiment pris un risque d’être malade. L’eau était verte, vraiment sale. À refaire, je prendrai un filtre à eau. »

Le sens de l’orientation est également crucial. Sans carte et avec une utilisation épisodique de sa montre GPS afin de conserver la batterie, il s’est égaré quelques fois du sentier, ce qui lui a fait perdre de précieuses heures de repos, estime-t-il.

« J’ai eu un gros moment de pression et de panique au cours des trois dernières heures avant mon arrivée, se souvient-il. Une nuit noire, le balisage du GR était très minimal et je n’avais plus de batterie dans la montre et donc je n’avais plus l’heure et plus de trace GPS. J’avais très peur de me perdre si proche du but. »

Mais tout cela fait partie intégrante du concept de l’approche « wildinism », qui encourage les défis en nature sans artifice.

« Pour ce projet, je n’étais pas dans l’optimisation à 100 % du temps, c’était avant tout un défi sans assistance. Je voulais suivre le balisage tel qu’il était sans être aidé d’une trace GPS. J’ai perdu du temps avec ce genre de problèmes, mais tant pis, je suis resté dans mon objectif, je considérais que ça faisait partie du jeu et la satisfaction est d’autant plus grande », explique Aurélien Sanchez.

FKT sans assistance non homologué 

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Même s’il a réalisé son défi en autosuffisance, Aurélien Sanchez a parfois été rejoint par des amis qui voulaient partager des moments avec lui – Photo : Courtoisie

Ces 12 jours passés (presque) seuls en montagne ont été traversés par des émotions en tout genre, entre les moments de stress et les phases d’émerveillement. La résilience sur des efforts d’ultra-endurance comme celui-là est incroyable, constate le traileur, qui a vécu son émotion la plus intense lorsqu’il a enfin vu l’océan à l’horizon. « J’avais des frissons, des larmes coulaient naturellement en me remémorant douze jours plus tôt la Méditerranée dans le dos, confie-t-il. C’était plus fort que l’arrivée elle-même, qui était plutôt un soulagement. »

« De cette aventure en autosuffisance, je retiens trois points : le partage, la nature magnifique et l’aspect sportif avec le dépassement de soi. Après quelques jours de grosses galères physiques (NDLR il s’est notamment foulé la cheville) et mentales, où j’avais un peu abandonné mon défi sportif, je n’ai rien lâché, puis l’envie est revenue. Le sentiment de transcendance est incroyable. On se découvre », s’enthousiasme-t-il avec encore de l’émotion.

Même si le site FKT n’a pas homologué son record parce que des amis l’ont accompagné sur quelques sections, il ne regrette rien. Il assure qu’il a toujours refusé l’assistance. « J’ai même refusé de la crème solaire que mon père m’a proposée », s’amuse-t-il. Toutefois, les règles pour valider le FKT dans la catégorie sans assistance sont strictes et le fait qu’il ait couru parfois avec des proches venus le soutenir est « éliminatoire ». Officiellement, donc, sur le site FKT, il n’existe pas de temps de référence pour la traversée du GR10 sans assistance.

« L’aspect partage est important et si je peux inspirer d’autres coureurs comme je l’ai été moi-même, c’est déjà gagné », se félicite-t-il.

Objectif Barkley

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Aurélien Sanchez lors de ses ravitaillements improvisés dans des épiceries de village – Photo : Courtoisie

Aurélien Sanchez ne semble pas prêt à arrêter les épreuves d’ultra-endurance de sitôt. « Tout ce que je fais depuis trois ans, c’est pour être accepté à la Barkley », révèle-t-il.

Il doit participer, avec une sélection d’athlètes français, au championnat du monde de l’épreuve du dernier homme debout, le Big Dog’s Backyard Ultra, dans le massif de la Chartreuse, le 17 octobre. Le vainqueur sera directement qualifié pour la mythique course de Lazarus Lake, dans le Tennessee.

Et l’an prochain, il compte essayer de faire un bon résultat sur la Barkley française, la Chartreuse Terminorum, toujours avec l’objectif d’accéder à la Barkley.

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