DÉCEMBRE 2017 – Derrière la plus importante course de la Martinique se trouve un groupe de coureurs en sentier. Le Club Manikou, qui compte environ 130 membres, organise les trois courses de la TransMartinique, avec passion et enthousiasme, depuis maintenant 10 ans.
Un manikou, c’est une sorte d’opossum qui ressemble à un raton, ou un chat, ou un rat, et qui vit dans les tropiques. C’est l’animal que le Club Manikou a choisi comme emblème, parce que, un peu à l’image des ultramarathoniens, il est actif la nuit.
« C’est une association de bénévoles. On y va plutôt de notre bourse que le contraire », avoue Gérard Hillion, le directeur de course, qui a longtemps été président du club. « On prend du temps – c’est du loisir – pour entretenir des parcours et organiser des courses. Nous sommes passionnés par ça. »
En 2007, le groupe de coureurs, sous l’impulsion de son président d’alors, organise sa première grande course, qu’il nomme « le Raid Manikou ». Il y aura deux éditions de cet événement avant que le président ne parte vivre en métropole (en France), après avoir enregistré à son bénéfice le nom de la course.
Les autres membres du comité décident de ne pas débourser un sou pour ravoir l’appellation de la marque. Après mûre réflexion, ils optent pour ce qui leur apparaît plus accrocheur, et surtout plus conforme à la réalité, la TransMartinique.
« Ce n’était pas un raid, c’était un ultra-trail », explique M. Hillion. Depuis, la course se développe lentement mais sûrement et gagne en notoriété chez elle et à l’étranger.
Montréal n’est qu’à cinq heures d’avion de la Martinique, mais les Québécois ne sont pas nombreux à aller traverser au pas de course cette île antillaise. Il n’y a que huit Canadiens inscrits cette année, tous du Québec.
L’événement attire peu de nationalités différentes. L’essentiel du contingent provient de France métropolitaine (environ 90 coureurs). Les organisateurs subdivisent les inscrits de la Martinique (76 coureurs) et de la Guadeloupe (7 coureurs), l’autre île française voisine.
Parmi les autres nationalités présentes en 2017 : un Belge, un Italien, un Espagnol, un Indien, deux Réunionnais, un Suisse, un Tahitien, un Trinidien et un Saint-Martinois. La nationalité de 11 personnes n’est pas indiquée.
Un événement, trois courses
La fin de semaine de la TransMartinique, c’est en fait trois compétitions qui empruntent les mêmes derniers kilomètres, mais qui partent à des endroits différents.
Quelque 200 coureurs se lancent sur le grand circuit, celui qui part tout au nord de l’île. La TransMartinique fait 138 km, et compte un peu plus de 5000 m de D+.
L’essentiel de la grimpe se fait dès le départ, avec l’ascension de la montagne Pelée, un volcan actif à 1400 m d’altitude. Les 40 derniers kilomètres sont presque plats et longent la côte. Les coureurs ont 45 heures pour compléter l’épreuve, quoique les gagnants rentrent généralement après seulement 16h et 17h d’effort.
Le Défi bleu est un ultra plus raisonnable. Il emprunte les 59 derniers kilomètres de la grande course, et offre un dénivelé appréciable de 1250 m. Il y a 335 coureurs inscrits cette année.
Quant au Trail des caps, il attire 315 coureurs et se joue sur les 32 derniers kilomètres de la TransMartinique, avec un faible dénivelé de 370 m.
« La motivation, pour organiser ces courses, ça reste le dépassement de soi, mais aussi les valeurs humaines et sportives que l’on vit sur le parcours et que l’on a envie de partager », dit Gérard Hillion.
« Se lancer dans cette aventure, avec l’humidité et la chaleur, c’est un sacré défi sportif », rappelle M. Hillion. C’est un saut dans l’inconnu. On ne sait pas comment le corps va réagir. Quand on a la chance de finir la course, si les pieds ont survécu, on a envie de partager ça. »
Gérard Hillion, qui a couru les deux premières éditions de la course, du temps du « Raid Manikou », est bien conscient que les valeurs du trail s’appliquent à tous les aspects de la vie, d’où l’importance de ce partage, si cher aux Martiniquais. « Dans la vie, quand on a des coups durs, et qu’on est traileurs, on comprend qu’il y a parfois des hauts et parfois des bas. Le tout, c’est de ne pas lâcher l’affaire. »
Une course sujette à la météo extrême
Si les coureurs ne veulent pas lâcher l’affaire, c’est parfois la météo qui les y contraint. En 2015, l’organisation a dû annuler sa course à cause de la pluie abondante qui avait détruit les sentiers dans les jours précédant l’épreuve.
Quelques coureurs québécois ont subi la déception cette année-là.
Le sol de la Martinique, « c’est de la roche volcanique qui est super friable, explique Gérard Hillion. « Il est composé de plusieurs couches de magma. C’est feuilleté quoi. Entre les couches d’éruption, il y a de la cendre et de la terre, ce n’est pas du roc. »
En 2016, la pluie abondante a également endommagé les sentiers, mais pas au point d’annuler l’épreuve. La boue avait cependant rendu le circuit très difficile, d’où un taux d’abandon de plus de 50 %.
Cette année, l’organisation subit les contrecoups de l’ouragan Maria, qui est passé au large à la mi-septembre et qui a affecté le nord de l’île.
« De très gros arbres sont tombés et il y a eu des glissements de terrain, explique M. Hillion. Le terrain volcanique que nous avons souffre de la pluie. Quand on a des événements cycloniques comme ceux qu’on a connus, ça endommage la montagne. »
Les Manikou n’ont pas eu d’autre choix que de déplacer le départ de la course. Au lieu de partir comme d’habitude du village de Grand’Rivière, à la pointe nord de l’île, les athlètes partiront du village du Prêcheur, un peu plus à l’ouest. Le tracé s’en trouve légèrement raccourci.
Pour le moment, la météo s’annonce légèrement pluvieuse dans les jours à venir. Par contre, le jour de la course, ce sont des grands soleils qui s’affichent sur la carte météo de la Martinique.
L’âme des Antilles
Au-delà de la course, Gérard Hillion rappelle que c’est une fête à laquelle sont conviés les coureurs. On sent chez l’organisateur la richesse du coeur, et cette chaleur antillaise prête à déborder sur les invités.
« Nous voulons partager au monde la beauté de notre île! La totalité de l’humanité devrait avoir le droit de profiter des moments comme ça qu’on leur offre », dit-il.
« Dans la vie, si on se promène à vive allure seulement pour accumuler des euros, ça n’a pas d’intérêt, dit M. Hillion, philosophe. On finit par névroser. On veut profiter de la largesse de ce que la nature nous donne ici. Et pour les gens qui viennent nous voir, leur permettre de venir faire la fête. »
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L’auteur est l’invité du Club Manikou. Distances+ remercie La Clinique du coureur, qui a rendu possible ce reportage.
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