Le Français Aurélien-Dunand-Pallaz a remporté la 22e édition de l’épreuve Classic de la Transgrancanaria, samedi 27 février, après 130 km et 6700 m de D+ à travers l’île espagnole de Grande Canarie, dans de mauvaises conditions météo. Il prend ainsi la tête du classement provisoire de la première édition du Spartan Trail World Championship.
L’ultra-traileur savoyard a passé la ligne d’arrivée après 13 h 42 min de course et succède ainsi aux Espagnols Pau Capell et Pablo Villa. Le premier était forfait en raison d’une déchirure musculaire tandis que le second a abandonné à la suite d’une chute au cours de laquelle il se serait possiblement fracturé un orteil.
Après une deuxième place prometteuse au MIUT, l’Ultra-Trail de l’île de Madère, en 2018, Aurélien Dunand-Pallaz, qui détient depuis septembre dernier le record du monde du dénivelé en 24 heures, décroche ainsi à 28 ans la victoire la plus prestigieuse de sa carrière sur longue distance.
« C’est ma première grande victoire sur le plan international, s’est enthousiasmé Aurélien quelques heures après son arrivée. J’avais de très bonnes jambes dès le début. Même si le profil de la course, avec pas mal de plats et de parties sur route, ne me convenait pas à 100 %, je m’étais préparé pour ça », a-t-il dit à Distances+.
Victoire avec un seul bâton
Le champion de cette Transgrancanaria 2021, où l’assistance était interdite pour respecter les restrictions sanitaires, avait pourtant cassé l’un de ses bâtons dès le 35e kilomètre et il n’a donc pas été en mesure de le remplacer. « J’ai donc dû faire le berger », s’amuse-t-il.
La météo n’a pas épargné les coureurs qui ont dû affronter la pluie, le vent, le froid, le brouillard et la boue durant toute la nuit et au petit matin. « On a sûrement perdu pas mal de temps, mais je préfère ces conditions-ci que les grosses chaleurs », a toutefois commenté Aurélien Dunand-Pallaz, lui qui, parti de ses montagnes enneigées dans les Alpes, n’avait pas vraiment eu le temps de s’acclimater. « Il faisait tout de même très chaud à la fin », tempère-t-il.
« J’ai toujours été dans le coup pour le podium, puis pour la gagne à partir du km 70, se souvient Aurélien. J’ai pris la tête au km 85, mais Pere Aurell me talonnait de très près, alors j’ai, comme à mon habitude, accentué mon avance en faisant le forcing dans les deux avant-dernières longues descentes. Les 15 derniers kilomètres ont été très longs et difficiles, dans un fond de lit de rivière, rempli de galets, mais le résultat est plus que satisfaisant. Je suis super content! »
Le champion français a devancé de près de 21 minutes l’Espagnol Pere Aurell, vainqueur de la Transvulcania en 2018, et de 36 minutes le Grec Fotios Zisimopoulos, inconnu jusqu’à lors à l’échelle internationale (il n’avait couru avant cela qu’un seul ultra de 100 km dans son pays, le Metsovo Ursa Trail, qu’il avait remporté en 2020).
Mathieu Blanchard court pendant 100 km avec des maux de ventre
Le Franco-Montréalais Mathieu Blanchard, qui accrochait son premier dossard depuis sa victoire au 83 km de l’Ultra-Trace de Guadeloupe pile un an auparavant, s’est classé à la 8e place, avec 1 h 30 de retard sur le vainqueur. Malgré de bonnes jambes, il a souffert de maux de ventre presque toute la course, l’empêchant de s’alimenter convenablement.
« Je suis un peu déçu à cause de ce mal de ventre, car j’avais vraiment des super sensations et une bonne maîtrise de course, mais c’est comme ça l’ultra-trail, on en apprend à chaque fois », a commenté Mathieu peu de temps après avoir mis un terme à ce calvaire. Il évoquait déjà une « super course, très cassante » — qu’il classe dans la catégorie « brutale » —, en rentrant à son hôtel en marchant en canard.
Malgré un « top 10 honorable au vu du fou plateau de coureurs présents », il ne cache pas sa frustration, parce qu’il avait quitté la plus grande plage de Las Palmas de Gran Canaria, lieu de départ de la Classic vendredi soir à 23 h, avec un peu plus d’ambition et qu’il a été pris au dépourvu après une trentaine de kilomètres quand ces violents maux de ventre sont apparus. « Habituellement, j’ai un estomac d’acier, assure-t-il. Je ne comprends pas ». La douleur, « insupportable », l’a obligé à ralentir et l’a empêché de se ravitailler correctement. Il a souffert ainsi pendant les 100 km restants.
Mathieu Blanchard a bien pensé abandonner, mais il s’est ravisé. « Je regardais mon dossard et je me disais : “Mat, c’est une chance de pouvoir participer à une telle course en cette période” ». Ça lui a permis de s’accrocher, de « ne rien lâcher », et de rallier malgré tout la ligne d’arrivée, avec au final un sentiment de fierté.
Une « sortie longue » comme à l’entraînement pour Julien Chorier
Julien Chorier, l’un des plus beaux palmarès de l’ultra-trail français (Diagonale des fous, MIUT, Hardrock…), n’avait pour sa part peut-être pas les jambes pour rivaliser cette fois-ci avec les meilleurs. Il a perdu un peu de temps dès le départ — les coureurs partaient un par un toutes les 4-5 secondes —, puis au premier ravitaillement parce qu’il a dû attendre son tour pour remplir sa flasque d’eau. Dans cette position, très tôt en « chasse patate » à essayer de rattraper les premiers, il n’est pas parvenu à se remettre en route, à reprendre un bon rythme.
« Je me suis alors raccroché à ma volonté de finir dans tous les cas et j’ai pris un rythme plus confortable », a raconté Julien sur sa page Facebook. Il a accepté le retard qu’il accumulait, lui qui est plutôt habitué de jouer le podium.
« Cela peut paraître contradictoire, mais d’être sorti de la course comme ça m’a permis de profiter beaucoup plus des paysages, explique-t-il. Je n’ai pas cherché en permanence à aller plus vite, je suis resté à une allure de croisière », un peu « comme à l’entraînement sur une sortie longue », résume-t-il, avec la satisfaction d’être passé au travers de cette Transgrancanaria « sans aucun bobo, pas même une ampoule ou une tension musculaire ».
Julien Chorier est arrivé avec deux heures de retard sur ses prévisions, « très déçu de ne pas avoir pu participer un peu plus à la course devant, mais aussi très satisfait et heureux déjà d’avoir pris le départ d’une course, de l’avoir finie, de ne pas (s’être) fait mal et d’avoir profité différemment du parcours. »
À noter que sa balade de santé lui a quand même permis de finir à la 13e place (16 h 02) sur 181 participants qui sont allés au bout de l’épreuve. Ils étaient 301 coureurs au départ. Le dernier a passé la ligne après 29 h 23 d’effort, soit près de 16 h après l’arrivée d’Aurélien Dunand-Pallaz.
Un autre coureur français, Hugo Deck, qui a récemment intégré l’équipe Asics, a complété le top 20 en 16 h 40.
Doublé pour Azara Garcia
Chez les femmes, les abandons des prétendantes à la victoire de la Polonaise Magdalena Laczak et de la Néerlandaise Ragna Debats ont permis à l’Espagnole Azara Garcia de l’emporter, en 16 h 35, devant sa compatriote Claudia Tremps et la Portugaise Inês Marques.
Azara a raconté qu’elle avait dû prendre sur elle, elle aussi, pour ne pas abandonner, parce qu’elle a souffert de crampes dès les débuts de la course. « Je me suis battue contre mes rivales, c’est sûr, mais surtout contre moi-même dans ma tête », a-t-elle expliqué publiquement. Et ce, jusqu’au dernier mètre, dans la douleur, pour remporter la Classic une deuxième fois, après une première victoire en 2018 et une troisième place en 2020. Elle a un mois pour récupérer avant son prochain objectif : la Patagonia Run.
Une belle 4e place pour Lucie Jamsin
La Française Lucie Jamsin s’est classée quatrième en 17 h 47, à peu près dans les temps qu’elle s’était fixée (autour de 17 h 30).
« Je suis contente, même si ça a bien coincé sur la fin, a écrit Lucie à Distances+ juste après son arrivée. J’avais un genou douloureux, du coup la descente a été longue. J’avais couru cette partie de course il y a trois ans (elle avait terminé 2e du Maratón, NDLR), mais je n’en avais pas gardé un souvenir aussi terrible ». Les 42 derniers kilomètres de la Classic ont en effet la particularité de cumuler 2500 m de dénivelé négatif.
« C’était vraiment une belle expérience, se réjouit-elle. J’ai quelques ajustements à opérer, mais c’est plutôt intéressant pour la suite de la saison. »
Lucie Jamsin va maintenant se focaliser sur le 90 km du Marathon du Mont-Blanc et l’UTMB, « ce qui serait une merveilleuse saison si ça tient », croise-t-elle les doigts. Ce devrait d’ailleurs être le même programme pour le grand vainqueur Aurélien Dunand-Pallaz, qui réfléchit encore à ajouter éventuellement à sa saison le MIUT ou la Diagonale des fous qui auront lieu à l’automne.
La deuxième étape du Spartan Trail World Championship devrait se tenir en Argentine, à l’occasion de la Patagonia Run, du 9 au 10 avril.
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