Un texte coécrit avec Mylène Gauthier, collaboratrice de Distances+
La troisième tentative n’aura pas été la bonne. Le Canadien Gary Robbins n’a pas réussi à terminer la Barkley Marathons, qui s’est tenue ce weekend au Tennessee, et qui est, théoriquement, toujours en cours, même s’il ne reste plus aucun coureur en piste.
À 21 h 33 min dimanche soir, soit à la barrière horaire des 36 heures pour compléter la troisième boucle du parcours, Robbins n’était toujours pas en vue. Il aura finalement mis 36 h 12 min 54 s pour toucher la fameuse barrière jaune qui fait office d’arche de départ et d’arrivée, se qualifiant pour ce que l’excentrique organisateur Lazarus Lake nomme la « fun run », puisque ce dernier l’a complétée en moins de 40 heures.
La situation est crève-cœur pour le Vancouvérois, qui tentait de nouveau sa chance sur cette course hors norme. L’an dernier, il s’était perdu dans les derniers kilomètres, se disqualifiant par le fait même pour non-respect du parcours, tout en arrivant six secondes après le temps limite de 60 heures. Son effondrement dramatique au sol avait fait le tour du monde, nourrissant le mythe de la Barkley.
Au moment de publier ces lignes, il reste encore 21 heures au délai maximal autorisé pour compléter les cinq boucles de la course la plus folle de la planète. Mais puisque tout le monde a abandonné ou n’a pu passer les barrières horaires, c’est la fin.
Une quarantaine de coureurs un peu fous ont pris le départ samedi matin à 9 h 33 min, au moment où Lazarus Lake, surnommé « Laz », s’est allumé une cigarette, signe du départ à la barrière jaune. Une heure plus tôt, il avait sifflé dans un coquillage pour avertir les coureurs, qui ne connaissaient pas l’heure du départ, qu’ils avaient une heure pour se préparer.
Les athlètes, choisis par Laz par des critères que lui seul connaît, devaient terminer les cinq boucles de l’épreuve, qui totalisent plus de 160 kilomètres et 20 000 mètres de dénivelé positif. Le parcours n’est pas balisé et les coureurs n’ont droit à aucune aide pendant leur boucle. Ils doivent s’orienter à la boussole et récupérer les pages de plusieurs livres disséminés tout au long du parcours pour prouver qu’ils ont fait tout le trajet.
En plus de 30 ans, seulement quinze personnes ont terminé la course. L’édition 2018 est comparable à la course de 2015, où il y avait eu deux finisseurs de la fun run et aucun sur le 100 miles.
Une édition difficile
Gary Robbins et le Français Guillaume Calmettes ont été les deux seuls participants à être capables de terminer les deux premières boucles dans le temps réglementaire.
Le froid et les pluies torrentielles de vendredi, et surtout le brouillard de la nuit de vendredi à samedi, ont rendu le parcours plus difficile que jamais. Dans la semaine, les montagnes du parc Frozen Head, où se déroule la course, étaient couvertes de neige.
Gary Robbins a mis 14 h 30 min pour compléter sa deuxième boucle, alors qu’il avait fait le même trajet en 8 h 20 min au premier tour.
La météo plus clémente de dimanche l’aidant, il a accéléré la cadence au début de sa troisième boucle. À son arrivée, il avait un bon moral, a rapporté le magazine Canadian Running, qui était sur place. « Il a remercié tout le monde et a fait des blagues », a tweeté le journaliste du magazine. « Il a dit qu’il a raté son coup pour un livre et ça lui a coûté 30 minutes, mais que sinon tout allait bien. »
Pour Guillaume Calmettes, qui affichait plus de signes de fatigue, terminer le troisième tour en dessous des 36 heures réglementaires et repartir pour le quatrième tour semblait d’ores et déjà peu probable dimanche soir. Au final, il a terminé son troisième tour au-delà des 40 heures requis pour la « fun run ».
Une série d’abandons et de retards
Parmi les favoris, l’Écossais Allye Beaven et le Français Benoit Laval ont dû abandonner, tout comme le Suédois Johan Steene et le Français Valéry Cassarieu, qui tentaient leur chance pour la fun run et qui ont déclaré forfait pendant la troisième boucle.
La Canadienne Stéphanie Case a, quant à elle, dépassé le temps autorisé pour compléter la deuxième boucle. Son exploit reste remarquable, puisque plus de 50 % des coureurs avaient déjà abandonné après seulement une boucle. « Nous sommes perdants, mais pas lâcheurs », a-t-elle déclaré à l’arrivée.
De nombreux observateurs présents sur le site ou sur les médias sociaux avaient prédit qu’il serait peu probable que quiconque arrive à terminer l’épreuve cette année à cause des conditions météo et de l’état du terrain.
Le Français Rémy Jegard, encore sonné par la dureté de ses deux boucles, a témoigné du « petit bout d’enfer » qu’il avait vécu. « Ce fut, de loin, la Barkley la plus dure à laquelle j’ai pris part. Quand la météo s’en mêle, le parcours qui est déjà rude devient carrément un enfer. Et les montées à 35 % dans la boue sont quasi impossibles », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.
Les coureurs Jamil Coury, Maggie Gutrel, Eoin Keith, John Burton et Amelia Boone ont terminé en groupe la deuxième boucle deux heures au-delà de la barrière horaire.
Amelia Boone, tout de même souriante à son arrivée, s’est exprimée : « C’est incroyablement incroyable ! » Boone est championne du monde de courses Spartan et ultramarathonienne. Elle participait pour la première fois à la Barkley.
Fidèles à la tradition, les joueurs de clairon, dont John Kelly, le gagnant de l’édition 2017, se sont relayés plusieurs fois pour entamer la célèbre sonnerie funèbre jouée pour les coureurs qui ont dépassé les limites de temps ou qui ont abandonné.
Tout au long du weekend, la page Facebook Les Français de la Barkley a effectué de nombreuses mises à jour, incluant plusieurs photos. On peut revivre l’événement à rebours en se rendant sur cette page.
Remarque : Les auteurs ont fait de leur mieux pour recouper les informations présentées au compte-gouttes sur les réseaux sociaux au cours du weekend. La Barkley Marathons reste peu couverte de façon professionnelle sur le terrain. Merci d’indiquer toute erreur ou omission à info@distances.plus.
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