Une poignée de coureurs élites au départ du Trail de la Cité de Pierres

EXCLUSIF

Guilhem Prax
Guilhem Prax en reconnaissance sur le parcours du Trail de la Cité de Pierres - Photo : Exo dams

Après l’annulation de la première édition du Trail de la Cité de Pierres (31 km, 1650 m D+) près de Millau en 2020, Guilhem Prax a tout fait ces dernières semaines pour maintenir et enfin lancer son événement. À l’issue d’une longue négociation avec la préfecture de l’Aveyron, le jeune organisateur de 32 ans a réussi à obtenir la précieuse autorisation. Demain dimanche 28 mars, on ne verra pas Monsieur et Madame Tout-le-Monde sur la ligne de départ dans ce chaos fabuleux qu’est Montpellier-le-Vieux, mais quelques-uns des meilleurs traileurs français réunis pour une course exceptionnelle, de très haut niveau, en petit comité. Un exploit alors que, partout, les trails sont annulés les uns après les autres.

Ce sera en effet la première course de trail organisée en France depuis le début de l’année 2021, hors courses sur neige et « connectées ».


Thibaut Baronian, Sylvain Cachard, Thomas Cardin, Anthony Felber, Kevin Vermeulen, Gautier Airiau, Damien Humbert, Romain Maillard, Benjamin Roubiol, Alexandre Fine, Fabien Demure, Mathieu Delpeuch, Hugo Deck ou encore Antoine Charvolin vont se « tirer la bourre » chez les hommes, sous le contrôle de l’Espagnol Jan Margarit et du Britannique Andy Symonds.

Chez les femmes, ce sera tout aussi explosif avec Blandine L’hirondel, Camille Bruyas, Mathilde Sagnes, Maryline Nakache, Iris Pessey, Céline Lafaye, ou encore Marion Delespierre


Le fondateur du Trail de la Cité de Pierres avait dans un premier temps envisagé d’étaler le 16 km et le 31 km sur l’ensemble du week-end, et non seulement le dimanche comme prévu initialement. Il a proposé aux autorités de faire des vagues de départ par groupes de quatre, puis des départs un par un toutes les 30 secondes dans le format contre-la-montre, ou toutes les minutes pendant cinq heures. Il a également mis en place une jauge de coureurs et d’accompagnateurs. Bref, il a multiplié les suggestions et les compromis pour pouvoir organiser la compétition et l’ouvrir au grand public, comme il le rêvait, même s’il a dû très tôt abandonner son projet d’organiser l’événement convivial et familial qu’il avait dans la tête depuis longtemps.

Comme beaucoup d’autres courses depuis le début de la pandémie, il aurait pu faire le choix d’annuler cette édition et se tourner vers 2022. « Organiser une course, c’est un truc de barjot, souligne Guilhem Prax*. Il faut demander l’autorisation à tous les propriétaires que tu traverses, à toutes les mairies, il faut conventionner, etc. Le dossier du Trail de la Cité de Pierres remis à la préfecture fait 60 pages. » Pour lui et son équipe, faire tout ce travail en amont pour, au final, ne rien organiser une deuxième année consécutive aurait été trop « frustrant ». Organiser une compétition réservée aux coureurs élites considérés officiellement comme des athlètes professionnels — un casse-tête administratif en soi — étaient la seule solution.

« On a fait le maximum pour faire courir tout le monde, assure Guilhem Prax. On s’est résolus à proposer une course réservée aux élites par défaut, après avoir tenté tous les recours possibles et inimaginables », explique-t-il avec frustration. « On préfère faire courir 40 bonhommes plutôt que zéro », reconnaît-il.

Édition spéciale

Guilhem Prax
Guilhem Prax sur le parcours du Trail de la Cité de Pierres – Photo : Exo dams

Aux yeux de celui qui est aussi propriétaire de la boutique Endurance Shop à Millau, l’événement qui se déroulera ce week-end ne sera pas la première édition du Trail de la Cité de Pierres, mais une « édition spéciale ». « On est à des années-lumière de ce qu’on souhaitait faire, martèle-t-il. Le Trail de la Cité de Pierres n’est pas une course élite à la base. Ça l’est en 2021 parce qu’il y a le Covid, mais en 2022, retour à l’idée d’origine » prévient-il. Les épreuves pour enfants, la randonnée et le duo nocturne devraient donc, si le contexte sanitaire le permet, être au programme l’année prochaine.

Du projet initial, Guilhem est parvenu à sauver les deux parcours traversant la Cité de Pierres, situé sur la commune de La Roque-Sainte-Marguerite au sein du Parc naturel régional des Grands Causses, dans un cadre surréaliste où émergent d’impressionnantes formations rocheuses. Les lieux sont notamment connus pour avoir été le décor de quelques scènes du film culte La grande vadrouille. La cité, elle, ressemble un peu au Far Ouest américain à en croire le Millavois. « Mais attention, ce n’est pas le Grand Canyon », plaisante-t-il. À travers son événement, c’est toute une région et ses paysages qu’il veut valoriser.

Ses courses sont roulantes et constituées « à 90 % de single », selon lui. « Ça court partout! »

Mini championnat de France

Trail de la Cité de Pierres
Sur le parcours du Trail de la Cité de Pierres – Photo : Exo dams

À défaut d’avoir un événement populaire, ce premier trail en sol français en 2021 ressemble en termes de niveau à s’y méprendre à un championnat de France de trail, comme l’a souligné Blandine L’hirondel. Il faudra s’attendre à une sacrée lutte sur le 31 km.

Chez les hommes, la moyenne des cotes ITRA est de 867 puisque des coureurs comme Jan Margarit, 11e meilleur traileur au monde toutes distances confondues, Thibaut Baronian, 3e de Zegama-Aizkorri (42 km, 2853 m D+), Sylvain Cachard, champion de France en titre de course en montagne, ou encore son dauphin sur ce championnat, Thomas Cardin, seront présents. Nicolas Martin, le meilleur français sur les trails de courte distance, devait être de la partie, mais il s’est récemment blessé et a préféré renoncer à prendre le départ.

Sylvain Cachard s’attend à « une course très nerveuse » où le vainqueur sera « celui qui aura gardé un entraînement consistant tout l’hiver et qui arrivera à bien gérer son effort ». Selon lui, tous arrivent « en manque de repères et avec une folle envie de se dépasser ».

Chez les femmes, la moyenne de cote ITRA de 723 laisse également présager une belle bataille pour la victoire. Parmi les engagées, il faut souligner, outre la présence de Blandine L’hirondel, championne du monde de trail et championne de France de course en montagne en titre, sur Camille Bruyas, meilleure française sur les distances allant de 115 à 154 km, Mathilde Sagnes, 4e des derniers championnats de France de course en montagne ou encore Maryline Nakache, double vainqueure en titre du 65 km de la Transgrancanaria.

Le 16 km (850 m D+) a également été maintenu afin de pouvoir faire courir les équipes de France des jeunes catégories. « Faire courir les jeunes, c’est quelque chose qui me tient à cœur », a commenté le co-fondateur de l’École de trail à Millau. Au total des deux courses, ils seront seulement 34 sur la ligne de départ.

Une initiative saluée par les athlètes et la FFA

Cité de pierres
La Cité de pierres, dans toute sa splendeur – Photo : Exo Dams

Les athlètes qui ont répondu présents ont salué l’initiative de l’organisateur du Trail de la Cité de Pierres et ont tous accepté de se déplacer et de se loger à leurs frais. Signe de l’engouement que suscite l’événement. Guilhem Prax se félicite également d’avoir obtenu le soutien de la Fédération française d’athlétisme (FFA). « Olivier Gui (le directeur technique national du trail) nous a dit, avec l’assentiment d’André Giraud (le président de la FFA) qu’il fallait vraiment proposer quelque chose pour ce public. Au même titre qu’ils ont mis en place des meetings d’athlétisme, ils ont considéré qu’il fallait aussi qu’il y ait une compétition en trail pour permettre aux athlètes de courir. »

Blandine L’hirondel, victime en janvier d’une triple fracture de côte, a avancé pour l’occasion son retour à la compétition. « Je sais que de nombreux coureurs ainsi que de nombreux organisateurs de courses auraient aimé vivre ou faire vivre leur événement sportif. Guilhem Prax a mis toute son énergie afin de maintenir cette course dans un contexte si particulier. C’est avant tout pour le remercier que je serai présente, mais également pour représenter, en quelque sorte, les différents acteurs du monde du trail », a expliqué la championne de France de course en montagne.

Cette prise de conscience de l’opportunité qui s’offre à eux est revenue tel un leitmotiv dans la bouche de tous les coureurs sollicités par Distances+. « C’est une réelle chance de pouvoir remettre un dossard à l’heure actuelle, a confié la jeune Alanis Duc qui sera au départ du 16 km. Je suis vraiment impatiente de retrouver l’ambiance de course même si ça sera particulier. J’ai aussi envie de courir pour ceux qui ne peuvent pas. Je pense sincèrement à eux et je veux leur dire de ne rien lâcher. »

« Cela montre aussi que l’on est capable d’organiser une course, un peu à l’image du cyclisme, mais j’espère vraiment que les épreuves de masse pourront reprendre le plus rapidement possible », a commenté pour sa part Camille Bruyas. Elle viendra pour conclure un bloc de vitesse et marquer la fin officielle de sa saison de ski de fond.

Quelques réserves sur la tenue de la course

Trails de la Cité de Pierres
Parc de la Cité de Pierres – Photo : Exo dams

D’autres sont un peu plus mitigés, à l’image de Nicolas Martin : « C’est une bonne nouvelle pour les athlètes, même si je ne suis pas vraiment favorable à des passe-droits pour les athlètes élites et pros, dit-il. D’autant plus dans notre sport où le professionnalisme n’existe pas ou peu. » S’il avait pu prendre le départ, « ça aurait davantage été dans le but de partager quelques heures avec les ami(e)s. » Il salue tout de même l’initiative de Guilhem « qui va permettre de redonner un peu de lien social à notre famille du trail. »

Thibaut Baronian, lui, a appelé il y a quelques jours sur sa page Facebook, à mettre fin à « la mascarade » et à relancer les compétitions en extérieur. S’il se dit très content de pouvoir se tester à l’occasion du Trail de la Cité de Pierres ce dimanche, il voudrait que les autorités aillent plus loin. « Ce n’est pas ce que j’espérais, lâche-t-il. La course s’organise depuis un moment, mais ce qu’on aimerait voir ce sont des courses tests sur plusieurs week-ends, dans plusieurs zones de France avec 100, 200, voire 500 coureurs que ça ait un peu plus une gueule de trail », argumente le champion français spécialiste des distances entre 20 et 40 km. Il sera au départ pour valider sa préparation hivernale, mais ce genre de course ne correspond pas à sa vision du trail. « J’aime mettre un dossard pour partager des choses à côté avec les amis et le public », explique-t-il. Pour cela, il faudra encore attendre un peu.

Un test pour la suite

Blandine L'hirondel
Blandine L’hirondel – Photo : Jordi Saragossa / Golden Trail Series / Azores Trail Run

Car le protocole sanitaire est extrêmement strict. Une jauge de 110 personnes a été mise en place dans la zone de départ et d’arrivée, le public est interdit, tous les coureurs seront espacés de deux mètres sur la ligne de départ, un seul accompagnateur est autorisé par coureur, un test PCR négatif datant de moins de 72 h pour le coureur et l’accompagnateur sera nécessaire pour retirer son dossard, et la liste est encore longue. Les départs des courses seront échelonnés. Les athlètes masculins du 31 km s’élanceront les premiers, suivis des femmes cinq minutes plus tard, tandis que les coureurs du 16 km partiront 10 minutes après elles.

Le ravitaillement se fera en autonomie. Chaque coureur a le droit de remettre avant le départ une boîte de chaussure contenant son ravitaillement. Aucune personne, même accréditée, n’est autorisée à aider un coureur. « J’ai proposé un protocole sanitaire ultra-strict pour maximiser les chances de pouvoir organiser la course », raconte Guilhem Prax.

Il se satisfait aussi de faire travailler des acteurs d’un secteur économique complètement à l’arrêt comme un speaker, un chronométreur ou encore des secouristes.

Bien que son événement ne ressemble pas à son projet initial, Guilhem veut y voir du positif. « La préfecture va se servir de cette compétition comme d’un test. En fonction du résultat, cela permettra sans doute l’organisation de courses aveyronnaises, croit-il. Si de cette manière, on peut aider à relancer les événements outdoor, ça sera une bonne chose. »

Un texte écrit avec la collaboration de Nicolas Fréret

*Guilhem Prax fait partie de l’équipe des collaborateurs du magazine Distances+



 

 

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