Le Tarn Valley Trail, le rêve d’un retour aux sources

Par les organisateurs du Festival des Templiers

Tarn Valley Trail
Photo : Cyrille Quintard

Quelques rochers, une étendue d’herbe rase et deux longues ficelles tendues par des piquets, en forme de couronne. Massés à l’intérieur de ce sas de départ fait de bric et de broc, les 272 participants de la première édition du Tarn Valley Trail entourent Gilles Bertrand, l’organisateur de l’événement. Comme à son habitude, il prononce un discours empreint de poésie, disserte sur la notion de silence, celui de la nature et des chemins que les coureurs s’apprêtent à emprunter. 

Ses mots chantent, puis s’évanouissent. Il est 7 h 30 du matin et, en ces premiers jours de mai, un vent glacé et turbulent souffle sur le Mas de la Barque, un village de gîtes au pied du mont Lozère, non loin des sources du Tarn. « Il n’y a pas d’arche, pas de micro, pas de musique, pas de banderoles floquées de sponsors, commente Gilles Bertrand. C’est un départ sobre et intime, à l’américaine. » 

L’ancien journaliste de 67 ans se remémore un début de course vécu à Crawford (Colorado), à la fin des années 1980. Il revoit un ranch isolé et une ligne blanche tracée avec un ou deux kilos de farine balancés au sol. Derrière elle, une quarantaine de types attendent le feu vert d’un vieux cow-boy qui ne s’encombre d’aucun décompte, se contente de crier « go » en unissant ses mains autour de sa bouche, pour faire porte-voix. 

De ses reportages aux États-Unis avec son épouse Odile Baudrier, Gilles Bertrand rapporte des souvenirs et une idée, le Festival des Templiers, qu’ils fondent en 1995, à Millau. Depuis, cette ode au massif des Grands Causses s’est imposée en France et à l’étranger comme l’un des principaux rendez-vous de la saison de trail. Mais de sa découverte d’épreuves mythiques telles que le Leadville 100 ou la Western States Endurance Run, l’Aveyronnais d’adoption ramène aussi un rêve : créer de toutes pièces un « 100 miles » (160 km).

Assoupi dans un coin de sa tête, ce désir se réveille en 2020, en plein confinement, ravivé par la passion de Gilles Bertrand pour une rivière. Le Tarn, il l’a déjà exploré sous toutes les coutures, en courant sur ses rives ou en pagayant sur son cours, à bord d’un kayak. Il sait que l’axe fluvial recèle de récits, de hameaux coupés du monde, de passages ignorés. « S’il y a un sentier, c’est qu’il y a une histoire, raconte le géographe de formation. J’ai toujours été sensible aux grands espaces à l’aune de leurs détails. J’aime me laisser séduire par un enrochement, un muret, un arbre remarquable, une ancienne draille. »

Un kayakiste vainqueur du premier TVT

Tarn Valley Trail
Photo : Cyrille Quintard

Lorsqu’il apprend qu’un GR longeant la rivière à travers les Cévennes et les Grands Causses — le GR 736 — est sur le point d’être homologué, Gilles Bertrand en profite pour participer à sa manière à la mise en lumière de ce territoire. Le Tarn Valley Trail naît ainsi, un mélange de rêve américain, d’envie de retour aux sources et d’attachement aux lieux et à leur géographie.

Ironie du sort, le premier vainqueur de l’épreuve est un spécialiste des cours d’eau, entraîneur des équipes de France de canoë-kayak. Le 6 mai 2022, Renaud Doby met 19 h 29 pour venir à bout des 158 kilomètres et 6300 mètres de dénivelé positif qui séparent le Mas de la Barque de Millau. Après lui, seuls 170 coureuses et coureurs parviennent à rallier l’arrivée, établie sur la scène d’un petit théâtre de la ville, dans un ancien couvent.  

« Finisher », arrivé en 16e position, Vincent Fradin se souvient d’un profil descendant et plutôt roulant au début, semblable à l’idée qu’il se fait de la Western States, puis plus technique et accidenté sur la fin. Originaire d’Auvergne, ce vététiste confirmé n’a pas choisi la course au hasard. Pour son premier 100 miles, le trentenaire était à la recherche d’authenticité, d’une aventure sans fioritures ni « prise de tête ». « Traverser des territoires d’un point A à un point B, s’inscrire sans avoir besoin de points ni d’être tiré au sort, courir léger et en responsabilité, sans toute une liste de matériel obligatoire, énumère-t-il. Tout cela m’attirait énormément. » À l’image des courses américaines, Vincent Fradin a aussi apprécié la possibilité d’avoir recours à un pacer, à partir du 110e kilomètre. 

Faire simple et limiter l’empreinte carbone

Tarn Valley Trail
Le Tarn Valley Trail suit le sentier de grande randonnée des gorges du Tarn – Photo : Cyrille Quintard

Soucieux des problématiques environnementales, Gilles Bertrand et ses équipes tentent de réduire au maximum l’impact carbone du Tarn Valley Trail. Des navettes sont mises en place pour conduire les participants au départ. Sur les ravitaillements, les produits proposés sont tous fabriqués localement. Même les reconnaissances du parcours sont le plus possible effectuées à pied, à vélo ou en kayak. 

« C’est vrai que ce type de course intimiste se prête davantage que d’autres à des procédés vertueux en matière écologique, reconnaît Vincent Fradin. Mais entre la présence de suiveurs et de pacers*, et la difficulté de se loger à Millau, aux abords de l’arrivée, cela génère tout de même beaucoup de déplacement. » « C’est un équilibre très difficile à trouver, admet Gilles Bertrand. Organiser des événements qui ramènent du monde génère forcément des effets pervers. Mais nous menons une réflexion permanente avec tous les acteurs locaux pour que cette course soit la moins impactante possible pour nos territoires et leurs écosystèmes. »

Première femme à franchir la ligne d’arrivée, Valérie Tixier a joué le jeu. Avec son mari — également coureur — et leur entourage, ils sont venus de Montpellier en covoiturage. À 50 ans, cette spécialiste du 100 km sur route l’a emporté en 26 h 49. Sa performance ne l’a pas empêché de profiter des « paysages magnifiques » et de la présence continue du Tarn, balisage naturel. « Être accompagné en permanence par cette rivière avait quelque chose de magique, témoigne Valérie Tixier. De pouvoir la longer à certains moments, la survoler à d’autres, de jour comme de nuit. » 

Le 6 mai 2023, pour la deuxième édition du Tarn Valley Trail, le parcours ne bougera pas d’un caillou. La volonté de Gilles Bertrand est de garantir l’âme rustique et authentique de ce 100 miles, de ne pas en faire « un grand barnum » comme le Festival des Templiers. De bloquer symboliquement les inscriptions à 369 participants, jauge historique de la Western States Endurance Run. « Un clin d’œil », s’amuse l’organisateur.

Deux courses seront lancées en marge de l’épreuve longue, le Marathon Tarn Valley, qui reprendra sur 42 kilomètres la fin de la trace originelle, histoire de rendre accessibles à d’autres coureuses et coureurs les joies de cette escapade le long de la rivière, ainsi qu’un 16 km, « la voie unique », qu’il est également possible de faire à la randonnée. Le principe de cette course courte est de se rendre au départ, à Saint-Georges de Luzençon, en train et de revenir en courant. Ceci dit cette année, des travaux sur la voie ferrée contraignent l’organisateur à opter exceptionnellement pour un bus.

Tarn Valley Trail
Photo : Cyrille Quintard

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*En 2022, 75 % des coureurs ont été acheminés en bus au départ et 90 % des pacers sur la base de vie, a précisé l’organisation.


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