C’était un événement prometteur qui faisait rêver bien des traileurs, élites et amateurs, mais l’Ourea Trail ne verra finalement pas le jour. Les courses à étapes qui devaient être organisées l’été prochain au cœur des Portes du soleil, dans la station d’Avoriaz 1800 en Haute-Savoie, ne pourront pas avoir lieu cette année encore en raison de la crise sanitaire. Amandine et Gaël Mainard ont dû se résoudre à jeter l’éponge. Leur beau projet ne survivra pas à une double annulation.
La pandémie les avait en effet déjà poussé à reporter la première édition de leur événement.
« Avec beaucoup de tristesse », les organisateurs ont acté leur décision en ce début mars 2021 par communiqué. « Personne ne peut prévoir à quoi ressemblera l’été 2021 dans le monde et pour sport », soulignent-ils en annonçant l’annulation de l’Ourea Trail, prévu durant toute une semaine du 24 au 31 juillet.
Ils se sont également résignés à ne pas inscrire leurs épreuves, imaginées dès 2018, au calendrier 2022. « On ne préparera pas la course l’année prochaine, a prévenu Gaël Mainard, co-fondateur de l’événement avec sa femme Amandine, en entrevue avec Distances+. On ne sait pas comment ça va se passer sur le plan sanitaire l’année prochaine, mais on ne peut pas réengager des frais, comme on l’a fait les deux dernières années, sans savoir si on pourra l’organiser. »
« Ce n’est pas chose facile d’annuler un événement qu’on essaie de monter de toute pièce, mais avec la situation actuelle, on peut tout à fait les comprendre », a commenté Alexis Sévennec, l’un des ambassadeurs élites, et l’un des tout meilleurs traileurs français sur les distances allant de 40 à 60 km.
« Ce sont des choses qui arrivent, la vie continue », relativise toutefois Gaël, philosophe. L’ancien triathlète professionnel confie sa déception, mais avoue l’avoir vu venir depuis quelques mois, ce qui lui a permis de « s’y préparer mentalement ». Le plus rageant pour lui n’est pas tant d’avoir dû annuler cette année, mais plutôt de ne pas avoir pu organiser une seule édition. « On aurait aimé voir ce que ça aurait pu donner », lâche avec de la frustration l’ancien organisateur de l’Ironman de Vichy.
« Ça aurait était super pour venir découvrir les sentiers des Portes du soleil, notamment Morzine et Avoriaz », regrette pour sa part Alexis Sévennec.
Un format insolite
Avec cette nouvelle annulation, c’est un projet unique en France qui disparaît (qui peut toutefois se comparer au Trail de France imaginé par autre couple, Maud Debs et Frédéric Morand, dont la première édition a été reportée en 2022). Inspiré de la célèbre épreuve de VTT Cape Epic — à laquelle Gaël avait participé —, l’Ourea Trail devait être un ensemble de courses à étapes réparties sur une semaine avec une formule à la carte. Pour plaire au plus grand nombre, différentes formules étaient proposées : l’Ourea Xtrem avec 7 étapes en 8 jours (250 km, 17 000 m D+), l’Ourea 130 avec 4 étapes en 4 jours (130 km, 9000 m D+), l’Ourea 120 avec 3 étapes en 3 jours (120 km, 8000 m D+) ou encore l’Ourea Solo qui permettait de courir une seule étape au choix.
Sur le papier, l’événement pouvait faire penser à une course à étapes cycliste d’une semaine comme Paris-Nice, avec un prologue et une étape en contre-la-montre. Le concept avait d’ailleurs trouvé son public selon l’organisation, mais le confinement de décembre 2020 s’est avéré fatal. « Ça a tout arrêté au niveau des inscriptions. Ce qui était important pour nous, c’était surtout de remplir les courses à étapes, mais les gens ne s’inscrivaient plus du tout », explique le co-créateur de l’Ourea Trail. Il impute cet arrêt dans les inscriptions à un manque d’entraînement des coureurs dû au couvre-feu et à un manque de motivation des athlètes en raison de l’annulation de la plupart des compétitions.
« Si les gens ne sont pas inscrits avant le mois de mars, ils ne vont pas s’inscrire après parce qu’il faut poser une semaine de vacances, il faut beaucoup s’entraîner pour ça. Ils ne vont pas s’inscrire dans les trois mois qu’il reste », croit l’organisateur. Ce lundi 8 mars, les inscriptions représentaient seulement 10 % du nombre de participants espérés par Gaël et Amandine, parmi lesquels 40 % de coureurs étrangers, qui ne pourront peut-être pas se déplacer en France cet été.
Un plateau élite des plus relevés
Dès la première édition, l’Ourea Trail promettait aussi un superbe spectacle avec les nombreux athlètes élites qui avaient coché ce rendez-vous.
« On avait environ 50 élites de prévus avec un niveau très relevé. La moyenne était de 875 points ITRA chez les hommes », affirme Gaël Mainard. Parmi eux, certains étaient même des ambassadeurs d’Ourea, comme les Français Nicolas Martin, Alexis Sévennec, Patrick Bringer et le Réunionnais David Hauss, mais aussi l’Espagnol Pau Capell ou encore l’Anglais Jonathan Albon.
Pour attirer ce beau plateau, l’Ourea Trail avait établi une grille de primes pour un total de 200 000 euros. « Je suis un ancien triathlète pro et il y a toujours des grilles de prix pour qu’on en vive, explique Gaël. Dans le trail, il n’y en a pas (les nouveaux circuits Golden Trail Series et Spartan Trail World Championship ont commencé à instaurer un système de primes d’argent, NDLR). On s’est dit que si on arrivait à proposer une grille de prix correcte, les athlètes élites allaient avoir envie de venir courir. »
Mais l’Ourea Trail se voulait aussi novateur en dehors de la compétition, en créant une ambiance familiale et amicale de camp de vacances. « Le but, c’était que les gens participent à une grosse course, mais qu’il y ait de l’ambiance autour et que les familles viennent et ne s’ennuient pas pendant une semaine. On avait basé l’événement sur la famille, même si les élites étaient là », explique l’Auvergnat. Pour cela un village expo, des soirées avec un DJ et même des activités en partenariat avec l’office de tourisme étaient prévues pour occuper les spectateurs.
Un adieu définitif? Peut-être pas.
Même si des dépenses ont été engagées, l’organisation promet un remboursement total à tous les inscrits. « On prendra sur nos sous personnels parce qu’on veut partir du trail sans avoir une mauvaise image », assure Gaël Mainard.
« En attendant des jours plus gais, ils sont partis en laissant les choses le plus claires possible derrière eux », a souligné Alexis Sévennec interrogé par Distances+ sur cette nouvelle annulation.
Ce retrait pourrait ceci dit, à écouter Gaël, ne pas être définitif. « On va garder le site internet, la page Facebook et le nom. On verra si dans deux ou trois ans le contexte nous permet [de réorganiser l’événement] et si nos partenaires sont toujours partants. On se posera peut-être la question à ce moment-là », a confié le co-fondateur. Il affirme aussi avoir d’autres projets dans le monde du sport, sans vouloir en dire plus pour l’instant.
L’ancien athlète espère que, malgré l’annulation de son événement, des compétitions pourront avoir lieu d’ici le mois de juin ou juillet. « Peut-être des plus petites épreuves avec des départs par petits paquets toutes les 20 secondes. Je pense qu’il y a des solutions à mettre en place que le gouvernement pourrait laisser faire pour que les courses aient lieu, estime-t-il. J’espère vraiment qu’on pourra en faire parce que, même si je ne vais pas organiser la mienne, je compte bien en faire, surtout que maintenant j’ai un peu plus de temps », conclut Gaël Mainard avec le sourire.
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