Voici la parfaite trousse de secours du traileur prévoyant

La chronique du Doc Benoit

DOC BENOIT
Le Doc Benoit a toujours cette trousse de secours dans son sac d'hydratation lors d'un ultra - Photo courtoisie

Les grosses blessures se font plutôt rares en trail. En revanche, les petits bobos (entorses, ampoules, abrasions, lacérations ou encore malaises gastriques) sont monnaie courante. Que votre aventure en forêt soit prévue pour 10 ou 100 km, je vous recommande d’avoir avec vous une trousse de secours minimale.

Je vous propose ici de décortiquer ce que devrait contenir la trousse parfaite du traileur. C’est, selon moi, le strict minimum pour pallier efficacement les impondérables de la vie de coureur. La liste peut vous paraître longue, mais l’ensemble du matériel nécessaire tient dans un petit sac de type Ziploc et ne pèse pas plus de 250 g.

Signaler sa détresse et subsister en attendant les secours

Voici le contenu d'une trousse de secours parfaite avant de partir courir un ultra - Photo : Simon Benoit
Voici le contenu d’une trousse de secours parfaite avant de partir courir un ultra – Photo : Simon Benoit

Matériel requis : sifflet, dispositif de stérilisation d’eau (LifeStraw, filtration Katahdin, Pristine), couverture réfléchissante, nourriture, briquet.

Si on est blessé ou perdu (ou les deux!), il sera impératif d’être en mesure de signaler cette situation d’urgence.

La plupart des sacs d’hydratation sont munis de minuscules sifflets de puissance douteuse. Il est important de comprendre que les arbres, les rivières et les vallons assourdissent grandement le son. Un sifflet sans bille et de qualité est impératif. Le Fox 40 en est un bon exemple. Le signal de détresse international est : 3 ou 6 coups de sifflet suivis par une minute de pause environ. Il doit être répété jusqu’à ce qu’une réponse soit reçue. Il est bon de noter que le sifflet devrait toujours être à portée de main, à l’extérieur du sac.

En cas de blessure ou d’égarement, il est possible que la période d’attente des secours soit longue. Il est prudent de prévoir une couverture réfléchissante ou un bivi-sac, peu importe la météo du moment de départ de votre aventure. Avoir avec soi un briquet/torche au propane vous permettra également d’allumer un feu pour vous réchauffer et signaler votre présence. Il est également sage de toujours prévoir un peu plus de nourriture en cas de pépin. La couverture réfléchissante de survie est un impératif à toute aventure en nature.

Entorse/contusion

Matériel requis : ruban thérapeutique stabilisateur (taping), Duct Tape, acétaminophène, glace sèche, tie wrap (attache à tête d’équerre).

Lors d’une chute ou d’un faux mouvement, les trois articulations les plus frappées par les entorses sont la cheville, le genou et le poignet. Ne vous obstinez pas devant l’impossibilité d’effectuer une mise en charge sur un membre blessé, car il s’agit là d’un signe de possibilité de fracture. S’il est encore possible de bouger et de mettre du poids sur le membre blessé, il est plus probable qu’il s’agisse d’une blessure musculaire, ligamentaire, tendineuse ou articulaire et les risques d’aggravation sont moindres.

Il sera toutefois peut-être requis de stabiliser l’articulation blessée. Pour ce faire, un bandage élastique est bien peu efficace comparé à un taping bien exécuté. Une multitude de formations en ligne sont disponibles afin d’apprendre à appliquer un taping adéquat. Ce dernier s’effectue avec un ruban rigide spécialisé à cet effet, mais un bon vieux Duct Tape peut dépanner.

En cas de blessure plus sérieuse, une attelle rigide peut être confectionnée avec des branches et sécurisée avec du Duct Tape et des tie wrap en attendant les secours.

En cas de contusion ou d’entorse, l’application de glace sera grandement appréciée pour contrer la réaction inflammatoire. Des paquets de glace sèche instantanée sont disponibles, mais ils sont encombrants et il faut être motivé à les traîner. Il est également important de réaliser qu’il faut bien protéger les sachets dans notre sac pour éviter qu’ils ne s’endommagent ou se déclenchent involontairement. Une immersion dans un ruisseau froid peut être une solution de substitution à la glace, mais ne sera pas aussi efficace.

Je réitère ici que la prise de médication anti-inflammatoire est contre-indiquée lors d’une épreuve d’endurance/ultra-endurance ou en situation de risque de déshydratation ou d’irritation gastrique. La prise d’acétaminophène peut en revanche contribuer à réduire partiellement la douleur.

Lacération/abrasion

Matériel : colle topique ou Crazy Glue, points de rapprochement (Steri-Strip), Duct Tape, lingette nettoyante ou tige montée (SoluPrep), compresses adhérentes et non adhérentes 2X2 et 4X4, bandages stériles (Plaster), onguent antibiotique, fiole stérile, canif.

En cas de lacération ou d’abrasion, la première étape est d’effectuer un bon nettoyage à l’eau de la plaie. De façon générale, la propreté précoce d’une plaie (libre de corps étrangers et de souillure) réduit les risques de surinfection et favorise une cicatrisation optimale. Prévoyez donc au moins quatre compresses non tressées dans votre trousse. Deux ou trois pour effectuer le nettoyage et une ou deux pour couvrir la réparation. L’utilisation d’une fiole d’eau stérile est facultative, mais j’aime bien traîner une seringue de 10 ml de solution saline qui permet de nettoyer la plaie « en jet pression ». Une fois nettoyée à l’eau, on peut assurer une désinfection plus complète avec une lingette ou un bâtonnet à base de chlorhexidine.

L’application de colle cutanée topique est très efficace et fiable pour rapprocher les marges d’une lacération mineure lorsqu’elle est située sur une surface qui n’est pas mise en tension par le mouvement du membre concerné. La colle « Crazy Glue », en vente dans toute bonne quincaillerie, est très similaire et peut substituer à la colle cutanée médicale biologique. Elle est toutefois légèrement plus à risque de brûler et/ou de décolorer les marges de la lacération et donc d’y laisser une moins belle cicatrice.

Une fois les marges rapprochées, l’application de points de rapprochements collants (Steri-Strip) est suggérée pour sécuriser la plaie, puis on recouvre le tout d’une compresse adhérente ou non adhérente (Telfa) selon l’état de la peau blessée. Si cette dernière est endommagée (abrasion), il sera préférable d’appliquer un onguent antibiotique et une compresse non adhérente (Telfa) pour éviter que la compresse se colle dans la plaie. Les compresses sèches peuvent être fixées avec du ruban non allergène ou encore avec du Duct Tape.

La meilleure façon de rapprocher rapidement une plus grosse lacération en attendant les premiers soins est d’utiliser une bande de Duct Tape pour rapprocher les marges et effectuer une compression afin de contrôler le saignement. Il sera alors impératif de ne pas bouger les articulations pouvant provoquer une tension sur les marges de cette lacération.

Ampoules

Matériel : crème anti-frottement, Tegaderm, coussinets stériles, Duct Tape

La meilleure façon de prévenir les ampoules est d’être bien chaussé dans des souliers et des bas dont le confort a été « testé » au préalable. Il est également primordial de bien lacer sa chaussure pour réduire les mouvements du pied qui induisent du frottement indésirable. Les crèmes anti-frottements (Akilène, Frotti-Frotta) sont très efficaces en prévention. Il est fortement suggéré d’en traîner avec soi sur les longues aventures afin d’en appliquer à nouveau au besoin dès la perception d’une sensation de frottement. Il est également sage de prendre le temps d’évacuer régulièrement tous les débris qui pénètrent votre chaussure. Le port de guêtres peut s’avérer fort pratique sur certains terrains.

Une fois le mal installé, il est recommandé de percer l’ampoule pour « aplatir » la peau protectrice afin d’éviter que cette dernière ne s’arrache. Les coussinets stériles pour ampoules sont populaires, mais sont à risque d’occuper davantage de place dans la chaussure et d’aggraver le problème. L’application d’un film transparent de type Tegaderm sans coussinet recouvert de Duct Tape pour assurer le maintien est une alternative intéressante utilisée par plusieurs athlètes d’expérience.

Blessures tendineuses

Matériel : ruban neuro-proprioceptif

Les blessures tendineuses connues sous l’appellation tendinopathies sont des pathologies de surcharge. Elles sont invariablement causées par un stress mécanique mal dosé au préalable lors de l’entraînement ou un entraînement peu spécifique et mal adapté à l’épreuve visée. Il est très difficile de soulager rapidement et efficacement ce type de douleur lors d’une épreuve. L’application de ruban thérapeutique neuro-proprioceptif (KT Tape, KinesioTape, Rock Tape, Kinesio Tex) est très populaire, mais son efficacité est mitigée surtout pour traiter une douleur aiguë. L’adoption d’une foulée courte et légère sur une cadence rapide (180 pas par minute +/- 10) en plus d’un entraînement spécifique et bien dosé est un bon gage de prévention des tendinopathies les plus populaires du coureur. Mieux vaut prévenir que guérir.

Morsure de tique

Matériel : pince à sourcils, Doxycycline

Les tiques font maintenant partie intégrante du paysage des coureurs en sentier québécois. Pour réduire significativement les risques de transmission de la maladie de Lyme, il est souhaitable de s’inspecter après chaque sortie afin de s’assurer de décrocher l’insecte attaché à la peau en moins de 24 heures. Il est très simple de déloger ces petites bestioles à l’aide d’une pince à sourcils (habituellement incluse sur les petits couteaux suisses). Il faut prendre soin de bien décrocher les pinces de la tique sans les arracher pour ne rien laisser dans la peau.

Deux critères doivent être satisfaits pour justifier la prise d’antibiotiques en prophylaxie lors d’une exposition. Premièrement, le coureur doit séjourner dans une zone à risque élevée où plus de 20 % des tiques sont porteuses de la maladie de Lyme. Deuxièmement, il doit s’être écoulé plus de 24 heures pour déloger l’insecte. Une dose unique de Doxycycline de 200 mg est à ce moment offerte et sera efficace pour réduire le risque si elle est administrée moins de 72 heures après le détachement de l’insecte. Pour plus d’informations, consultez ma chronique sur le sujet sur Distances+.

Irritation anale

Matériel : vaseline

Les inconforts à la région péri-anale ne sont pas rares sur les épreuves d’ultra-distance. L’application simple de Vaseline comme crème barrière peut éviter bien des soucis.

Coups de soleil

Matériel : écran total, crème solaire, chapeau, manchons

Le meilleur moyen de prévention des coups de soleil demeure la réduction de l’exposition. Les tissus respirants qui permettent de recouvrir les surfaces exposées sont les meilleurs amis des coureurs. À ce titre, on retrouve les manchons et les casquettes. L’application de crème solaire doit être répétée.

Réactions allergiques

Matériel : anti-histaminiques (Réactine, Aérius)

L’allergène le plus commun rencontré en sentier est sans contredit l’herbe à puces. Il existe toutefois toute une panoplie d’autres plantes et insectes pouvant menacer les coureurs. Les piqûres de guêpes figurent parmi celles qui doivent être prises au sérieux.

Les coureurs qui ont des allergies de type anaphylactiques doivent impérativement traîner avec eux plusieurs Epipen. Lors d’une réaction allergique grave en milieu éloigné, la durée utile d’une Epipen est limitée et pourrait demander d’être répétée avant que la situation puisse être prise en charge par une équipe de secours. Cette situation devrait être discutée avec son médecin traitant avant d’entreprendre une aventure en milieu éloigné.

Lors d’une affection allergique mineure, la prise de médication anti-histaminique (Aérius, Réactine, Bénadryl, Atarax) peut contribuer à réduire les symptômes. Les formulations sans somnolence sont évidemment à favoriser.

Pour plus d’informations, consultez ma chronique sur l’exposition à l’herbe à puces sur Distances+.

Inconfort intestinal

Matériel : ondansetron (Zofran), anti-acides (Pantoloc, Dexilant, Nexium, Zantac, Pepcid)

Les inconforts intestinaux sont monnaie courante en épreuve d’endurance et les nausées trônent au sommet du palmarès. La médication est la dernière porte de sortie, mais, si cette dernière est considérée, seule l’ondansetron (Zofran), disponible en prescription, possède une réelle efficacité pour contrer les nausées. La prise d’anti-acides peut également contribuer à réduire les brûlements d’estomac, mais sera peu efficace une fois la pathologie installée.

Pour plus d’informations, consultez ma chronique sur les catastrophes intestinales sur Distances+.

Sécheresse oculaire

Matériel : gouttes lubrifiantes (Systane Ultra, Lacrilube), lunettes

Les coureurs incommodés par la sécheresse oculaire sont nombreux. Les personnes ayant subi une correction au laser en sont particulièrement à risque, surtout dans les mois qui suivent l’intervention. Les épreuves prolongées en altitude, en territoire sec ou exposées au vent sont les plus redoutées. Dans les cas extrêmes, la sécheresse oculaire peut provoquer un phénomène inflammatoire et porter atteinte à la vision.

Le port de lunettes de jour comme de nuit est donc un incontournable en prévention de cette problématique. Les lunettes de type photochromique sont un choix judicieux sur les épreuves prolongées. L’application de gouttes lubrifiantes est donc fortement recommandée et devrait être considérée chez les individus à risque, idéalement avant l’apparition de symptômes.

Rhinite vasomotrice

Matériel : ipratropium nasal (atrovent nasal)

La rhinite vasomotrice est un écoulement nasal clair abondant en réaction à différents facteurs non allergiques comme la pollution de l’air, l’air sec et les changements de température (plus particulièrement au froid). En plus de l’écoulement nasal antérieur désagréable, on peut également faire face à un écoulement nasal postérieur qui peut provoquer des nausées et de la toux. Les solutions de vaporisateur nasal d’ipratropium en prescription sont efficaces pour réduire cette problématique.

Comment maximiser sa trousse ?

Tout ce qu'il faut pour anticiper un pépin lors d'un ultra tient un petit sac Ziploc - Photo : Simon Benoit
Tout ce qu’il faut pour anticiper un pépin lors d’un ultra tient dans un petit sac Ziploc – Photo : Simon Benoit

Les quelques comprimés médicamenteux peuvent être contenus dans une flasque de prescriptions à l’intérieur de laquelle on peut également insérer deux longueurs de ruban neuro-proprioceptif.

La longueur désirée de Duct Tape (environ 50-70 cm suffisent) peut être enroulée autour de la flasque. La vaseline peut également être contenue dans une seconde flasque pharmacologique. Assurez-vous de l’étanchéité du sac choisi pour éviter de mouiller les pansements.

Comme vous venez de le constater, toute aventure digne de ce nom comporte son lot de risques, aussi minimes soient-ils. Soyez responsables : restez à l’intérieur de vos limites, entraînez-vous intelligemment et ayez en votre possession une trousse de secours bien pensée.


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de  l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur. Lisez tous ses textes !

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