Il n’est pas raisonnable de sortir du confinement en se jetant tête baissée dans les sentiers, en faisant comme si rien ne s’était passé, comme si rien ne s’était arrêté. Il convient de renouer avec la course à pied en extérieur avec prudence et d’y penser à deux fois avant de reprendre l’entraînement là où on l’avait laissé.
Après une cinquantaine de jours de confinement, les Français peuvent de nouveau goûter à la liberté. La liberté de marcher, de courir ou de rouler à vélo plus d’une heure d’affilée sans craindre de dépasser ce fameux rayon de 1 km autour de la maison. Durant presque deux mois, la France a été privée de courir librement, de s’évader et d’échapper à la pression du monde moderne. Mais cela a permis de se rendre compte à quel point, finalement, courir permet de se sentir libre et vivant.
Une pause dans le « toujours plus »
Le confinement aura été une situation difficile à vivre pour les coureurs, et peut-être encore plus pour les coureurs avides de grands espaces, mais cela aura peut-être été aussi l’occasion d’une remise en question positive, un long moment pour reprendre le contrôle, se recentrer, reprendre soin de soi, de son corps, de ses proches. Un moment pour se libérer de la pression des courses aussi, de la préparation et de l’entraînement. Un moment rare pour les traileurs adeptes de la compétition.
Il faut dire que ces 10 dernières années ont vu l’explosion du trail avec tout ce que cela a engendré : la multiplication des courses, des ultras toujours plus nombreux, toujours plus longs, toujours plus durs, des coureurs toujours plus forts, toujours plus nombreux, toujours plus équipés. On se demandait parfois où cela pouvait s’arrêter. Cette parenthèse aura sans doute permis de changer les choses ou, au moins, de faire une pause dans ce « toujours plus ».
Trop vite, trop tôt = danger!
L’envie de retourner sur les sentiers est forte, tout comme l’espoir, peut-être, d’enchaîner les sorties longues en guise d’exutoire à ces interminables semaines, enfermé chez soi. Mais ne tombez pas dans le piège de vouloir reprendre trop vite, trop tôt, et de vouloir rattraper le temps perdu. Il serait dommage de se blesser quelques jours après ce déconfinement et de louper la saison estivale.
Alors, comment faire? Il convient d’abord d’analyser ce que vous avez fait ces deux derniers mois pour planifier votre reprise. Quel était votre volume d’entraînement moyen durant le confinement?
- Aucun : vous avez cessé toute activité physique soutenue.
- 1 à 3 heures de sport par semaine, juste de l’entretien : peu importe les raisons, pas le temps, trop de contraintes familiales ou professionnelles, pas envie de faire du sport dans ce contexte sanitaire particulier, alors vous avez maintenu un minimum pour ne pas repartir de zéro.
- 3 à 10 heures : vous avez réussi à maintenir une bonne activité, vous avez découvert les cours de yoga ou de CrossFit en direct sur les réseaux sociaux et arpenté toutes les rues de votre quartier pour garder au moins trois séances de course à pied par semaine.
- Plus de 10 heures : vous n’avez rien lâché. Vous avez réussi à acheter un support d’entraînement pour vélo connecté in extremis au début du confinement pour retrouver vos amis sur l’application Zwift et vous avez parcouru dans votre salon 3000 km en deux mois.
Quoi qu’il arrive, peu importe le nombre d’heures que vous avez effectuées pendant le confinement, deux paramètres primordiaux vont être à gérer pour cette reprise : la progressivité et l’intensité de votre pratique.
- Si vous n’avez plus couru depuis plusieurs semaines, commencez par des sorties courtes et à basse intensité, en optant, pourquoi pas, pour une alternance marche-course.
- Si vous passez du tapis roulant à la course sur route ou en sentier, il faudra vous réadapter à ces conditions et donc réduire la durée de vos sorties.
- Si vous avez multiplié les séances de renforcement musculaire et le vélo, vous êtes sûrement très en forme, mais vous devez malgré tout vous réhabituer à votre nouvelle réalité.
La course à pied est un sport à impacts, potentiellement traumatisant. Reprendre trop vite et de manière trop intense serait une erreur avec un risque de blessure important.
Il est fondamental, durant cette période, de laisser le temps à votre corps de se reconstruire, de reprendre ses marques, de retrouver des appuis stables et d’augmenter chaque semaine progressivement les kilomètres et le dénivelé.
Variez vos entraînements en programmant du renforcement
Votre plan de reprise pourrait être complété :
- d’une à deux séances de renforcement musculaire, mais en étant, là encore, progressif. Ne vous lancez pas directement dans des exercices de pliométrie par exemple. Si vous n’y êtes pas habitués, vous y viendrez, mais commencez par du renforcement statique (exemple de progression : chaise —> squats —> squats sautés —> fentes sautées).
- de quelques séances de mobilité/étirements/gainage afin de retrouver des sensations rapidement.
Continuer à prendre le temps, avec l’option rando
En complément d’une reprise de la course à pied, la randonnée pourrait aussi être une bonne alternative. C’est une activité simple et facile pour repasser du temps en nature sans que cela ne soit trop traumatisant pour le corps, pour explorer et redécouvrir vos terrains de jeu.
Posez-vous la question : quelles espèces peuplent nos forêts? Quels cours d’eau viennent alimenter cette rivière? Sait-on vraiment où l’on court? Analyser une carte, étudier le dénivelé, se mettre des points de repère pour explorer toujours plus les environs et se donner des idées pour la suite.
Se fixer des objectifs
Pour retrouver de la motivation, puis de la confiance, il serait pertinent de vous fixer un premier objectif quatre à six semaines post-confinement, un objectif n’étant pas forcément une course organisée.
De toute façon, les courses ne devraient pas reprendre avant plusieurs mois et de grands événements risquent d’être encore annulés.
Mais finalement, l’aventure et le dépassement ne se trouvent-ils pas au bout de chez nous? Achetez une carte topographique! Tracer un parcours inédit authentique et personnel pourrait être ce fameux prochain défi. Un sportif a besoin de défis, alors trouvez le vôtre : un défi aux multiples facettes, un défi pour se fixer un nouvel objectif, un défi pour découvrir et explorer de nouveaux sentiers, peu importe : pensez-y et trouvez celui qui vous convient.
Vincent Viet est ultra-traileur élite depuis 10 ans, entraîneur et consultant dans le milieu du sport.
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