Depuis un certain temps, beaucoup de coureurs semblent croire qu’on devrait courir sur l’avant-pied. Normal puisque plusieurs professionnels de la santé, entraîneurs et même un grand nombre de livres et de sites web répandent cette information.
Cette croyance amène des coureurs de tous les niveaux à tenter de modifier leur patron de course pour atterrir sur l’avant-pied. Ces tentatives se soldent malheureusement par beaucoup d’inconfort, de désagrément et, évidemment, des blessures.
Dans un premier temps, il faut savoir que la technique de course ne peut pas être identique pour des vitesses de course très différentes. Comment peut-on croire que la foulée idéale puisse être la même pour le sprinteur que pour la grand-maman qui s’initie au jogging?
Il n’y a pas une seule foulée idéale. Au contraire, il est tout à fait normal et même souhaitable que la technique de course varie en fonction de la vitesse. Les deux sont intimement reliés.
Évaluons trois vitesses différentes :
1) Prenons l’exemple d’un coureur se déplaçant à environ 7 minutes par kilomètre ou même plus lentement.
À cette vitesse, la foulée idéale et naturelle sera peu bondissante. À l’observation, on aura l’impression que le coureur rase le sol. La course engendrera une faible dépense énergétique et une force d’impact au sol quasi nulle. Vous comprendrez donc que, dans ce cas, un contact du talon avec le sol n’est aucunement risqué.
Au contraire, c’est même tout à fait souhaitable. En effet, le contact du talon avec le sol se fait dans la plus grande douceur et permet aux structures musculaires et tendineuses du pied et de la jambe de se relâcher et donc de bénéficier d’un petit repos à chaque foulée. Ce repos diminue les tensions et permet au sportif de courir plus longtemps avant de ressentir la fatigue et la douleur résultant d’un travail sans relâche.
Or, il s’avère que c’est plutôt le changement de technique forcé qui est risqué. En effet, un coureur lent qui tente de courir de l’avant-pied voit augmenter automatiquement sa propension aux blessures. Ceux qui ont tenté le coup sont oh-combien-nombreux à nous faire part de leurs tristes blessures aux mollets, aux tendons d’Achille, à l’arche plantaire ou encore aux périostes tibiaux. Tellement dommage.
2) Prenons maintenant l’exemple du coureur un peu plus rapide qui court aux environs de 5 à 6 minutes au kilomètre.
Par rapport aux coureurs plus lents, on observe déjà chez celui-ci un contact avec le sol un peu plus court, une période de suspension qui apparait ou qui augmente et une force d’impact plus élevée. De cette force d’impact plus élevée résulte nécessairement une force d’absorption plus grande déployée par le coureur.
Cela étant dit, il faut savoir que les coureurs de cette « catégorie » ont généralement une foulée plus dynamique et plus efficace que leurs amis plus lents. Or, dans la très grande majorité des cas, on observe chez ces derniers un contact avec le sol situé très précisément sous leurs centres de gravité ou très près. Ils se trouvent donc dans une position optimale pour amortir le choc (triple absorption par les structures musculaires et tendineuses du pied, de la jambe et de la cuisse).
Généralement, le pied se pose au sol en position « à plat » ou presque, ce qui fait que le contact talon-sol se fait nécessairement en toute douceur. Or, au même titre que son ami plus lent, le coureur de cette catégorie peut sans crainte poser son talon au sol à chaque foulée puisque ce contact, si minime soit-il, engendrera les mêmes bénéfices qu’à vitesse plus lente : il diminuera grandement la tension dans les mollets et aux tendons d’Achille principalement.
Y a-t-il des avantages à tenter un changement de technique lorsqu’on court à cette vitesse? Ceux qui tentent l’expérience s’exposent aux mêmes blessures que les coureurs très lents.
Quelques coureurs de cette catégorie posent toutefois le pied au sol bien au-devant de leur centre de gravité. À une telle vitesse, le pied posé au-delà du centre de gravité créé un freinage et donc un impact au sol majoré et assurément non souhaité. Dans ce cas, le coureur aurait avantage à raccourcir sa foulée pour déposer son pied au sol sous son centre de gravité et ainsi bénéficier des avantages associés à une telle foulée. Mais est-ce que cela veut dire de courir de l’avant pied? Je vous laisse juger.
3) Prenons maintenant le profil rapide, soit les coureurs de 3 à 4 minutes au kilomètre, ou plus rapides.
Il est facile de comprendre que ceux-ci sont des coureurs avec d’excellentes qualités athlétiques. Ils sont beaucoup plus forts, puissants et endurants que le reste de la population.
À l’observation, en plus de les trouver beaux et bons, on remarque un contact au sol situé sous le centre de gravité ou tout près. La pose du pied au sol se fait soit légèrement de l’avant-pied, soit avec l’ensemble du pied, souvent appelé pied à plat, ou soit très légèrement le talon en premier, mais sans freinage. En fait, en observant un coureur qui accélère, on constate que la course avant-pied s’impose naturellement.
Vous avez déjà observé un sprinteur? Il court de l’avant-pied évidemment. Mais si on lui demandait de courir 5 ou 10 km, croyez-vous qu’il conserverait la même technique explosive? Permettez-moi d’en douter.
Dans le même ordre d’idées, si vous observez des marathoniens, vous constaterez qu’il y en a peu ou pas qui courent de l’avant-pied, et ce, même parmi les meilleurs au monde. Toutefois, si on demandait à ces marathoniens de faire un 100m sprint, ils courraient tous de l’avant-pied.
Alors, vous vous demandez sans doute pourquoi la course avant-pied est « bonne » pour les sprinteurs (ou demi-fondeurs), alors qu’elle ne l’est pas à vitesse plus lente? Parce qu’elle n’est pas maintenue longtemps.
En conclusion, la technique de course est en étroite relation avec la vitesse de course. Les coureurs lents ne devraient pas tenter de courir de l’avant-pied, puisqu’à vitesse lente, cette technique n’est pas appropriée. Elle augmente même les risques de blessures. Tous les coureurs devraient chercher à déposer le pied sous leur centre de gravité. Rien de plus. Le meilleur conseil technique qu’on peut donner à tous les coureurs est généralement le suivant : courez lentement!
Bref, courez naturellement.
Jolyane Bérubé est diplômée en kinésiologie, avec une spécialité en exercices thérapeutiques. Elle est coureuse, entraîneure et conférencière depuis plus de 15 ans. Mère de quatre enfants, elle est aussi co-propriétaire de la boutique Le coureur nordique à Québec. Malgré une vie familiale et professionnelle bien remplie, elle pratique son sport avec passion et nous donne envie de courir!
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