Le formidable effet placebo de la motivation

La chronique du Doc Benoit

L'athlète Jean-François Cauchon est un modèle de détermination et de concentration en course
L'athlète Jean-François Cauchon est un modèle de détermination et de concentration en course - Photo : QMT

À travers l’évolution de l’espèce humaine, une seule caractéristique bien spécifique a permis à l’Homo Sapiens de se distinguer et de prendre le dessus sur ses rivaux : sa capacité à rêver. Du rêve découle la capacité de convaincre, de se convaincre soi-même d’abord, puis de convaincre sa communauté de la pertinence de son projet ou de ses idées et de la nécessité de tout mettre en œuvre pour les valider. C’est ce qu’on appelle la motivation. Et elle est fondamentale pour mener à bien nos projets et défis sportifs.

Le cerveau humain a élaboré tout un ensemble de stratagèmes afin de maximiser la motivation pour assurer la survie de l’espèce, comme les superstitions et les rituels, pour ne nommer que ceux-ci. Faire preuve de créativité, afin de se stimuler et de se motiver au maximum, développe le meilleur des effets placebo… et ça marche!

En 2015, l’équipe de Ramzy Ross, de l’American College of Sports Medicine, a en effet démontré une amélioration de 1,2 % de la performance d’athlètes élites sur une distance de 3 km après leur avoir fait une injection sous-cutanée de solution saline (placebo). Il faut bien comprendre ici que 1 % de différence aux Jeux olympiques représente la différence entre la médaille d’or et la 4e place. Après l’injection de placebo, les athlètes, tous convaincus, ont noté une baisse de l’effort perçu, une hausse de la confiance en leur potentiel et une hausse de leur motivation.

facebook distances+

Devenir le champion de son potentiel

Anne Champagne construit sa motivation au jour le jour et devient une « guerrière » en compétition
Anne Champagne construit sa motivation au jour le jour
et devient une « guerrière » en compétition – Photo : Jean-Mathieu Chénier

La motivation, ce n’est pas seulement la capacité de poursuivre un effort dans la douleur ou de réussir à développer chaque watt d’énergie requise pour atteindre une performance maximale le jour J, c’est également la capacité de s’auto-discipliner pour suivre un plan d’entraînement optimal, de travailler ses faiblesses, de se faire accompagner, d’accepter de se reposer lorsque c’est nécessaire. C’est aussi la capacité d’introspection, de rigueur et d’humilité. Les vrais champions sont ceux qui sont prêts à faire ce qu’il faut pour performer à leur meilleur.

À lire ceci, on pourrait croire que cela ne s’applique qu’aux athlètes de haut niveau, mais détrompez-vous! Les démonstrations de courage, de persévérance et l’altruisme n’ont aucun lien avec le talent brut. Il est bien périlleux de se lancer dans la comparaison des objectifs individuels, car c’est dans l’atteinte de ces derniers que se retrouve toute la saveur de la satisfaction, le trésor qu’est la sensation de se sentir vivant. La croissance personnelle offerte par la démarche sportive se retrouve autant dans la préparation que dans l’épreuve. Il n’y a pas de perdant lorsque la motivation bat son plein. La qualité d’un champion n’est tout simplement pas reflétée par un classement.

Questionner ses sources de motivations doit être un processus continu

La détermination de Thomas Duhamel à l'Ultra-Trail Harricana du Canada
La détermination de Thomas Duhamel à l’Ultra-Trail Harricana du Canada – Photo : UTHC

Combien d’heures passons-nous à nous entraîner pour maximiser notre VO2 max, gagner en masse musculaire, raffiner notre alimentation, périodiser nos entraînements spécifiques et prévoir des périodes de repos pour rechercher les limites de notre corps, alors qu’au fond, une bonne partie du succès de nos performances repose sur la recherche des limites de notre esprit, de notre motivation et du contrôle de nos pensées? Peut-on vraiment entraîner notre esprit?

En cherchant sur le sujet dans la littérature scientifique, le nom du chercheur Waskiewicz fait surface. Deux études de 2019 publiées dans Frontiers of Physiology et Psychology Research and Behavioral Management ont tenté de cibler les facteurs psychologiques garants de succès. Elles ont utilisé le questionnaire validé « Motivation Of Marathoners Scale (MOMS) » qui comporte 56 questions regroupées en neuf catégories. En résumé, on a noté que les coureurs de longues distances sont davantage motivés par la quête d’objectifs personnels que par la recherche de reconnaissance sociale. Les motivations internes des ultramarathoniens semblent moins centrées sur la perte de poids et l’estime de soi que les coureurs de plus courtes distances, mais davantage orientées vers une quête de « sens de la vie ». Une chose est certaine, questionner ses sources de motivation personnelles est un processus payant.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme

Il n’est donc pas surprenant de voir tant d’événements parrainant différentes causes sociales. Associer la détermination de la démarche sportive à celle de la lutte contre la maladie par exemple. Courage pour courage. Quête d’inspiration, altruisme, retour aux valeurs de base, fuite de notre vie citadine parfois superficielle et matérialiste. Pour l’ultra-traileur, la seule fuite est l’abandon. Pour le patient malade, c’est parfois se laisser mourir. 

Cette capacité motivationnelle à développer le meilleur de soi-même dépasse grandement la performance sportive. La récompense surpasse complètement la simple médaille, le t-shirt de finissant, etc.

L’expérience humaine, l’apprentissage sur soi et l’amélioration du contrôle de ses émotions ne requiert pas de dossard. À chacun de découvrir, de diversifier et surtout de renouveler ses sources de motivations.

L’inspiration n’est pas quelque chose que l’on provoque, elle s’installe seule et se laisse désirer naturellement. La personne qui évolue à travers sa démarche personnelle et en ressort grandie devient par le fait même inspirante pour son entourage et ses proches.

Chers lecteurs, je vous prie de continuer de donner au suivant. Soyez vivants!


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur.

À lire aussi :