Alors que beaucoup d’enfants et d’adolescents sont aujourd’hui rivés à leurs écrans, des initiatives existent pour les faire bouger en pleine nature, à l’instar de l’École de trail, qui se développe partout en France sous l’impulsion de ses fondateurs Guilhem Prax, Julie Besson, Anne Gilet, Loïc Ayral et Damien Delos.
Cette « école » propose une alternative à l’enseignement classique de la course à pied sur les pistes d’athlétisme. L’École enseigne sur les littoraux, en campagne, en montagne ou encore en terrain urbain, avec toujours le même credo : courir peut s’apprendre partout, tout en privilégiant le plaisir.
C’est lors d’un voyage en Catalogne, en 2016, que Guilhem Prax, découvre « l’Escola de trail » créée par l’athlète Laia Diez. Guilhem, qui est gérant d’une boutique de course à pied à Millau revient à la maison avec une idée en tête : lancer le concept en France.
En 2018, après quelques mois de discussion avec son groupe d’amis, il initie une première cohorte, afin de faire connaître le trail aux enfants et adolescents de 6 à 18 ans.
Deux ans plus tard, il y a maintenant neuf groupes de l’École de trail partout en France. D’autres verront le jour sous peu. « C’est un sport qui a le vent en poupe, observe Guilhem, 31 ans. L’influence de parents pratiquants ou l’envie d’être connecté à la nature sont des facteurs de développement », dit-il.
À travers l’École de trail et l’essor de la discipline, Guilhem souhaite « créer un vrai lien social et donner une alternative en milieu naturel au phénomène » des jeunes scotchés aux écrans.
Une approche « ludique »
« C’était un projet un peu fou à l’époque », s’exclame Quentin Raissac, éducateur sportif à Millau, impliqué dans le projet.
« Nous avons su démocratiser la pratique du trail, qui ne serait pas pour les enfants selon “monsieur madame Tout-le-Monde“ », dit Quentin, responsable d’une douzaine d’élèves.
Il précise la philosophie de l’École de trail, en établissant la distinction avec un apprentissage de l’athlétisme plus classique. « L’athlétisme met en avant les aspects purement sportifs. Nous, on est axés sur une approche globale. On propose le goût de l’effort, avec une dominante ludique, au sein d’un cadre naturel », explique-t-il.
« Aujourd’hui nous sommes orientés loisir. Même si pour la catégorie 14-18 ans la notion de “compétition” a du sens », dit Quentin.
« En amont des courses, nous essayons de donner des séances axées sur leurs objectifs, tout en restant modérés. Il y en a qui en font déjà beaucoup par semaine. Notre mission est aussi de veiller à les préserver, car ce sont des enfants », rappelle-t-il.
Olivier Jammes, fondateur d’une marque de nutrition sportive biologique, a souhaité s’investir dès les débuts. « Quand un projet comporte les mots “école” et “enfants”, pour moi c’est un bon projet », lance-t-il.
Il propose pour sa part des journées « découverte » avec des athlètes de renom, ainsi que des jeux autour de la nutrition. Il lui arrive d’offrir des cadeaux, comme des bandes dessinées, afin de lier le sport à d’autres valeurs, comme la culture. « On fait découvrir le patrimoine en même temps », dit-il.
Du nord au sud, de l’enthousiasme
L’une des règles d’or de l’École, c’est que chaque éducateur doit être diplômé dans une domaine relié au sport.
« C’est un gage de qualité, qui permet de savoir comment prodiguer des séances adaptées aux différentes tranches d’âge », explique Laurent Lempereur, éducateur sportif à Noyelles-sous-Lens et président de la future section de cette commune.
Il y a de l’enthousiasme dans cette petite ville de quelque 7000 habitants, au Nord. La commune a notamment lancé le chantier d’un « Stade de trail », où s’entraînera le groupe de l’École. « La commune et les acteurs locaux soutiennent le projet qui permettra aux jeunes de découvrir des lieux proches de chez eux ainsi que leur histoire, affirme Laurent. Ça sera aussi un bel outil pour inculquer quelques règles de protection environnementale. »
À l’autre bout de l’Hexagone, dans les Pyrénées, le groupe dirigé par Raymond Saurine est déjà en place. Pour ce fonctionnaire territorial et entraîneur à l’association « Les Galopins du Cagire », le succès immédiat de l’École a été une surprise. « Nous avons 32 enfants, alors que nous n’en attendions qu’une dizaine, raconte-t-il. Cela s’explique par leur envie d’évoluer dans un environnement magnifique, mais aussi par le fait qu’ils sont encadrés par des adultes maîtrisant leur sujet. C’est un point qui rassure les parents. On n’enseigne pas n’importe quoi. »
De plus, « les barrières tombent, observe Raymond. Nous avons des enfants de médecins, comme des jeunes en foyer d’accueil. Tout le monde est au même niveau, avec un esprit d’entraide et de bienveillance. » « C’est un sport individuel au départ, mais au final, c’est aussi un grand vecteur de lien social », reconnaît-il.
Et puis, « notre gigantesque terrain de jeu permet aux enfants de découvrir des lieux où ils ne seraient pas allés sans cela », dit encore Raymond, lui aussi complètement soutenu par les acteurs locaux.
La passion de transmettre
Lorsque Guilhem Prax a abordé Sylvain Cachard pour lui demander d’agir comme ambassadeur de l’École, il n’a pas hésité une seconde. « Ayant cherché ce type de structure en sport étude, je n’ai rien trouvé, ça n’existait pas, dit le jeune homme de 21 ans. Cinq ans auparavant, je me serais inscrit immédiatement! »
Cet athlète passionné, vice champion de France 2019 de trail court, explique qu’il a accepté la mission, car il se retrouve dans la philosophie d’une pratique saine passant d’abord par le plaisir. « Ça ne veut pas dire que l’on met de côté l’aspect compétition. Mais on accompagne sans forcer », explique-t-il.
« Une bonne structure nous “accompagne“ plutôt que nous pousser, clame Sylvain. Mon rôle est de discuter avec les jeunes et de leur transmettre ma passion en espérant de leur donner envie. Tout comme moi je rêvais devant Antoine Guillon quand il venait faire des courses par chez moi. »
La parole aux enfants
Et les enfants dans tout cela? Qu’en pensent-ils? Distances+ a tendu son micro à un groupe de jeunes en plein entraînement.
« Ce qui me plaît, c’est d’apprendre par le jeu, en pleine nature et à notre rythme, tout en découvrant de nouveaux lieux et en apprenant à respecter notre environnement », lance, très sérieusement, Lylwenn, 8 ans.
Son frère Kérian, 12 ans et demi, est plus porté sur l’aspect compétitif. « L’École de trail me permet de courir régulièrement et de m’améliorer en vue de mes compétitions ».
« J’ai commencé par l’athlétisme, mais je trouvais cela trop codifié », dit pour sa part Eloé Ribeiro, 16 ans. « En trail, j’aime pouvoir faire du sport en nature, et j’aime la diversité des parcours et des séances. Quand l’École de trail a ouverte, je m’y suis aussitôt inscrite. Je ne regrette pas mon choix ».
Elle aimerait cependant pouvoir cultiver davantage son esprit de compétition et y voit un axe de développement. « J’ai conscience que la structure est très jeune, et l’aspect performance est peut-être quelque chose qui manque. Les choses vont se mettre en place petit à petit », pense-t-elle.
Quant aux parents, ils sont aussi séduits. Aurélie Templier explique « avoir été agréablement surprise par le dynamisme de l’équipe, la diversité des lieux proposés et les actions mises en places, comme les rencontres, les goûters et les excursions. »
Elle explique que ses enfants sont « habitués à passer du temps dehors en famille, alors ça leur correspondait. Ils sont aujourd’hui très heureux de faire une activité en pleine nature avec leurs copains ».
Des propos qui touchent le fondateur Guilhem Prax. L’École de trail prouve que le sport peut se pratiquer partout, à tous les âges et par tout le monde, croit-il, du moment qu’il y a des sentiers et de la nature.
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