Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.
C’est au tour de Sylvaine Cussot, de l’équipe Asics, de nous raconter son confinement.
L’athlète, qui vient de fêter son 38e anniversaire, a participé à 80 courses depuis 2011. Elle a terminé 73 fois dans le top 10, dont 46 fois sur le podium, et elle compte 14 victoires à son actif, notamment au Festival des Templiers (Intégrale des Causses) et à l’ÉcoTrail de Paris, sa course fétiche, qu’elle a remportée à deux reprises. Elle a également rayonné de son grand sourire sur les sentiers — et les routes — de la classique de fin de saison en France, la SaintéLyon, où elle a terminé deux fois deuxième et deux fois troisième.
« Sissi » Cussot est par ailleurs à la barre de l’émission « E-motion Trail », diffusée sur le web.
Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?
Sylvaine Cussot : Honnêtement, je vis très bien ce confinement et j’arrive à trouver des façons de positiver. C’est toujours pareil, il suffit de voir tout ce que cela apporte, plutôt que tout ce dont cela nous prive.
Au niveau professionnel, je suis déjà habituée à cette façon de travailler et à cette sensation, pas toujours agréable, d’isolement, puisque je suis en télétravail depuis plus de sept ans. Mais j’ai appris à m’en accommoder, à m’organiser et à en tirer plus d’avantages que d’inconvénients.
J’ai la chance d’être confinée dans une maison avec un jardin, je vis dans le sud de la France donc il fait souvent beau, et on sait tous qu’une journée ensoleillée passe toujours mieux qu’une journée dans la grisaille. Les moyens de communication modernes nous permettent de rester facilement en contact avec l’extérieur, ça aide aussi à se sentir moins seul.
Et puis c’est l’occasion de s’essayer à de nouvelles activités. Chez nous, c’est la cuisine. D’habitude, quand on en a marre de manger toujours les mêmes choses, on sort au restaurant. Avec le confinement, on essaye de faire le restaurant à la maison, c’est bien aussi.
Au niveau sportif, c’est certain qu’il faut se replacer dans le contexte et simplement réaliser que nous ne sommes plus en phase de « préparation physique », mais plutôt dans un entretien général de la forme. Il n’y a, de toute façon, plus de compétitions, donc il faut relativiser et se dire que c’est déjà bien d’avoir encore le droit de sortir de temps en temps pour s’aérer et continuer de se défouler un peu. Le home-trainer n’a jamais autant servi que ces dernières semaines, ça muscle les fesses (rires).
Parle-nous de l’impact que cela a eu sur ta motivation.
J’ai toujours eu une approche de ma pratique sportive orientée vers le plaisir, plus que vers la performance, donc l’annulation des courses ne m’a pas perturbé plus que ça, d’autant que la situation est grave et qu’il était nécessaire de réagir.
Comprendre les choses, ça aide à les accepter. Et je crois qu’il suffit de rester au contact des chaînes d’informations pour se rendre compte que le monde va mal et qu’il est important de passer par là. Les courses, les dossards, c’est secondaire.
Et pour revenir à la question initiale, quand tu sais que c’est une transition, une période, et qu’il faut juste patienter un peu, il n’y a aucune raison de perdre la motivation! Ça décale juste les projets dans le temps, et dans le meilleur des cas ça peut même donner l’idée de nouveaux défis, donc au final c’est que du positif. Un peu comme une blessure, on sait qu’on en sortira plus fort.
As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?
Je devais être au départ du 80 km de l’ÉcoTrail de Paris cette année encore. Tant pis, ce n’est pas comme si je n’avais jamais couru cette course (NDLR : Sylvaine y a participé sept fois). Ensuite, j’étais très excitée à l’idée de courir le mythique Marathon de Boston. Il a été reporté à septembre. À suivre.
Les championnats de France de trail en mai, le Trail Napoléon en Corse, le Marathon Var-Provence ou encore le Swiss Canyon Trail faisaient partie des courses qui me tenaient à cœur, mais on les découvrira plus tard. Il reste la CCC, sur laquelle je suis engagée, mais j’ai du mal à imaginer que l’UTMB puisse avoir lieu cette année.
Et puis la Diagonale des fous faisait partie des gros défis de cette saison. Mais si je n’ai pas les moyens de me préparer correctement, je préfère ne pas prendre le départ. Je n’ai pas envie d’y aller qu’à moitié préparée et subir toute la course et sans prendre de plaisir. C’est une épreuve tellement dure qu’il faut mieux être en pleine possession de ses moyens.
Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?
Dans ces moments-là, on prend vraiment conscience de l’importance de penser « collectif » avant de penser « individuel ». Si chacun y met du sien, on sortira plus vite de cette crise. Si les gens sont trop nombreux à être indisciplinés, ça sera plus long.
Et puis aussi, l’importance de la solidarité. Êtres soudés, compréhensifs, compatissants, respectueux, bienveillants les uns envers les autres, c’est primordial pour ne pas sombrer dans des dérives négatives. J’ai vu beaucoup de jugements, de réactions assez violentes verbalement sur les réseaux sociaux, c’est dommage d’en arriver là je trouve.
J’espère que tout cela amènera plus globalement à des remises en question pour l’environnement, mais avant tout je pense qu’on doit tous garder en tête que vivre simplement, ce n’est pas vivre tristement. Le bonheur est simple et, bien souvent, on se complique un peu trop la vie avec beaucoup de choses matérielles inutiles.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
Avant tout, restez actifs en essayant de maintenir un maximum d’activités diverses à la maison : home-trainer, fitness, renforcement dans les escaliers, abdos, gainage, etc. Et quand le moral flanche, mettez la musique, chantez et dansez, ça fonctionne bien en général. Ou passez un coup de fil à un ami, c’est une bonne option, mais tournez-vous vers une personne positive, qui vous tirera vers le haut et vous fera rire.
À lire aussi :
- Audrey Tanguy : « À vos fourneaux, à vos abdos et au dodo! »
- Nicolas Martin : c’est une « chance de pouvoir courir, rouler et vivre en totale liberté et en pleine santé »
- La championne du monde de trail Blandine L’Hirondel réquisitionnée à La Réunion pour participer à « l’effort de guerre »