Amoureux fou des impressionnants sommets pyrénéens, Nahuel Passerat, grand spécialiste des sentiers montagnards extrêmement techniques, s’élance, ce vendredi 10 juillet, d’Auzat en Ariège, pour une « boucherie » de 160 km qu’il a lui-même imaginée. L’ultra-traileur, qui a déjà tracé la monumentale PicaPica, a détaillé son projet colossal à Distances+, quelques jours avant le grand départ.
À défaut de pouvoir accrocher un dossard cet été, le vainqueur entre autres de l’Euforia et de la Ronda Del Cims, a voulu rendre hommage aux courses de l’Andorra Ultra Trail et du Challenge du Montcalm, annulés comme tant d’autres événements. L’Andorra Trail a d’ailleurs disparu dans la foulée. Il a créé un itinéraire de 158 km et 15 307 m de dénivelé positif, soit un ratio de quasiment 100 m de D+ par kilomètre.
Du football au trail
Au cours des dernières années, Nahuel Passerat est devenu une référence dans le monde de l’ultra-trail, même s’il ne sera sans doute jamais au départ de l’UTMB par exemple, car n’y a pas assez de cailloux et de passages en altitude à son goût sur ces chemins-là. Lui, ce qu’il aime, ce sont les gros dénivelés, les pentes raides et les traces improbables.
Sa condition physique et son goût de l’effort et du dépassement de soi, il les doit à ses six années de football, comme gardien de but, aux centres de formation de Châteauroux et d’Istres. Puis, il a découvert l’Ariège en intégrant le club de foot de la ville de Pamiers. À la fin de sa carrière, c’est son goût pour l’entraînement quotidien et son appétence pour la course à pied qui l’ont amené sur les sentiers. Il s’est rendu compte que le trail était fait pour lui, tout particulièrement en montagne, à laquelle son père l’avait initiée.
Très rapidement, ce n’est pas la vitesse, mais les longues distances, les discussions en chemin et l’aventure qui l’attirent. Il rêve devant les vidéos et les photos prises durant les ultras. L’expression des visages marqués par l’effort ne le laissent pas indifférent. « On voit qu’il se passe quelque chose de particulier chez ces coureurs, c’est ça que je veux vivre », résume-t-il. Et il s’y emploie depuis ses débuts en ultra-trail en 2014 (Euskal Trail, Mític, Diagonale des fous).
Coureur et organisateur d’ultra-trails extrêmes
Nahuel est aujourd’hui un ultra-traileur de haut niveau et possède un palmarès qui s’étoffe au fil des saisons dans les Pyrénées. Il a notamment remporté la Ronda del Cims (170 km, 13 500 m D+) en 2016, l’Euforia (233 km, 20 000 m D+) en 2017 et 2018 et l’ultra de l’Euskal Trail (133 km, 7500 m D+) en 2015, 2017 et 2019. Il a aussi terminé des monuments comme la Bob Graham Round, l’ELS 2900 et le Tor des Géants.
Il est également devenu organisateur en rejoignant en 2017 l’équipe du Challenge du Montcalm, en Ariège, pour imaginer un ultra devenu mythique et craint : la PicaPica, une course de 110 km et 11 500 m D+, quasiment sans bitume ni de parties plates. Le parcours culte de la Pica s’étire de l’Ariège jusqu’en Andorre, en passant par les plus hauts cols et sommets de la région. C’est un défi pour les coureurs avertis.
Nahuel Passerat est désormais un visage et un acteur connu des courses pyrénéennes. Il est organisateur et coordinateur du Challenge du Montcalm, mais était aussi un bénévole et ambassadeur de l’Andorra Ultra Trail. Alors, quand il a appris l’annulation de ces deux événements, fondateurs pour lui en terme sportif et professionnel, ça l’a peiné et il a voulu faire quelque chose, symboliquement.
Une trace ultime à cheval entre la PicaPica et les trails d’Andorre
Comme Nahuel aime le terrain rugueux, c’est sur le terrain qu’il a décidé de rendre hommage à ses courses de cœur. Il a développé son idée en une nuit : « tracer l’ultra de mes rêves qui mêlera les parcours de la PicaPica et de l’Andorra Ultra Trail, plus un passage en Espagne, car c’est superbe et que cette fois je n’ai pas besoin des autorisations administratives pour y aller (NDLR : le projet initial de la PicaPica était de créer un parcours sur les trois pays, mais les lourdeurs administratives ont eu raison de ce projet). »
Dans sa tête et sur ses cartes, c’est très simple : ce sera un 100 miles avec un maximum de dénivelé, en passant par les plus hauts sommets de l’Ariège, de l’Andorre et de la Catalogne.
Il estime qu’il lui faudra 57 heures pour faire cette petite trotte, sans notion de record ou de temps à battre, juste pour le plaisir, et l’effort partagé. Mais ce chemin de montagne est un sacré défi!
Le projet n’est pas soumis à ce qu’il appelle les lourdeurs administratives liées à une « vraie » course, mais niveau organisationnel, rien n’est laissé à l’improvisation.
Le départ est fixé à 7 h du matin à l’endroit où aurait dû être installée la ligne de départ des courses du Challenge du Montcalm et de la PicaPica.
Pour des raisons de sécurité, ils ne seront que cinq traileurs à s’élancer d’Auzat sur l’intégralité de cette folle boucle. Mais amis, proches, coureurs, randonneurs sont invités à venir partager un tronçon de l’aventure ici ou là et se relaieront pour accompagner l’équipée.
Pour les ravitaillements et les courtes périodes de repos, les refuges de montagne seront une bonne base. À Ordino, lieu de départ cette fois des courses de l’Andorra Ultra Trail, les bénévoles andorrans présents sur les deux courses en temps normal, accueilleront la petite troupe. Et les familles des coureurs seront présentes aux points stratégiques accessibles en voiture pour les soutenir.
Nahuel et ses amis seront équipés de balises GPS. Ils ont opté pour un système satellitaire de pointe qui assurera leur suivi et qui leur permettra d’envoyer des messages sur les réseaux sociaux pour faire vivre leur expédition en temps réel.
Future course officielle?
« Tout est bien calé sur le papier, mais en montagne, rien n’est totalement prévisible », alors Nahuel et ses acolytes ne sont pas certains de réussir à rejoindre Auzat dimanche. Dans tous les cas, quelle que soit l’issue de ce défi un peu dingue, il a dans la tête cette possibilité d’ouvrir une porte pour l’avenir, en reliant trois pays (France, Espagne, Andorre), trois territoires de haute montagne exceptionnels.
D’autres ultras devenus légendaires sont nés ainsi, de rêves un peu fous, de la passion de quelques défricheurs et repousseurs de limites. Alors cette trace colossale donnera-t-elle naissance à un nouveau mythe dans les Pyrénées?
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