L’aventurier Mikaël Fanget a parcouru cet été sur son vélo de montagne 1646 km, pour 56 500 m de dénivelé positif en 23 jours, dont deux de repos, en autonomie. Il est parti de Ljubljana, en Slovénie, pour rejoindre Nice, en France, en traversant l’intégralité de l’arc alpin, empruntant des sentiers où il est plus fréquent de croiser des randonneurs et des traileurs.
S’il n’avait jamais couvert une telle distance, ce cycliste et sportif accompli de Mougins, dans les Alpes-Maritimes, n’en était pas à son coup d’essai. « En août 2018, je m’étais lancé à la découverte du GR5 en solitaire, se souvient-il. Un itinéraire parfait pour découvrir les chemins alpins et surtout pour tester le mental et le physique sur ce genre de périple. Cette aventure de huit jours m’avait donné encore plus envie de découvrir nos Alpes et surtout celles hors de France. »
Sportif accompli, Mikaël Fanget pratique de multiples disciplines, allant du vélo tout-terrain (VTT) au parapente, en passant par le ski de randonnée, la natation et le trail. Il a fait ses premières armes très tôt en cyclisme sur route. « Je pratique le vélo depuis l’âge de 6 ans, raconte-t-il. J’ai appris les rudiments de ce sport dans une école de cyclisme. J’y ai découvert le milieu de la compétition et de la performance. » Quelques années plus tard, il s’est tourné vers le triathlon. « Cette combinaison de trois sports était un vrai challenge que j’ai adoré relever », dit-il, en soulignant toutefois qu’il a rapidement ressenti l’appel de la nature.
Devenu de plus en plus fort, cet appel a fini par prendre le dessus. « Ça m’a fait revoir ma pratique sportive et surtout m’orienter vers une activité en totale adéquation avec la nature », explique-t-il à Distances+.
Une préparation méticuleuse
Mikaël, qui est technicien cycle dans la vie de tous les jours, se dit passionné par la préparation de ses aventures. Il calcule beaucoup, et part ainsi très sereinement grâce au GPS, aux cartes et aux guides topographiques qu’il a méticuleusement épluchés avant de partir.
Pour son expédition alpine, il s’est inspiré du livre de Pascal Gaudin, « Intégralpes » (éditions Vtopo). L’auteur a parcouru lui aussi l’arc alpin en vélo avec ses comparses Xavier Chaux et Xavier Contucci. Il s’est également aidé du réseau de randonnées pédestres alpin qui relie Trieste à Monaco, la Via Alpina. Il a ensuite dessiné sa propre trace, « un parcours adapté à mon niveau à la fois physique et technique, mais aussi au temps que j’avais devant moi, à savoir quatre semaines maximum », précise-t-il.
Il a eu le temps de peaufiner son cheminement durant le confinement, à l’aide d’applications qui lui ont permis de tracer précisément ses 1646 km de chemins de montagne.
Via Ferrata un vélo dans le dos
Malgré tout ce travail préliminaire, il peut lui arriver, une fois sur le terrain, de prendre de mauvaises décisions et de se faire quelques frayeurs. Lors de l’une de ces étapes, il a dû descendre une partie directement sur une paroi rocheuse, en via ferrata le vélo accroché à son sac à dos.
Généralement, les mauvaises conditions météorologiques sont les principales difficultés qu’il rencontre lors de ses périples. Vivre de violents orages en pleine montagne l’a aidé à repousser sa peur.
Être seul, loin de toute civilisation, le pousse à se concentrer sur ce qui l’entoure, confie Mikaël. « Je suis en admiration devant les paysages traversés, souvent émerveillé. Je fais en sorte de pouvoir me rappeler à jamais tous ces souvenirs ». Ce qui l’incite à l’introspection. « Je pense à l’idée que je me faisais de l’endroit au cours de la préparation, j’aime visualiser ce qui est fait, me souvenir de la veille tout en pensant aussi à ce qui me reste à parcourir… »
7 à 10 heures de vélo par jour
Pour sécuriser sa progression dans des secteurs très engagés en descente, un certain pragmatisme reste néanmoins de rigueur. « L’effort physique étant assez important, avec des journées de 7 à 10 heures de vélo, mon esprit est souvent porté sur les trajectoires à prendre, et dans la gestion de mon corps et de l’effort en montées. »
Si les membres de son entourage n’ont pas toujours compris pourquoi il se lançait seul dans ce type d’explorations, depuis son retour de la traversée des Alpes leur vision a évolué après qu’il leur ait raconté son aventure et ce qu’il en a tiré.
Plus que ça, les anecdotes qu’il leur a contées les ont inspirés. « Ma maman, qui était au départ la personne la plus réticente à l’idée de me voir partir seul, vient de se lancer dans le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, seule, s’enthousiasme Mikaël. C’est incroyable et surtout inimaginable quelques mois auparavant. »
Et elle n’est pas la seule, puisque la compagne de Mikaël Fanget « vient de planifier une traversée du Mercantour en solitaire à pied. »
Émerveillement
Deux nouveaux projets germent déjà dans un coin de la tête de Mikaël, a-t-il confié à Distances+. « Durant le confinement, j’ai pu préparer mes deux prochaines aventures à vélo, l’une à l’autre bout du monde et l’autre en France, une traversée des Pyrénées de l’océan Atlantique à la mer Méditerranée. »
Pour Mikaël Fanget, l’aventure en solitaire permet, exprime-t-il, « de renouer avec son être profond et la nature, sans jugement et dans un calme solitaire qui pousse à la lenteur et à l’émerveillement. Je me sens d’ailleurs régulièrement étourdi, rêveur des moments uniques passés seul avec mon vélo. Ce sont des instants qui m’ont souvent permis d’éprouver la sensation d’exister et de faire partie de cette nature et de ces montagnes. »
La traversée de l’arc alpin en chiffres :
1646 km / 56 500 m D+
179 heures
9,2 km/h de moyenne
21 étapes
42 cols au-dessus de 2000 m
2 journées de repos
2 paires de plaquettes de frein
2 jours 1/2 de mauvais temps (neige comprise)
0 crevaison
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