La pandémie a chamboulé nos vies. Les athlètes ont dû s’adapter à l’annulation ou au report de la plupart des compétitions de trail dans le monde. Ils ont dû réviser leurs objectifs et adapter leur entraînement. En ce début d’année 2021, Distances+ a demandé à plusieurs coureurs inspirants de raconter comment ils vivent cette période inédite.
Athlète polyvalent accompli et ardent militant des saines habitudes de vie, Simon Benoit partage son temps entre le service d’urgence de l’hôpital de Verdun, et la Clinique médicale du Sud-Ouest à Montréal où il est médecin-chef. Depuis un an, le chroniqueur santé depuis les premières heures du magazine Distances+ est mobilisé comme tous les soignants dans la lutte contre la Covid-19, mais il s’évertue à sortir jouer dehors à chaque fois qu’il en a l’occasion pour décompresser.
En entrevue, on lit sa fatigue et son ras-le-bol, mais aussi son positivisme chevillé au corps et son espoir de voir, bientôt, le bout de cet interminable tunnel sanitaire.
Distances+ : Avec du recul, comment as-tu vécu ton année 2020?
Simon Benoit : Certains citoyens sont des êtres sociaux plus que d’autres. Moi j’aime toucher les gens, j’aime faire la bise, j’aime les accolades bien senties. Les rassemblements me font vibrer, je suis un « loup ». Alors, nul besoin de faire un dessin pour convaincre que m’enlever mon Club de trail de Montréal, ma communauté de trail, le basket de mon fils, l’impro de ma fille, mes conférences, mes amis et ma famille, ça donne un choc.
Je suis habitué de côtoyer la souffrance humaine. Ça fait partie de mon quotidien. La morosité omniprésente de 2020 fut profonde. Je vous épargne les détails sur l’ambiance de travail dans les cliniques et les hôpitaux. Devoir soigner, coordonner, gérer et motiver lorsqu’on n’est pas top top soi-même représente un bon défi. Comme médecin, on a le bête sentiment qu’on n’a pas vraiment le droit de fléchir et encore moins de manquer à l’appel.
Je répète sans cesse que dans la vie ça prend des stratégies de gestion de stress proportionnelles aux stresseurs qui nous sont imposés et que la gestion de stress c’est une affaire du quotidien. On n’efface pas un mois de pression professionnelle déraisonnable avec un week-end off de quatre jours écrasé sur un divan à binger une série Netflix. Ça prend des moments de plaisir et des échappatoires sains tous les jours. Il m’a donc vraiment fallu suivre mes sages paroles et me réinventer un quotidien équilibré. Je travaille encore là-dessus et il me reste du chemin à faire.
Quels enseignements as-tu tirés de cette période insolite?
En situation de danger et de privation, on observe du beau et du moins beau. On voit beaucoup d’entraide, de générosité, d’altruisme et de don de soi. On observe malheureusement également des comportements moins enviables qu’on pourrait qualifier de « bêtise humaine ». Je crois sincèrement qu’il y a nettement plus de « beau » que de « bête », mais évidemment la bêtise est toujours sous les projecteurs et sait attirer l’attention, surtout celle des médias. J’ai personnellement décidé de mettre l’emphase sur ce qui m’émeut, me touche et m’inspire.
L’être humain a une capacité d’adaptation surprenante. L’histoire nous l’a démontré à de nombreuses reprises.
Qu’est-ce que la pandémie et ses conséquences ont eu comme impact sur ta vie de coureur? Quelle est ta vision d’avenir à court ou long terme?
Je suis un coureur récréatif passionné, sans plus. J’ai toujours couru d’abord pour le plaisir. Je n’aime pas les plans d’entraînement rigides, je n’aime pas ressentir de la « pression » pour m’entraîner. Pour moi, courir est une stratégie de gestion de stress qui fait partie de mon quotidien. J’ai toujours voulu éviter de trop vouloir structurer mes entraînements et que la course devienne alors… un nouveau stresseur! Ceci étant dit, je mets beaucoup de temps, de rigueur et d’efforts dans mon entraînement et je suis toujours ambitieux lorsque je suis inscrit à un événement parce que rien n’égale le sentiment d’avoir donné le meilleur de soi et d’avoir offert sa meilleure performance.
En 2020 avec l’annulation de la plupart des courses, j’ai constaté que mon plaisir premier est vraiment de me sentir en forme et d’être actif au quotidien. Je m’ennuie beaucoup de l’ambiance des événements et de la satisfaction d’accomplissement d’une épreuve bien complétée, mais j’ai un peu remplacé ceci par le plaisir de diversifier davantage mes activités.
Cette année, j’ai découvert le vélo de montagne, j’ai fait beaucoup plus de vélo de route, j’ai appris à faire du kitesurf et du kitesnow et j’ai également fait beaucoup plus de splitboard (skis de rando en montée qui se transforme en planche à neige en descente, NDLR), de ski de fond et de raquettes qu’à la normale. Malgré le fait que j’ai toujours fait la promotion de l’entraînement croisé, je ne me serais probablement pas permis tout ceci au détriment de mon volume de course à pied si j’avais eu un événement de prévu au printemps.
Comment appréhendes-tu cette saison 2021? À quoi, au moment où l’on se parle, devrait-elle ressembler?
Je pense que je me suis bien gardé en forme en 2020 malgré une baisse significative de mon volume de course. J’ai bien l’intention de rester polyvalent et diversifié cette année encore.
J’ai confiance au printemps et à l’impact positif de la vaccination. Je suis aussi raisonnablement confiant que les événements vont pouvoir reprendre à l’été et l’automne 2021. Personnellement, il est clair que je serai de l’aventure un peu partout au Québec selon l’état de la situation. Je reste ouvert, motivé, créatif et curieux.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
Quand ça va mal et qu’on fait face à des enjeux complexes, on a tendance à croire qu’automatiquement la solution sera aussi complexe. Les solutions pour renouveler son bonheur en 2021 sont multiples. Mettez l’accent sur les gros morceaux payants et laissez faire les détails. Inspirez-vous du beau, soyez ouverts, créatifs et généreux.
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