Pendant près de deux mois, la France a été confinée afin de lutter contre le coronavirus. Les activités sportives ont été limitées à une heure par jour dans un rayon d’un kilomètre autour du domicile. Comment un athlète d’ultra endurance boulimique de kilomètres comme Luca Papi pouvait-il rester en forme dans ce contexte? Distances+ s’est entretenu avec ce coureur de la région parisienne bien connu dans le monde de l’ultra-trail.
Luca Papi, c’est un phénomène. Il est surtout réputé pour ses participations à des ultra-trails de format XL et XXL, et à sa manie d’enchaîner plusieurs courses durant un même événement. Il est le vainqueur en 2019 de l’énorme Tor des Glaciers (450 km, 32 000 m D+) et des deux dernières éditions de la Transgrancanaria 360 (260 km, 11 000 m D+). Il a participé à plus de 151 courses au cours des 10 dernières années, selon le recensement de l’ITRA.
Ses préparations sont atypiques. Tout lui paraît facile. « C’est assez simple, dit-il. L’entraînement, c’est d’aller travailler en courant, soit 25 km par jour. »
Quand le confinement a été décrété et qu’il a été forcé à l’arrêt du travail (il est opérateur chez Disneyland Paris), son besoin de courir l’a poussé naturellement à réagir dès le lendemain. « C’est ma façon de vivre. Ce n’est pas le confinement qui allait changer mon mode de vie », lance-t-il.
Ne pas s’arrêter
Luca est donc allé courir tous les jours dans son stationnement privé, seul ou avec son fils dans la poussette, et il a multiplié les montées d’escalier. Mais ça n’a pas suffit : il faut des défis à Luca Papi, et forcément des XXL.
Le projet de « l’Ultra-Trail de la Maison » lui est rapidement venu en tête. Il s’agissait de courir pendant 24 h dans sa maison, dans son stationnement, de faire du tapis roulant et de monter ses escaliers. Tout a été préparé comme une vraie compétition, avec des ravitaillements, un plan de course et un cadeau de finissant concocté par sa femme. Au total, du 31 mars au 1er avril, il a réussi à courir 110 km et fait 8291 m de D+ en respectant les règles de confinement.
« C’est un excellent entraînement mental. C’est même plus compliqué que de courir un ultra- trail quand on est mal, explique Luca. À la maison, il y a la tentation de s’arrêter quand on veut. Dans un ultra, au milieu de rien, on ne s’arrête pas ».
Comme tout est bon pour courir et s’amuser, Luca Papi ne pouvait passer à côté de son quarantième anniversaire pour réaliser un autre défi et nourrir son amour du dénivelé.
Étant très actif et proche de ses abonnés sur les réseaux sociaux, il les a impliqués en leur proposant de monter et descendre autant de fois son escalier (3,2 m D+) que sa publication recevrait de « j’aime », en proposant d’ajouter 400 m de dénivelé en guise de cadeau personnel. Comme 2410 personnes ont aimé cette publication (qu’il a arrondi à 2500), il a célébré son 40e anniversaire en grimpant 8400 m de dénivelé dans son escalier.
Pour la bonne cause
Luca a souhaité mettre à profit cette situation extraordinaire et ses capacités d’endurance pour des causes solidaires. Alors, quand il a vu fleurir de nombreuses courses « virtuelles » sur le web, il s’y est engagé.
« C’est marrant, ça permet d’avoir un dossard même si on n’est pas sur une course. Vu l’argent dépensé à droite et à gauche d’habitude, je peux me permettre de dépenser pour la bonne cause », dit-il. Cela résume bien la mentalité de Luca : courir en s’amusant et en faisant du bien.
Il s’est engagé quel que soit le format, aussi bien sur le marathon EDP Rock ‘n’ Roll de Madrid qu’il a couru sur son tapis de course, que sur le 3 km des « Coureurs ont du coeur » pour les hôpitaux, ou encore The Great Virtual Race Across Tennessee 1000 km de Lazarus Lake.
Cette dernière, qu’il apprécie particulièrement, propose de traverser virtuellement l’État du Tennessee en 123 jours tout en visualisant sa progression sur une carte avec des milliers d’autres participants. Il envisage de faire l’aller-retour.
Des projets XXL
Les mesures sanitaires ont évidemment bouleversé son calendrier de courses. D’ici sa prochaine compétition au Portugal, dans le respect des directives de déconfinement, il a prévu quelques projets en « off ». On peut citer le tour complet du sentier de grande randonnée 1 (GR1) autour de Paris avec pas moins de 540 km, ou une dizaine de tours du « circuit des 25 bosses » (16 km pour 830 m D+) dans la forêt de Fontainebleau, bien connu des traileurs de la région parisienne, qu’il a déjà bouclé en 25 h.
Un grand projet, envisagé avant la crise, est prévu fin novembre : la traversée complète des îles Canaries avec transition en bateau. « Je l’aurais fait à la nage si j’avais su nager », s’amuse-t-il.
Le Québec n’est pas exclu de ses envies de courses, bien au contraire. Il a déjà couru le 125 km de l’Ultra-Trail Harricana en 2016 et 2018.
« J’ai envie de revenir au Canada. C’est un endroit qui me plaît beaucoup. J’ai vraiment envie d’y courir, et j’y retournerai certainement c’est sûr, et pourquoi pas faire Harricana en septembre si le Tor des Glaciers est annulé », confie-t-il.
Dernièrement, il a été d’ailleurs nommé athlète ambassadeur pour la France par la société québécoise Naak, qui commercialise des produits énergétiques à base de farine de grillon. Cela correspond avec son intérêt pour le Québec et pour la nutrition sportive saine. Comme quoi les liens entre les deux continents se solidifient par le trail.
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