Le traileur et cador du ski alpinisme Gédéon Pochat espérait battre quatre records de vitesse en montagne cet automne, chez lui, au pays du reblochon, en Haute-Savoie, mais il a été coupé dans son élan au pied de la dernière étape par les mauvaises conditions météo et le deuxième confinement.
Dans le cadre de ce qu’il a appelé sa « Tournée de la Rablache », le jeune athlète de 25 ans voulait enchaîner les ascensions (en fait deux ascensions et deux « montée-descente ») du Trou de la Mouche (2453 m d’altitude), de la Pointe Percée (2 752 m), du Mont-Lachat (2019 m) et de la Tournette (2350 m), les sommets emblématiques du massif des Aravis, une barrière rocheuse se dressant face au massif du Mont-Blanc. Il devra attendre la fin de l’hiver pour boucler la boucle.
Un peu moins sous les projecteurs que d’autres coureurs de l’équipe Salomon, Gédéon enchaîne les performances depuis plusieurs années. Sa soif de compétitions et de découvertes fait aujourd’hui de lui un montagnard aguerri qu’il faudra assurément garder à l’œil.
Fils d’affineur, devenu coureur
Gédéon Pochat fait partie de la jeune génération du trail et du ski alpinisme français. Spécialiste des kilomètres verticaux, il performe aussi sur trails courts et sur les distances marathon l’été, et il passe beaucoup de temps sur les skis, notamment avec l’équipe de France, l’hiver.
Ce montagnard natif des Aravis, fils d’affineur de reblochon, a déjà engrangé une grande expérience.
Son histoire d’amour avec le sport aurait pourtant pu s’achever prématurément à la suite d’une vilaine blessure. En 2015, il a expérimenté sa « pire galère » en s’arrachant les ligaments de la cheville à l’échauffement du kilomètre vertical de La Fouly, en Suisse.
Le retour et la rééducation ont a été durs. Il dû souffler ses 20 bougies handicapé. Mais il a su relativiser et tirer profit de cette expérience. « J’ai vu des personnes qui avaient eu de gros accidents, des trucs graves. Des gens qui ne pourraient pas remarcher par exemple. Ça remet les pieds sur terre », assure-t-il.
Une fois remis sur pied, l’envie de revenir plus fort l’a poussé à participer à l’ancien challenge « Over the Mountain », qui lui a ouvert les portes de l’équipe Salomon dont il porte les couleurs depuis. Cette blessure aura finalement été « un mal pour un bien », estime-t-il aujourd’hui.
Les bons résultats se sont enchaînés. Gédéon a par exemple souvent brillé à la Maxi-Race d’Annecy. En 2015, il a terminé 2e de l’épreuve de 14 km (1000 m D+) qu’il a remportée en 2016 et a fini 4e de la Marathon-Race en 2017 et 2018. Il s’est classé 15e du Marathon du Mont-Blanc 2018 ou encore 3e du Trail du Petit Saint-Bernard (40 km) en 2019. Il compte aussi une belle victoire sur le Trail Le Malpassant (27 km, 1300 m D+) au Trail du Nivolet-Revard en 2018. Il a également remporté plusieurs kilomètres verticaux comme celui du Manigod, dont il détient le record.
Le 18 octobre dernier, il s’est à nouveau illustré sur la Skyrace des Matheysins (25,5 km 1980 m D+), un rendez-vous de dernière minute pour beaucoup de coureurs à la recherche d’événements maintenus malgré la crise sanitaire.
« La course s’est plutôt bien passée. J’étais vraiment en forme à la montée », commente-t-il. Il a terminé 6e sur un plateau de course relevé avec en tête le champion de course d’orientation Frédéric Tranchand qui a signé une belle performance, quelques semaines après son exploit à Sierra-Zinal (2e au classement général virtuel, 30 secondes seulement derrière Kilian Jornet).
L’hiver, Gédéon court sous les couleurs de l’équipe de France de ski alpinisme. 10e de la Pierra Menta 2019, 8e de la Coupe du Monde Vertical Race 2020, l’athlète thônais a signé de bonnes performances les deux hivers précédents et ambitionnait de confirmer son statut sur les championnats de France et la Coupe du Monde de ski alpinisme dès décembre, mais ils ont été annulés. Ce n’est que partie remise.
Sa vision du sport : un équilibre entre trail et ski
Comme beaucoup de sportifs montagnards, Gédéon Pochat a deux saisons. L’une en baskets et l’autre à skis. Il est suivi à l’année par Léo Viret, lui-même coureur et ancien membre de l’équipe de France de ski alpinisme, dont il entraîne actuellement la section jeune.
Gédéon affectionne tout autant les deux disciplines qu’il sait complémentaires et qui lui permettent de passer « un maximum de temps en montagne », ce qu’il recherche avant tout.
« Ça me permet de garder une certaine fraîcheur. Je vois des types qui courent toute la saison, car ils le peuvent, mais ils risquent des fractures de fatigue au final. Avec le ski tu peux bouffer des heures et peux enchaîner. Et puis aller courir dans la neige, ça ne m’intéresse pas », a-t-il dit à Distances+.
Son commanditaire et le ski alpinisme l’ont amené à croiser le chemin de François D’Haene, avec qui il prévoyait de participer à la Pierra Menta 2020 (annulée). En 2019, il a eu l’occasion d’accompagner une nuit durant l’ultra-traileur dans sa traversée de la haute route du Tyrol en Autriche, (96 km et 9200 m D+) réalisée avec le photographe Philipp Reiter en moins de 30 heures. Il en garde un souvenir mémorable.
« En une nuit de partage avec lui, j’ai plus appris sur mon corps et l’ultra que si j’avais mis 15 dossards pour aller sur des courses pour au final les planter, s’enthousiasme Gédéon. C’était très riche. En terminant par ce plus haut sommet, je me suis vraiment dit que j’avais fait quelque chose. C’était dément! »
Pour autant, Gédéon Pochat ne prévoit pas suivre les traces de François D’Haene. « Tant que je continue le ski, je ne ferai pas d’ultra », confie-t-il.
La Tournée de la Rablache : un retour aux sources et à la course
Pensée pendant le premier confinement, la Tournée de la Rablache, un hommage sportif au fromage de son coeur, a été pour lui un « tremplin pour reprendre la compétition » après une opération du genou en mai 2020. L’occasion aussi de mettre en valeur son fief, Thônes, et le massif des Aravis qu’il arpente sans cesse. Gédéon, un blagueur dans l’âme, fait d’ailleurs partie de la Rebloch’Team, un groupe d’une vingtaine de passionnés de sports plein air locaux monté par une boutique spécialisée en ligne qui a fait du reblochon son emblème.
« Ce projet est fait par rapport aux montagnes emblématiques autour de la maison. Il y avait quatre records qui se voyaient et je les ai classés de manière progressive pour reprendre la course par rapport à mon genou. »
C’est pour cette raison que les deux premières tentatives vers le Trou de la Mouche (4,1 km 1040 m D+) et la Pointe Percée (13 km 1800 m D+), courant septembre, étaient des ascensions uniques. Le Mont Lachat (15 km 1400 m D+) et la Tournette (24 km 1770D+) se faisant par la suite en aller-retour.
Ces quatre parcours sont un condensé de ce qu’aime Gédéon dans le trail. De la pente raide, de l’altitude, une bonne dose de dénivelé et des sentiers techniques. Il estime d’ailleurs, en dépit de ses nombreuses performances, ne pas être un très bon coureur.
« Je n’ai pas vraiment de facultés pour courir. Quand il faut grimper et que c’est technique, monter ou descendre, ça me plaît, explique-t-il. Mais quand il faut allonger à plat, il n’y a plus personne, je suis vite dans les rétros. »
Départ des églises de rigueur, Gédéon a réussi son coup au Trou de la Mouche en faisant l’ascension en 39 min 03 s puis à la Pointe Percée en 1 h 37 min 46 s, soit 23 minutes de moins que le record précédent.
Il a confirmé sa bonne forme quelques jours plus tard, le 9 octobre, sur le parcours le plus technique du projet : l’aller-retour Thones-Mont Lachat qu’il a bouclé en 1 h 42 min 58 s.
La dernière tentative à La Tournette, initialement prévue le 23 octobre, n’a pas pu se faire en raison de mauvaises conditions météo. Reportée début novembre, le confinement a mis à l’arrêt ce projet qu’il achèvera probablement en 2021.
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