À 45 ans, Cédric Chavet, vainqueur cet été de l’impitoyable Échappée Belle dans le massif de Belledonne, a l’impression « qu’on ne [le] découvre que maintenant ». C’est ce que déplore d’ailleurs son ami Antoine Guillon, qui ne tarit pas d’éloges sur l’un de ses compagnons de sentiers, spécialiste des courses engagées, « en progression constante » au point de faire de 2020 sa grande cuvée en carrière. Portrait.
Quelques semaines après L’Échappée Belle, Cédric Chavet a terminé à la deuxième place des 100 miles Sud de France main dans la main avec Renaud Rouanet, un autre infatigable ultra-traileur, derrière Benoit Girondel et Antoine Guillon, qui ont eux aussi terminé ensemble. Et en début de saison, avant la longue trêve sanitaire, il avait remporté le Ceven’trail (100 km, 4100 m D+) à l’Ultra du bout du cirque et terminé deuxième de l’épreuve Le dernier homme debout Morvan (99 km, 3350 m D+), tout près de chez lui. Il avait rembrayé dès la sortie du confinement sur une 4e place ex æquo avec le jeune Suisse Mathieu Clément au Montreux Trail Festival (112 km, 8460 m D+).
Loin d’être un inconnu dans le milieu de l’ultra, il a remporté le 126 km de l’Ultra du Pas du Diable (6270 m D+) en 2019 et le 120 km du Grand Raid 6666 (6670 m D+). Il a également remporté la Transmartinique 2012 (133 km, 5250 m D+) main dans la main avec Antoine Guillon et Patrick Bohard et décroché une deuxième place l’année suivante sur le Volcano Trail 2013 (53 km, 4120 m D+) en Guadeloupe.
La course à pied pour se déplacer
Courir s’est rapidement avéré une nécessité pour Cédric Chavet. À 8 ans, ses parents se séparent et sa mère se retrouve seule pour élever trois garçons avec de maigres revenus. « J’ai trouvé une échappatoire dans la course, mais c’était surtout un moyen de locomotion à l’époque », confie-t-il à Distances+. Il se rend ainsi à ses différentes activités extrascolaires en courant.
À 18 ans, la course à pied s’intègre encore un peu plus à son quotidien. « Je suis parti à l’armée, chez les parachutistes, poursuit-il. On pratiquait la course à pied tous les jours. » De son passage dans l’armée, durant 23 ans, il a tiré des valeurs qu’il cultive encore aujourd’hui à travers l’ultra-trail : la cohésion, l’humilité et le dépassement de soi.
Et il n’a cessé d’inculquer ses principes à ses élèves lorsqu’il est devenu en 2008 chef de section au lycée militaire d’Autun, dans le parc naturel régional du Morvan, ou lorsqu’il a été affecté au régiment du service militaire en Guadeloupe en 2012.
Après être intervenu sur des territoires en guerre, au Kosovo et au Tchad entre autres, Cédric Chavet était déjà conditionné pour l’ultra. « Je n’ai jamais eu besoin de faire de préparation mentale. Ma prépa mentale, ça a été mon conditionnement durant les 23 années que j’ai passées dans les parachutistes. J’ai toujours trempé dans ce milieu de la rusticité et du dépassement de soi, je n’ai pas découvert ça en faisant de la course à pied », raconte-t-il
Le vétéran en a aussi gardé des blessures. « À 18 ou 19 ans, j’ai fait une mauvaise chute sur un obstacle et je me suis fracturé trois lombaires. Avec l’activité physique que l’on faisait à l’armée, je cherchais une thérapie pour me soulager parce que j’étais toujours embêté par cette douleur », se souvient Cédric Chavet. La gêne était telle qu’elle l’a obligé, en raison d’une crise de hernie discale, à renoncer à la Transmartinique en 2013, alors qu’il venait défendre son titre dans sa catégorie.
La découverte de la cryothérapie
Pour traiter cette douleur, il finit par se tourner vers la cryothérapie, un traitement par le froid, une révélation pour lui. « Je me suis aperçu qu’il y avait vraiment des effets très intéressants, à tel point qu’ensuite je l’ai complètement intégré à ma préparation de course », précise-t-il.
Étant alors dans une démarche de reconversion professionnelle, Cédric Chavet décide de monter un centre de cryothérapie à Chatenoy-en-Bresse, en Bourgogne, Cryo2S. Il reçoit des sportifs qui viennent soigner une blessure ou récupérer d’une course, mais aussi des personnes qui souffrent de diverses pathologies. « La cryothérapie permet de soigner beaucoup de choses, assure-t-il. On peut soigner tout ce qui est inflammatoire. On peut soulager des scléroses en plaques, des pubalgies, etc. »
Il regrette d’ailleurs que « les sportifs n’aient pas encore compris que c’était intéressant de l’intégrer à leur préparation et de l’utiliser en préventif. »
Le rêve de la Diagonale des fous
De saison en saison, Cédric Chavet gagne de plus en plus de courses. « Je pense qu’on ne peut pas être bon dès sa première saison, dit-il. On se bonifie d’année en année et l’expérience est primordiale. J’ai beaucoup appris auprès de gars que j’idolâtrais au début comme Antoine Guillon, Patrick Bohard et d’autres qui sont des figures de l’ultra, et qui sont devenus des super copains. Je m’aperçois qu’ils arrivent à avoir cette longévité parce qu’ils sont à l’écoute de leur corps et qu’ils sont patients. »
Cédric rêve d’ailleurs d’imiter Antoine Guillon en remportant la Diagonale des fous. Il s’accroche aussi à l’UTMB. « J’aimerais bien quand même essayer de faire l’UTMB en étant bien au départ », lâche-t-il en plaisantant. Sur ses trois participations, il a dû abandonner deux fois. « La première fois, j’ai fait une hypothermie et la deuxième je n’aurais même pas dû prendre le départ tellement j’étais anémié et que mon taux d’hémoglobine était au ras des pâquerettes », se souvient le champion qui regrette un peu que, pour un ultra-traileur, « tant qu’on n’a pas eu de résultats sur une course de l’UTMB, on n’est pas vraiment reconnu ». Il prend également pour exemple « des gars, comme Renaud Rouanet, qui performe depuis 15 ou 20 ans, mais qui sont à moitié anonymes » parce qu’ils n’ont jamais brillé à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc.
Cédric estime pour sa part « qu’il y a des courses aussi belles que l’UTMB qui méritent tout autant de reconnaissance ». Sa victoire à L’Échappée Belle, et l’étonnement qui en a suivi chez certains, à commencer par le présentateur du direct vidéo de la compétition qui semblait découvrir le champion 2020 malgré son palmarès, lui donne probablement raison.
Une transition vers la longue distance
Depuis deux saisons, il a entamé une transition vers des courses de plus en plus longues, dépassant parfois les 100 miles (160 km). « C’est vraiment là-dessus que j’ai l’impression de “prendre mon pied”, dit-il. J’aime vraiment les courses qui sont dures par le parcours et qui m’obligent à avoir une confrontation avec moi-même, ce que je préfère par rapport à une confrontation avec les autres. »
C’est aussi comme ça qu’il envisage son entraînement. « J’ai eu une approche, par le passé, vraiment axée préparation physique, renforcement musculaire, avec des plans d’entraînement, avec de la VMA, du seuil, etc. Maintenant, je suis plus à l’écoute de mon corps, dans une recherche de sensations et puis au fur et à mesure des saisons j’ai appris à savoir ce qui me convenait », observe Cédric, qui avoue désormais « privilégier la quantité à la qualité ».
Parrain de l’association « Le combat de Gabriel »
Cédric Chavet aussi un homme bienveillant. Il y a quelques années, il est devenu le parrain de l’association « Le combat de Gabriel » afin de soutenir un petit garçon atteint d’une leucémie et qui a subi quatre greffes de moelle osseuse. Lors de l’une de ses participations à l’UTMB, il avait fait signer un maillot à l’ensemble du plateau élite présent, dont Xavier Thévenard, Jim Walmsley et François D’Haene. Il l’avait ensuite donné au service de pédiatrie de l’hôpital Léon Bérard à Lyon. Aujourd’hui, Gabriel est en rémission.
« Ça a été une super aventure pendant quatre années », confie Cédric Chavet, qui s’appuie sur sa femme Cathy, présente à ses côtés lors de la conversation, pour réfléchir. L’entrevue s’est en effet déroulé 48 h seulement après sa participation aux 100 miles Sud de France, alors qu’il subissait à ce moment-là le contrecoup de la course.
Duo avec Antoine Guillon
Cédric Chavet a plein de projets en tête.
En 2021, il se lancera comme défi de boucler le WAA 360 de la Transgrancanaria (261 km, 10 980 m D+) en duo avec Antoine Guillon.
Mais son principal objectif sera de retourner à La Réunion pour tenter enfin de remporter sa course favorite, la Diagonale des fous, et « prendre [sa] revanche sur le problème de balisage de l’année dernière » qui avait entraîné la tête de course, dont il faisait parti, dans une mauvaise direction.
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