Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.
C’est au tour de la championne du monde de trail, Blandine L’Hirondel, de nous raconter son confinement. Elle qui, en tant qu’interne en médecine, a été réquisitionnée sur l’île de La Réunion.
La jeune femme a remporté le Trail des Anglais en tout début de saison (28 km, 1260 m D+).
L’an dernier, outre ses victoires au championnat du monde de trail au Portugal, en individuel et avec l’équipe de France féminine, Blandine a signé une impressionnante victoire au classement général au Grand Raid des Pyrénées, sur le Tour de la Géla (41 km, 3300 m D+).
Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?
Blandine L’Hirondel : Je la vis très bien. Déjà, bien avant le début du confinement, je m’y attendais. Je suis dans le domaine médical (NDLR : interne en gynécologie), et au vu de l’évolution de l’épidémie, la gravité des symptômes et la virulence du Covid-19, je savais qu’on aurait, nous aussi, droit au confinement. Alors, je m’y étais préparée.
Je continue à travailler. En semaine, même avant le confinement, je faisais rarement plus d’une heure de sport par semaine, et pas très loin de là où j’habite, alors, finalement, la seule chose qui change véritablement pour moi ce sont les week-ends, et mes jours de repos, ou j’avais pour habitude de bouger, d’aller en montagne, rouler, randonner, courir, bivouaquer. Eh bien actuellement, c’est du VRAI repos à la maison.
Enfin, du repos physique, mais pas intellectuel, parce que j’ai trouvé une bonne occupation : ma thèse! Je ne pensais pas que je pouvais repasser des journées entières à un bureau comme en première ou en dernière année de médecine, mais il faut croire que, quand on n’a rien d’autre à faire, ça motive.
Parle-nous de l’impact que cela a eu sur ta motivation.
Les deux premières semaines, j’ai senti une petite « démotivation ». Mais absolument pas à cause des échéances qui s’annulaient au fur et à mesure. La véritable raison est que, dès que je mettais le pied dehors pour aller faire mon footing, j’avais l’impression d’être une délinquante, ou pire de ne pas montrer le bon exemple. J’avais moins de plaisir à pratiquer du sport et ma thèse me puisais beaucoup d’énergie.
Et puis, finalement, on se fait à ce rythme, on respecte les consignes, et je sais que je ne mets personne en danger, alors j’ai retrouvé le plaisir après deux semaines un peu plus allégées.
As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?
J’avais prévu de faire les courses du circuit Golden Trails Series notamment, et pourquoi pas retenter l’aventure en équipe de France aux mondiaux de course en montagne.
Je n’ai pas fait une croix sur ma saison, mais actuellement je fais une croix sur tout mon calendrier. Je ne me fixe aucun objectif. J’attends d’avoir toutes les informations sur chaque course annulée ou reportée, et quand tout sera officiel, je prendrai le temps de réorganiser ma « mini-saison ». Je n’ai pas besoin d’objectifs pour m’entraîner. J’aime le sport pour le bien-être qu’il me procure plus que pour la performance.
Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?
Honnêtement, je ne pensais pas que je pourrais vivre ça une fois dans ma vie.
Finalement, même si nous, les soignants, nous sommes soutenus et mis en valeur pendant cette période, nous ne sommes pas à plaindre. On pratique notre métier comme on l’a toujours fait, en s’adaptant à la situation — « l’adaptation est une preuve d’intelligence, comme dirait quelqu’un qui se reconnaîtra » — et nous, notre salaire, il continue à tomber à la fin du mois. J’ai surtout une grosse pensée pour tous les métiers qui souffrent de la crise ou vont souffrir, les restaurateurs, les commerçants, les PME, ceux qui travaillent dans le sport, l’événementiel, etc. J’espère que l’on adoptera tous les comportements qui leur seront profitables en post Covid-19.
Ensuite de manière générale, concernant le confinement, je suis assez fière de nous. Même si le Français reste et restera toujours un râleur, la majorité a respecté les règles du confinement et c’est une belle preuve de solidarité.
Enfin, j’essaie de rester positive et de voir les bonnes choses de cette période : profiter de faire tout ce que je n’ai pas le temps de faire, ou que je ne prends pas le temps de faire, comme me reposer, m’instruire, prendre des nouvelles de mes proches, cuisiner, faire le ménage, la paperasse, construire des projets.
Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?
Attention à la reprise!
De mon point de vue de sportive, d’abord, je vous conseille d’y aller en douceur, pour ne pas vous blesser, et surtout de prendre du plaisir avant tout.
Et de mon point de vue de médecin, je vous recommande de continuer à respecter quelques règles simples et non contraignantes comme se laver les mains fréquemment, éviter les contacts trop proches, mettre un masque si on tousse, éviter les rassemblements, etc.
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