Alexandre Fine : « ma plus grande hâte est de retrouver mon groupe d’entraînement »

Alexandre Fine - Photo : Cyrille Quintard
Alexandre Fine - Photo : Cyrille Quintard
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Avec la collaboration de Yohan Malliard

Le confinement obligatoire instauré en France pour endiguer le coronavirus ainsi que l’annulation ou le report de toutes les compétitions, a mis la saison de tous les athlètes européens sur pause. Comment ont-ils vécu cette période complètement inédite? Distances+ a posé la question à plusieurs des meilleurs traileurs français. Ces entrevues ont été réalisées en avril.

C’est au tour d’Alexandre Fine, l’un des grands espoirs du trail français, de nous raconter son confinement.

Alexandre a été sacré champion de France de trail court (27 km, 1500 m D+) en 2018 et a terminé 5e du championnat du monde de course de montagne (13,70 km, 755 m D+) l’année dernière.

Déjà une référence du trail français à 23 ans, il a notamment accroché à son palmarès une victoire au Restonica Trail (16,40 km, 650 m D+) et au Menestrail (24,50 km, 950 m D+) en Bretagne en 2019. En 2017, il s’était illustré sur l’épreuve Mona Lisa (27,10 km, 1210 m D+) au Festival des Templiers, qu’il a remporté quelques semaines après être monté sur le podium de la YCC, la course des jeunes de l’UTMB. (15,5 km, 1190 m D+).

Il compte aussi une 2e place à la Saintéxpress (46,40 km, 1160 m D+) à la SaintéLyon en 2018.

L’athlète de l’équipe Scott France ne se cantonne pas au trail et à la course en montagne, puisqu’il continue en parallèle le cross, la piste, et la route, avec de belles performances qui plus est. Il possède un record à 30 min 29 au 10 km et détient le record de France espoir de la plus grande distance parcourue sur piste en une heure, 18 235 m.

Alexandre Fine tient une boulangerie-pâtisserie, L’Alpain, avec son frère jumeau à Serre-Chevalier, une station de sports d’hiver des Hautes-Alpes.

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Alexandre Fine - Photo : Cyrille Quintard
Alexandre Fine – Photo : Cyrille Quintard

Distances+ : Comment vis-tu la période de confinement actuelle?

Alexandre Fine : D’un point de vue pratique, cette période se passe plutôt bien. L’activité professionnelle est amoindrie, mais toujours présente et elle occupe quand même une grosse partie de mes journées. Mon train de vie a été complètement réorganisé.

Sportivement, habitant en région montagneuse, isolée et peu peuplée, malgré la réglementation imposée, j’ai pu continuer à m’entraîner, en suivant un plan d’entraînement adapté, modéré, dans le but de maintenir une condition physique et préparer la reprise en vue d’un nouvel objectif.

C’est une période qui me permet finalement de travailler des points beaucoup moins abordés en temps normal, comme le renforcement, l’assouplissement, la technique et la PPG. Le maintien de l’activité me semble indispensable pour ne pas avoir à passer par une phase de réathlétisation totale ou risquer de me blesser à la reprise de l’entraînement pur, et également maintenir mon équilibre habituel.

Physiquement, la forme est là et tout se passe plutôt bien. C’est psychologiquement que les derniers temps de confinement ont commencé à peser. Mon plus grand souhait, c’est de retrouver mes proches, ma famille et le monde de la course à pied. Je suis très attaché à mon club. Je retrouve normalement mon groupe d’entraînement quatre fois par semaine, alors c’est peut-être ma grande difficulté à surpasser. Devoir me priver des moments de partage, de passion et d’humanité et d’une belle source de motivation dans un club qui me permet d’avancer. Ma plus grande hâte est vraiment de tous les retrouver.

Parle-nous de l’impact que cela a eu sur ta motivation.

Ma motivation n’a subi aucun impact. Forcé à une saison blanche de cross pour cause d’une douleur persistante au tendon d’Achille, j’avais repris le chemin de l’entraînement en vue du Championnat de France de cross. À l’annonce de l’annulation de celui-ci, bien entendu, j’étais déçu. Déçu de ne pas le courir et pour tous ceux qui avaient bossé tout l’hiver pour arriver prêts. Tous les objectifs prévus se sont ensuite rapidement annulés.

Ma motivation à l’entraînement reste tout de même intacte. Je me prépare pour une compétition, mais ce n’est pas elle qui me motive à m’entraîner, c’est la découverte de mes capacités, mes limites mentales et physiques. Forcement, au cours de ma saison, les compétitions apparaissent comme des repères de mon évolution, mais pas comme une source de motivation, plutôt comme une satisfaction du travail accompli.

Je suis tout de même un grand amoureux des compétitions et de leur préparation, et je garde en tête que tout le travail accompli maintenant n’est pas inutile, il me servira pour la suite, les prochains objectifs qui restent assez flous pour le moment.

L'athlète de Briançon a terminé onzième du Trail Drome 23 km (22,90 km, 1 250 m D+) en 2019 - Photo : Cyrille Quintard
L’athlète de Briançon Alexandre Fine lors du Trail de Drome 2019 – Photo : Cyrille Quintard

As-tu fait une croix sur ta saison? Sur quoi te concentres-tu désormais?

La coupe du monde de course en montagne, avec quelques belles classiques comme Sierre-Zinal et Trofeo Nasege, était mon objectif cette année. Le Championnat de France de course en montagne à la maison (Gap) également, avec dans le viseur une nouvelle sélection en équipe de France pour le Championnat du monde qui devrait se tenir le 15 novembre prochain du côté de Lanzarote (Îles Canaries). Au vu du décalage de toute la saison et des échéances qui vont se chevaucher cet automne, un choix va devoir être fait.

Je vais donc me concentrer sur le Championnat de France du 27 septembre. C’est pour moi une nouvelle chance de porter le maillot tricolore et d’aller défendre ma 5e place de l’année dernière (aux mondiaux de course en montagne). Ce sera mon plus gros et mon plus bel objectif.

Je m’y préparerai avec quelques courses locales (NDLR : les Hautes-Alpes) dès qu’elles pourront être envisagées. Je suis en effet persuadé que la seule façon d’aider à la survie des petits commerces et des PME face à cette crise, c’est la consommation locale, et il en sera de même pour les événements sportifs où je tacherai d’être présent cette année.

Mais la chance de pouvoir courir nos montagnes, aller rouler, vivre et profiter dans une totale liberté sera déjà une très belle chose pour cette saison si particulière.

Quel enseignement tires-tu de ce que nous sommes en train de vivre?

Cette période ne fait que me réconforter dans mes idées : la délocalisation et la rentabilisation sont de grands fléaux économiques au détriment de notre société. La pénurie des éléments indispensables à la sécurité de la population aurait pu être évitée. Surtout quand on y ajoute l’élan de solidarité qui s’est lancé des grandes industries, des plus petites entreprises du sol français.

La situation actuelle me démontre la chance que je peux avoir de vivre dans une région « privilégiée » et d’être au contact avec la nature, la faune, la proximité des producteurs locaux et tout ce qui nous permet de vivre en quasi-autonomie pendant cette période.

J’espère également que cela fera prendre conscience à la population de l’importance de notre corps médical, de nos producteurs et des artisans locaux qui répondent présents depuis le début.

Quel message souhaites-tu faire passer à la communauté de traileurs et aux sportifs en règle générale en cette période difficile?

J’ai la chance de vivre plutôt bien cette période, mais c’est beaucoup plus compliqué pour certains. Ma pensée se tourne souvent vers des familles nombreuses dans un logement restreint dans les grandes villes.

Mon message aux coureurs, et aux sportifs plus largement, est un appel à la responsabilité. Cette période est compliquée, l’envie de montagne, de sorties plus longues ou d’intensité est très forte et viendra le jour où nous serons libérés, mais soyez raisonnables avec une activité modérée, car une blessure pourrait très vite vous confiner.

Mon dernier message, c’est la période actuelle qui l’aura fait passer. Savourons chaque moment de liberté, de découverte de l’environnement à notre proximité, de contact avec la nature et la chance d’une consommation locale qui nous est offerte. Respectons ce qui nous a été donné.

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