La liste du matériel obligatoire pour les participants de La Grande Trace Dévoluy été, qui s’est déroulée dans les Hautes-Alpes au début du mois, n’est pas banale pour une course de trail. Sur la ligne de départ, il faut impérativement un casque, un baudrier, des longes et une frontale. Et les organisateurs préviennent qu’une expérience en via ferrata ou en alpinisme est chaudement recommandée.
Au-delà de cet aspect technique non négligeable, cette course si différente de ce à quoi sont habitués les coureurs en sentier, se distingue des autres évènements trail en France en raison de son dépaysement, du poids de la tradition qu’elle perpétue, de l’engagement qu’elle requiert, et de l’ambiance dans laquelle baigne les athlètes.
Le massif du Dévoluy
Venir courir dans le Dévoluy, ça se mérite. Le petit massif est situé dans les Hautes-Alpes, entre Grenoble et Gap, pas loin à vol d’oiseau du célèbre parc national des Écrins, sauf qu’aucune autoroute ne vous déposera en bas des pistes. Il faut emprunter des petites départementales sinueuses pour atteindre le Graal.
Mais qu’importe, car à l’arrivée, c’est splendide, minéral, tellement atypique. Entre les « endémiques » et mythiques chourums (des cavités rocheuses naturelles creusées par l’action du vent et de la pluie), le désertique plateau de Bure et ses 11 énormes radiotélescopes surréalistes, les majestueux sommets à plus de 2700 m, le coureur se sent minuscule et totalement dépaysé dans ces paysages somptueux que l’on ne trouve nulle part ailleurs.
Un mythe du ski-alpinisme
Le Dévoluy est réputé, d’abord, pour être un superbe terrain de jeu de ski et de ski-alpinisme. La Grande Trace hivernale est d’ailleurs l’une des plus anciennes courses de ski-alpinisme en France. La première édition remonte à 1993. Muriel Buffière, la directrice de la course, qui est aussi directrice de l’office de tourisme du Dévoluy, raconte que la version estivale de La Grande Trace est vraiment née de l’envie de concevoir une petite sœur à la trace hivernale, avec les mêmes gênes, le même goût de l’engagement sportif et humain, la même ambiance entre coureurs et bénévoles.
En septembre 2018, alors que le projet était encore embryonnaire, un panel de traileurs et de skieurs, tous amateurs de montagnes franches et abruptes, avait été invité à venir tester les « envies » des traceurs. Tristan Calamita, excellent traileur de la région, et Yannick Gast, guide de haute montagne et directeur de la course hiver, avaient décidé de ne se mettre aucune limite et de proposer des tracés improbables, des pentes à plus de 40 % en montée comme en descente, des passages aériens, des remontées de chorums encordées, des portions plus escalade que trail…
Les « ouvreurs » avaient trouvé géniale cette vision du trail très engagé, mais ils s’étaient montrés aussi un peu dubitatifs quant à la possibilité de pouvoir proposer ces voies à des athlètes non spécialistes. L’équipe organisatrice a toutefois tenu bon dans ses choix et, soutenue par la commune du Dévoluy, a réussi son pari. En septembre 2019, La Grande Trace été voyait le jour et 92 équipes (binôme) s’élançaient sur les pentes austères du Dévoluy.
Un risque maîtrisé
L’ADN de La Grande Trace, été comme hiver, c’est du hors sentier, de fortes pentes, du technique, mais en mettant tout en œuvre pour assurer la sécurité des coureurs, des skieurs et des encadrants.
L’expérience hivernale se transpose ainsi l’été avec une équipe de bénévoles de haute volée (trois guides de haute montagne, deux médecins, une grande proportion de moniteurs de ski et de pisteurs-secouristes…) qui veille précautionneusement sur tous les binômes, dispensent des conseils techniques dans les portions encordées et interdisent de courir quand le rocher s’effrite sous les souliers, pour ne pas prendre le risque de tomber dans le vide.
Parfois, aussi, la raison est plus forte que la passion. Muriel Buffière a ainsi été contrainte de renoncer à la mythique « traversée héroïque », un superbe chorum à remonter sur corde. L’hiver, la roche est glacée et se passe en crampons, mais l’été, elle se délite complètement et il pleut des cailloux. La sécurité des coureurs et des bénévoles ne pouvant pas être garantie, l’organisatrice a préféré faire passer ses binômes dans la belle grotte Costebelle éclairée aux chandelles à la place.
Esprit d’équipe
Hiver comme été, le projet de l’équipe d’organisation est de développer le même concept : des binômes de sportifs embarqués ensemble dans des épreuves physiques, engagées, sans artifices, dans des paysages grandioses.
Entre ami(e)s ou en couple, il faut une sacrée dose d’entraide et de solidarité pour aller au bout des deux étapes.
Une bonne ambiance de partage, d’esprit d’équipe, de convivialité règne tout au long du week-end. Entre les épreuves elles-mêmes, les repas partagés ou la récupération dans les bains chauds, les coureurs ont le temps de faire et refaire leurs courses et de créer des liens.
Pour garder cet état d’esprit et assurer une sécurité maximale, la « petite sœur » ne devrait pas trop grandir. La directrice de course « souhaite rester petit, assure-t-elle. Nous avons beaucoup d’échanges et de relations avec les équipes de la Pierra Menta (NDLR : course mythique qui a également lieu hiver comme été qui accueille 250 binômes dans le Beaufortin), mais nous souhaitons vraiment limiter les inscriptions à 100 équipes, c’est l’idéal. En 2019, pour la première édition nous avions 92 équipes, cette année, la crise sanitaire a fait reculer pas mal de coureurs. Avec 62 équipes, c’est vraiment un peu juste pour équilibrer les budgets, mais nous repartons l’année prochaine! »
La troisième édition de La Grande Trace Dévoluy été aura lieu les 4 et 5 septembre 2021.
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