La course d’orientation : une chasse au trésor version trail

L'orienteuse française Amélie Chataing
L'orienteuse française Amélie Chataing - Photo : FFCO

Avec ses nombreux points communs avec le trail, mais aussi un côté très ludique, la course d’orientation a tous les atouts pour séduire les amoureux de sport en milieu naturel. Ses champions viennent d’ailleurs régulièrement titiller les meilleurs traileurs. 

En mathématiques, il existe des lois appelées axiomes où la démonstration est inutile. Celle, par exemple, qu’une ligne droite est le plus court chemin pour aller d’un point à l’autre. Le plus court oui, mais pas toujours le plus rapide. Les adeptes de la course d’orientation (C.O.), de plus en plus nombreux, disent même que, dans leur sport, c’est rarement le cas.

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Le principe est simple : seulement aidé d’une boussole, l’orienteur doit réaliser un parcours le plus rapidement possible en allant chercher des balises positionnées sur une carte de la zone de la compétition.

C’est simple sur le papier, beaucoup moins sur le terrain. Et surtout, c’est beaucoup plus subtil, car à ce petit jeu, les plus rapides ne sont pas forcément les meilleurs. S’il faut de bonnes jambes pour affronter des terrains naturels aussi exigeants que grandioses, il faut en effet savoir également utiliser ses neurones rapidement pour prendre les bonnes options et faire les bons choix.

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Savoir lire une carte

Lecture de carte d'orientation
Lecture de carte – Photo : Jean-Luc Korus

La clé du succès est de savoir interpréter une carte (les appareils électroniques sont évidemment interdits), lire les courbes de niveau pour éviter une pente trop raide quitte à faire un petit détour, repérer chaque détail (un ruisseau, une pierre, un flanc de colline, un thalweg…), décoder la nature du terrain et de la végétation grâce à un code couleur propre aux cartes de C.O. (plus le vert est foncé, plus il est difficile de courir, jaune pour les prairies, etc.) et s’appuyer sur tout un tas d’éléments qui permettent de se situer précisément.

C’est donc une chasse au trésor avec la nécessité de courir tout en restant particulièrement concentré, savoir observer le terrain, et surtout veiller à ne pas se mettre en surchauffe pour conserver une indispensable lucidité. En course d’orientation, l’expression « j’ai débranché le cerveau » est toujours synonyme de grosse galère. 

La course d’orientation en croissance 

Sur une course d'orientation en Occitanie
Sur une course d’orientation en Occitanie – Photo LLRCO

D’origine militaire, la discipline connaît un réel succès depuis plusieurs années. La Fédération française de course d’orientation (FFCO) a fêté ses 50 ans en avril dernier et compte aujourd’hui près de 10 000 pratiquants, dont 20 % en orientation vélo tout terrain, répartis dans 21 ligues et 220 clubs. Dans le monde, 71 nations, majoritairement européennes, adhèrent à l’International Orienteering Federation.

« Nous avons une croissance de 2 ou 3 % tous les ans, se réjouit Michel Ediar, président de la FFCO. C’est un sport qui séduit. Nous avons également une approche autour du sport santé. Mon exemple est assez représentatif : j’ai d’abord couru sur route jusqu’au marathon, puis je suis passé au trail. Un jour, un collègue m’a amené sur une épreuve d’orientation. Ce fut le déclic. Aujourd’hui, je ne peux plus courir en regardant mon chrono à chaque kilomètre. En C.O., on ne court pas “bêtement”, sans que ce terme soit péjoratif. Le choix d’itinéraire est déterminant pour la performance. »

Les Championnats de France des clubs (CFC) constituent l’un des temps forts d’une saison de course d’orientation dans l’Hexagone. Cette année, les montagnes bourbonnaises, près de Roanne, dans la Loire, auraient dû les accueillir début mai. La crise sanitaire en a décidé autrement. Ils ont été annulés.

Également reporté en 2021, le raid O’bivwak, descendant du « Raid IGN Francital », qui devait se dérouler fin mai dans le Vercors, est lui aussi considéré comme l’un des rendez-vous incontournables de la discipline. Pendant deux jours, près de 2000 participants, par équipes de deux ou trois, s’y affrontent sur des itinéraires aux difficultés variables, du parcours « facile » de 25 km pour 800 m D+ à l’itinéraire « ultra », techniquement difficile et long de 50 km et 1500 m D+. Le soir de la première étape, un bivouac géant réunit tous les participants, qui sont en autonomie complète avec transport des tentes et de l’alimentation.

Les champions de C.O. font d’excellents traileurs

Course d'orientation
Course d’orientation – Photo Jean-Luc Korus

Dans un univers largement dominé par les pays nordiques et la Suisse, le Français Thierry Gueorgiou a porté haut les couleurs de son pays lors des deux dernières décennies. Quatorze fois champion du monde individuel entre 2003 et 2017, celui que tout le milieu surnomme « Tero » a pris sa retraite il y a trois ans et entraîne depuis l’équipe de Suède, la référence mondiale. 

« Ici, en Suède, la course d’orientation est une institution avec 85 000 pratiquants dans un pays qui ne compte que 10 millions d’habitants, a-t-il souligné à Distances+. Notre star Tove Alexandersson, déjà dix fois championne du monde, a même été désignée sportive de l’année tous sports confondus. »

Les meilleurs orienteurs sont de véritables athlètes. « Aujourd’hui, pour jouer la gagne, il faut valoir moins de 29 min sur 10 000 m et moins de 8 min sur 3000 m, assure Thierry Gueorgiou. Et quand nos champions vont vers d’autres disciplines, notamment le trail, ils y brillent. » Et les exemples sont éloquents :

  • Tove Alexandersson a remporté les Mondiaux de skyrunning en 2018;
  • Le Danois Carsten Jörgensen, deux fois médaillé aux Mondiaux de C.O., a remporté le Championnat d’Europe de cross en 1997;
  • La Suissesse Judith Wider, multiple championne du monde de C.O. est arrivée en tête du classement général du circuit Golden Trail World Series 2019 après des victoires à Ring of Steall, Dolomyths Run Skyrace et Annapurna 100;
  • Toujours à Sierre-Zinal, François Gonon, pilier de l’équipe de France, a pris la 4e place en 2014, à seulement 3 min 22 s de… Kilian Jornet.

« Les similitudes avec le trail sont nombreuses, insiste d’ailleurs Gueorgiou. Les qualités nécessaires pour performer sont très proches, avec notamment la faculté de bien gérer les dénivelés avec beaucoup de proprioception. La différence est la durée de l’effort puisque nos courses longues distances durent “seulement” 1 h 40 environ. Et puis, comme en trail, il y a la diversité des parcours et le plaisir d’évoluer dans des cadres magnifiques. Avec un avantage pour la course d’orientation, car contrairement aux traileurs, nous sortons des sentiers pour aller chercher les balises. On se retrouve dans des endroits complètement fous. Parfois, on se dit même que personne n’est jamais venu là. Pas même les ramasseurs de champignons! »

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