Devenir coureur-navetteur, la prescription du Doc Benoit

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Le Doc Benoit, à son arrivée en courant devant son lieu de travail, en plein hiver - Photo : Simon Benoit

Notre collaborateur Simon Benoit, médecin urgentiste à l’Hôpital de Verdun, à Montréal, se rend tous les jours au travail en courant. Prescripteur de course à pied à travers ses chroniques de Distances+, il profite de notre dossier sur la conciliation famille, travail et entraînement pour vous recommander, si vous le pouvez, de devenir vous aussi, chers lecteurs, des coureurs-navetteurs.

La Société canadienne de physiologie de l’exercice recommande un minimum de 150 minutes par semaine d’activité physique à intensité modérée ou 75 minutes par semaine à intensité élevée pour la population générale adulte. Adhérer à cette recommandation réduit la mortalité « toutes causes » de 20 à 50 %.

Être un parent actif présente des bénéfices indéniables pour notre santé mentale et physique, mais l’impact se reflète également sur nos enfants, qui apprennent par osmose et imitation. Le taux d’obésité des enfants d’âge scolaire est d’environ
30 % et les performances moyennes des élèves à l’épreuve de 1 km et au test Léger-Boucher (estimation du VO2 max) se détériorent d’année en année. Nos enfants jouent moins dehors, ne marchent pratiquement plus jusqu’à l’école et sont globalement nettement plus sédentaires. Il est clair que la meilleure façon de les inciter à être actifs est de prêcher par l’exemple.

De récents sondages confirment que 50 % des parents d’enfants âgés de 0 à 8 ans se disent exténués rendus à l’heure du souper et la mesure du « taux de bonheur » des gens semble être à la baisse dans les familles avec de très jeunes enfants. Dur constat : la conciliation travail-famille, ce n’est pas du gâteau. Réussir à se garder du temps personnel, du temps en couple et du temps en famille demande une planification minutieuse. « Inventer » du temps pour l’activité physique n’est donc pas une demande évidente à remplir. Il faut être créatif. Le secret, pour plusieurs, est de devenir un coureur-navetteur, autrement dit d’utiliser son temps de transport pour faire de l’activité physique.

Zéro perte de temps en famille

Personnellement, je cumule 40 à 60 km par semaine de course à pied uniquement de cette manière. Cela représente une bonne partie de mon kilométrage hebdomadaire et me coûte exactement zéro « temps famille ». J’ai même vendu ma voiture et j’économise de l’argent, en plus de réduire mon empreinte écologique. L’impact sur ma qualité de sommeil, sur ma digestion, sur ma patience et sur mon énergie est majeur. J’arrive au travail bien réveillé et j’inspire mes enfants, mes amis et mes collègues à en faire autant. J’en profite pour faire quelques intervalles sur les sections droites et sur mes côtes préférées. Le matin, je fais parfois un détour par le mont Royal pour voir le lever du soleil. Bref, je me sens nettement plus vivant qu’en me battant dans le trafic avec ma voiture.

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Simon Benoit, en plein déplacement hivernal – Photo : courtoisie

Les embûches sont nombreuses et la liste de défaites potentielles exhaustive. Il faut se l’avouer, il faut être drôlement motivé pour sortir de sa zone de confort et modifier sa routine du matin pour aller forcer et suer sa vie dehors, au froid, l’hiver. Le plaisir ne se fera pas nécessairement sentir dès les premières sorties. Il faut laisser son corps et son esprit s’habituer. On doit compter au moins six semaines d’adaptation lorsqu’on apporte un changement à notre routine de vie.

Adaptation

Cette période de transition est parfois pénible, mais les bénéfices se feront rapidement sentir. Ce moment privilégié d’introspection et de rencontre avec soi-même deviendra une nécessité, un must quotidien. Fermons les yeux sur la liste des « défaites » et brisons le cercle vicieux de la fatigue et du manque d’énergie. Devenir coureur-navetteur est euphorisant, valorisant, inspirant et motivant. Courir vers le travail, c’est ralentir son rythme de vie et se donner un peu de temps avec soi-même.

La routine des enfants

Certains parents doivent laisser leurs enfants à la garderie. Pourquoi ne pas laisser la voiture à cet endroit et faire la navette ensuite vers le travail? Pourquoi ne pas parcourir le trajet en courant vers le métro?

La douche n’est pas obligatoire

Le dédain de la sueur et le fait de ne pas avoir accès à une douche sont des raisons souvent invoquées pour se résigner à aller travailler à la course. Mais la sueur ce n’est pas de la saleté! Il est vrai que le contact de la sueur avec le coton peut produire de mauvaises odeurs, mais les vêtements techniques de course traités à cet égard permettent de contourner le problème. Je ne prends pas toujours ma douche le matin en arrivant au travail. Je retire rapidement mes vêtements « mouillés » avant que la sueur ne sèche sur ma peau et je me passe une débarbouillette sur l’ensemble du corps et voilà, en moins de cinq minutes, le tour est joué. Je ne pense pas avoir la réputation d’être le « puant » de l’hôpital!

Les coureurs-navetteurs sont de plus en plus nombreux à se croiser et à se saluer sur leur parcours respectif. Des pages Facebook et Strava en font d’ailleurs la promotion. Je pense qu’il s’agit de la stratégie de conciliation travail, famille et entraînement la plus efficiente, en plus d’être un bon moyen de bonifier nos rôles de parent, conjoint, travailleur et ami inspirant!


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur.

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