Les effets secondaires des anti-inflammatoires : à connaître avant d’avaler tout rond

La chronique du Doc Benoit

Un coureur
Photo : NPRPDX via Flicker sous licence Creative Commons 2.0

Au Canada, chaque année, il s’écrit 19 millions de prescriptions d’analgésiques et il se dépense 4,5 milliards de dollars en analgésiques de toutes sortes disponibles sans prescription.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont la cote auprès des sportifs qui cherchent une solution rapide à leurs bobos. Dans cette classe de médicaments, on trouve l’ibuprofène (Motrin et Advil), le naxoprène (Aleve et Naprosyn), le célécoxib/COX-2 (Celebrex), l’indométacine (Indocid), le méloxicam et le diclofénac (Voltaren), pour ne nommer que ceux-là.

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Deux objectifs sont visés par la prescription d’AINS. D’abord, l’effet anti-inflammatoire, qui prétend accélérer la guérison d’une blessure et, ensuite, l’effet analgésique, qui s’attaque aux mécanismes de réduction de la perception de la douleur.

L’efficacité analgésique des AINS, quoique modeste, est bien reconnue. Elle varie passablement d’une condition à l’autre, selon la nature et la chronicité d’une blessure. Le débat est davantage centré sur la visée anti-inflammatoire et son impact réel sur le processus de guérison.

Selon une étude publiée en 2013 dans le prestigieux British Medical Journal, au moins 50 % et jusqu’aux deux tiers des coureurs consomment des AINS avant un marathon, et environ 10 % d’entre eux prennent des doses au-dessus de celles recommandées. Deux études récentes de bonne qualité ont démontré que l’utilisation prophylactique d’AINS ne modifie pas la perception de la douleur aux jambes lors d’une épreuve d’endurance et ne bonifie pas la performance.

Les effets secondaires associés à la prise d’AINS sont importants et à considérer sérieusement. Environ 12 % des coureurs ayant consommé des AINS souffriront d’effets secondaires. Plus la dose prise est importante, plus l’incidence et la sévérité des impacts négatifs seront importantes.

Trois classes d’effets secondaires ressortent :

Les effets secondaires gastro-intestinaux

De loin les effets secondaires les plus fréquents, ils sont plus importants lorsque les AINS sont consommés sur une base régulière. Les études soulèvent une incidence de gastrites et d’ulcères gastriques ou duodénaux chez 15 à 30 % des utilisateurs réguliers.

Les ulcères sont des conditions sérieuses qui peuvent se compliquer par des saignements. Lors d’une épreuve d’endurance ou d’ultraendurance, le sang est dévié du système digestif vers les groupes musculaires à l’effort dont la demande en oxygène est augmentée. L’estomac et les intestins se retrouvent alors irrités et fragilisés. Pour se protéger, l’estomac sécrète des hormones protectrices : les prostaglandines. Ces dernières sont inhibées par les AINS, ce qui contribue grandement au risque de développer un ulcère. Par ailleurs, on observe que les crampes abdominales menant à l’abandon d’une épreuve sont également plus fréquentes chez les coureurs qui ont pris des AINS.

Les effets secondaires rénaux

Les prostaglandines sont également importantes pour le bon fonctionnement des reins. Leur inhibition par la prise d’AINS constitue un facteur de risque significatif d’insuffisance rénale.

Par ailleurs, la déshydratation est un enjeu considérable dans la pratique des épreuves d’endurance. Elle peut mener à l’insuffisance rénale lorsqu’elle persiste pour une trop longue durée.

Il est donc facile de comprendre pourquoi la consommation d’AINS, augmentant le risque d’insuffisance rénale, est déconseillée lors d’une épreuve d’endurance, surtout par temps chaud.

Par ailleurs, selon des études préliminaires, l’état d’« hyponatrémie » (intoxication à l’eau), craint chez l’ultramarathonien et provoqué par un mauvais contrôle du sel (Na) par les reins, serait observé plus fréquemment s’il y a eu prise d’AINS. Nous ne comprenons toutefois pas encore tout à fait les mécanismes en jeu pour expliquer cette deuxième observation et plus de recherches sont requises pour émettre des recommandations claires à ce sujet.

Les effets secondaires cardiovasculaires

Le risque d’événements cardiovasculaires de type infarctus dans la population générale serait augmenté par les AINS de type COX-2/célécoxib. De plus, tous les anti-inflammatoires ont un effet hypertenseur et ne devraient pas être utilisés par les coureurs traités pour de l’hypertension.

Quel est l’impact réel des AINS sur le processus de guérison d’une blessure? Est-il vraiment utile de cacher la douleur? À la base, n’oublions pas que la douleur est un mécanisme d’alarme qui existe pour une bonne raison. Une utilisation raisonnée de ces substances s’impose vu le profil d’effets secondaires importants.

Dans la deuxième partie de cette chronique sur les anti-inflammatoires, je vous offre davantage d’information, de controverses et d’options sur ce sujet qui nous concerne tous.


Simon Benoit est médecin de soins critiques en urgence, en plus de tenir une pratique de bureau axée sur la médecine sportive. Il est membre de l’Association québécoise des médecins du sport. Il est également diplômé en physiothérapie et en chiropratique et est ambassadeur de La Clinique du Coureur. Lisez tous ses textes !

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