La huitième édition du Trail de La Clinique du Coureur n’aura pas lieu ce week-end comme prévu. Annulé en raison de la pandémie de Covid-19, le populaire trail de début de saison au Québec promettait un plateau d’élites très relevé et une très grande composante jeunesse. Distances+ remonte le fil de son histoire avec celui qui l’a créé, Blaise Dubois.
Tout démarre par un coup de foudre, raconte le fondateur de La Clinique du Coureur. Au tournant des années 2010, il fait du vélo avec sa copine, Isabelle Dumais, dans le coin de Lac-Beauport, en banlieue de Québec, et tombe amoureux d’une maison ancestrale qui est à vendre. Le couple, qui n’était pas en recherche active d’une nouvelle demeure, fait immédiatement une offre d’achat.
« Lac-Beauport, c’est un paradis pour le sport, dit Blaise Dubois. Il y a une communauté qui est mobilisée pour le vélo de montagne, le ski alpin et le ski de fond. Il y a des kilomètres de sentiers de randonnée, un centre national de canot kayak et de ski acrobatique… Les gens sont ici pour ça! »
Lui-même coureur, Blaise s’entraîne dans la grande forêt tout autour de chez lui et découvre des sentiers techniques qui lui plaisent. À cette époque, le trail n’existe pratiquement pas au Québec. Il y a quelques événements qui offrent du cross-country (XC), le terme qui était employé avant que ne se définisse la discipline du trail, à l’instar du Ultimate XC de Saint-Donat ou du XC de la Vallée.
« Je me souviens d’avoir fini troisième à Saint-Donat sur le 21 km », dit Blaise Dubois, qui ne connaît pas du tout, à ce moment, les grandes courses internationales de trail que sont l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, la Diagonale des fous ou le festival des Templiers.
L’élite et la jeunesse
La Clinique du Coureur, qui offre des formations aux professionnels de la santé, organise déjà des « mini-marathons » pour enfants à travers le Québec, en lien avec sa mission philanthropique de promouvoir l’activité chez les jeunes, raconte Blaise Dubois.
« J’ai dit à Isabelle : on organise une course ici. On a fait un 10 km et on a invité tous les athlètes élites possible. »
Dès la première édition, cette envie de « faire un spectacle avec les élites » motive le fondateur. Cela deviendra une signature. On trouve toujours, au fil de départ du Trail de La Clinique du Coureur, les meilleurs coureurs issus autant de la route que du trail. Ils se battent pour des bourses en argent, que Blaise Dubois a institué dès le départ.
Jeff Gosselin s’imposera sur le 10 km les deux premières années, en 2013 et 2014. Sarah Bergeron-Larouche apparaît en championne sur le 10 km la deuxième année et gagnera toutes les courses auxquelles elle prendra part les années suivantes.
L’autre élément signature, ce sont les courses jeunesse. Au moins la moitié des participants du Trail de La Clinique du Coureur sont des enfants qui s’élancent sur l’une ou l’autre des six différentes distances allant du 300 m au 5 km (en 2019).
Il faut dire que le « village » au site d’arrivée et de départ est situé juste en face d’un camp de vacances, le Saisonnier, où passent des milliers de jeunes chaque année. Le Trail lui remet environ 5000 $ pour offrir des séjours aux enfants de familles défavorisées.
Un événement déficitaire
Et cela, malgré le fait que le Trail de La Clinique du Coureur est déficitaire d’année en année, rappelle Blaise Dubois. « Si on le prend d’un point de vue purement ˝business˝, on pourrait dire que ça valorise l’image de marque de la Clinique du Coureur, mais c’est tout. »
« L’an dernier, ça nous a coûté 17 000 $ », avoue-t-il. De l’argent transféré des comptes de la Clinique vers l’organisme sans but lucratif qui organise l’événement.
Pourquoi poursuivre une telle entreprise alors? Blaise Dubois répond en gentleman, mais on comprend dans le non-dit que tout cela est une grande partie de plaisir. Celui de réunir des athlètes, de mobiliser la population de Lac-Beauport pour un projet d’envergure, de faire bouger la jeunesse. « Si on n’avait pas de ˝fun˝, jamais on organiserait une course juste pour faire une course », dit-il.
Les fêtes d’après-événement – sur invitation – sur son grand terrain adjacent au site sont devenus fameux. Plusieurs spécialistes de la santé européens venus en formation débutent leur programme par la course, et participent au barbecue en guise d’accueil. Une immersion dans le Québec grandeur nature!
Partout sur le parcours, l’équipe de l’événement véhicule la culture trail, avec des pancartes amusantes qui font le lien avec de belles grandes courses internationales, comme l’UTMB, la Western States ou la Diagonale des fous. Des groupes locaux compétitionnent pour offrir les ravitos les plus animés.
De plus longues distances
L’éclosion de popularité du trail au Québec au tournant de 2015-2016 a été accompagnée d’un intérêt grandissant pour l’ultra. À l’image d’autres événements québécois qui rallongeaient leurs parcours, la Clinique a été à l’écoute de la demande en ajoutant d’abord un 30 km en 2015, puis un 50 km en 2018.
« Toujours plus long, ce n’est pas nécessaire ici en début de saison, dit Blaise Dubois. On a une course familiale. L’élite se retrouve très bien sur le 50 km. Si on voulait faire du plus long, ce serait pour attirer des coureurs internationaux. » L’idée n’est toutefois pas complètement exclue, précise-t-il.
Les athlètes qui allaient devenir les vedettes de la course en sentier au Québec se sont affrontés à Lac-Beauport pour les premières places, à l’instar de Mathieu Blanchard et Maxime Leboeuf ou encore Anne Champagne et Sarah Bergeron-Larouche. D’autres coureurs ont marqué la petite histoire du Trail de LCDC : Claudine Soucie, Hubert Fortin, Joël Bourgeois, David Le Porho, Jean-Philippe Thibodeau, Rachel Paquette, Benoit Simard, et plusieurs autres.
Moments forts, moments faibles
Comme tout événement de course, le plus beau côtoie parfois le moins agréable. À quelques reprises, des coureurs se sont trompés de parcours parce qu’ils ont été mal dirigés par des bénévoles. Un coureur kenyan, qui volait vers la victoire, s’est ainsi égaré. Blaise Dubois a reconnu le problème et lui a remis une somme importante pour compenser la bourse du gagnant qui lui avait échappé.
Parlant de coureurs kenyans, trois d’entres eux ont remporté mais dans la main la course de 10 km l’an dernier, un moment qui a ému Blaise Dubois.
Les pépins de santé des coureurs sont inévitables. Mais l’an dernier, un coureur confus, souffrant d’une condition particulière, s’est échappé des secours qui lui venaient en aide. Il a fallu appeler la police… qui a retrouvé l’homme chez lui plusieurs heures plus tard.
Il reste aussi le plaisir de travailler en équipe, lance Blaise Dubois. À l’image de son entreprise, qu’il a « affranchie », où il n’y a pas de hiérarchie, tout le monde s’implique dans l’organisation du trail. C’est aujourd’hui l’entraîneur Yves St-Louis qui dirige les opérations, mais Blaise va lui aussi nettoyer les sentiers.
Ce samedi, des coureurs iront parcourir les chemins par eux-mêmes pour souligner le trail qui aurait dû avoir lieu. Il n’y aura pas de fête chez Blaise, mais il ira saluer les gens dans le bois, en espérant un retour à la normale pour 2021.
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