Le Québec Méga Trail : la compétition aux grandes ambitions qui n’a pas lieu en raison de la pandémie

Québec Méga Trail
Photo : Jean-Sébastien Chartier-Plante

1er juillet 2020 – Si la situation l’avait permis, c’est ce week-end qu’aurait eu lieu la 9e édition du Québec Méga Trail (QMT), avec son championnat canadien d’ultra-trail courte distance. Mais le coronavirus en a décidé autrement, forçant l’annulation de la compétition, comme de toutes les autres épreuves sportives québécoises cet été. Distances+ souligne le coup en remontant le fil de l’histoire du QMT avec son fondateur Jean Fortier, qui a toujours pour ambition de faire de son événement une course à dimension internationale.

Soulignons d’emblée qu’il y aura un Québec Méga Trail « édition spéciale » à l’automne, mais il n’offrira que la course de 50 km, si les autorités de la Santé publique autorisent les événements.

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Dans les débuts du trail

Jean Fortier
Jean Fortier – Photo : Vincent Champagne

Il y a une douzaine d’années, celui qui est diplômé en communication de l’Université Laval et qui rêvait de devenir journaliste s’était depuis longtemps réorienté vers l’événementiel. Après avoir travaillé au Carnaval de Québec et comme responsable des événements au mont Sainte-Anne, Jean Fortier a cofondé l’entreprise Horizon 5. La boîte produit alors plusieurs compétitions, dont des raids d’aventure.

À cette époque, le trail commence à s’établir au Québec, même si la discipline porte plus ou moins ce nom, certains parlant encore de cross-country (XC). Les événements « Xtrail » de l’organisateur Nicolas Taillefer sont les seuls dans le portrait, à Sutton, Orford et Saint-Donat.

Puis, Horizon 5 crée en 2009 le « XC de la Vallée » (qui deviendra le Trans Vallée), avec des courses en sentier dans le parc de la Vallée Bras-du-Nord, et pour lequel Jean Fortier est directeur de course. « J’ai vu que c’était quelque chose qui me plaisait, d’organiser ce type de course-là. Ça a commencé à me trotter dans la tête. Je me cherchais une autre place pour organiser une course. Mais je voulais que ce soit un événement à grand déploiement », souligne Jean Fortier, ambitieux dès le départ.

Le Québec Méga Trail verra le jour en 2012 sur le mont Sainte-Anne. Signe que la discipline s’installait pour de vrai au Québec, c’est aussi l’année de création de l’Ultra-Trail Harricana et de la Chute du diable.

Jean Fortier combine ses ambitions : il voulait faire de ses circuits des courses roulantes. C’est qu’il fréquente le club de course de la boutique Le coureur nordique, et y côtoie des coureurs rapides. « Je me suis dit que le prochain parcours que je ferais permettrait aux coureurs de s’affronter en ayant toujours la possibilité de courir, raconte-t-il. Je me disais que la marche rapide n’était pas vraiment une option. Il fallait éliminer les montées interminables et les segments trop techniques. »

Des courtes aux longues distances

Québec Méga Trail
Photo : Jean-Sébastien Chartier-Plante

Dans les trois premières années, il expérimente avec les distances, créant un traditionnel demi-marathon de 21 km et un 10 km, puis arrive un 25 km qui changera de parcours en raison de l’insatisfaction des coureurs. « On passait sous les lignes d’Hydro, et je trouvais ça intéressant, parce que ça détonnait avec le « pit de sable », ça faisait lunaire. Mais la plupart des coureurs n’avaient pas aimé ça », se souvient Jean Fortier.

En 2015, pour la 4e édition, le 50 km fait son apparition, alors que le phénomène des ultras commence à prendre de l’ampleur au Québec. À l’origine, pourtant, Jean Fortier ne croyait pas tant au potentiel des courses longues distances. « Pour moi, faire 25 km, c’était bien en masse! », lance le résident de Beaupré.

Que de chemin parcouru pour en arriver aujourd’hui à une offre de différentes distances, dont la longue de 110 km, mais aussi un 80 et un 50 km. « On se demandait qui allait courir des courses de même. Ce n’était pas intéressant d’organiser ça pour 30 ou 40 personnes », dit Jean Fortier, avant que l’engouement justifie la lourdeur du travail logistique requis pour de telles épreuves.

Voler de ses propres ailes

Pour Jean Fortier, les rêves commencent à prendre forme, mais il peine à donner au QMT l’impulsion qui lui manque, car il est trop occupé! « À cette époque-là, [avec Horizon 5] on enchaînait les événements un après l’autre, se souvient-il, et on faisait la logistique pour le Trail de la Clinique du Coureur et pour l’Ultra-Trail Harricana. On était une petite équipe et on n’arrivait jamais à se sortir la tête de l’eau. »

En 2016, il quitte Horizon 5. « Ça m’a donné un élan pour que ça devienne un projet avec une forte appropriation locale. J’ai travaillé les bases, je me suis donné de nouveaux objectifs, raconte Jean Fortier. 

Il fait aussi la rencontre de Marie-Michèle Gagnon, qui deviendra sa directrice de production et, plus tard, la directrice du Trans Vallée. « On a créé un organisme à but non lucratif, et ça a pris une autre tangente, comme ce que j’imaginais », se souvient-il.

Toujours à la recherche de projets à la hauteur de ses ambitions, Jean Fortier saute sur l’occasion qui se présente lorsqu’un organisme rénove une passerelle qui permet d’unir le sentier des Caps, dans Charlevoix, au sentier Mestashibo, qui se termine au mont Sainte-Anne.

« On venait de nous donner un circuit de classe mondiale, lance Jean Fortier. Tu relies le Massif de Charlevoix au mont Sainte-Anne par un joyau, le sentier des Caps. Ça commence à être dur de faire mieux dans la région. »

C’est ainsi qu’est lancé, en 2018, le tout nouveau 100 km, qui permet au QMT de rester dans la cour des grandes compétitions de trail. Cette année-là, c’est Mathieu Blanchard qui s’impose chez les hommes, et Sarah Verguet-Moniz chez les femmes.

Le départ de cette course, au lever du soleil, sur le quai de Petite-Rivière-Saint-François, est le moment que Jean préfère de tout le week-end (s’il ne pleut pas comme en 2019). « Il y a une grosse boule rouge sur le fleuve, c’est capoté », dit-il.

De nouveaux sommets

Québec Méga Trail
Photo : Jean-Sébastien Chartier-Plante

C’est probablement l’an dernier, en 2019, que l’équipe du Québec Méga Trail frappe ses plus grands coups de circuit. D’abord, la plus longue épreuve, passée à 110 km, constitue le championnat canadien d’ultra-trail, attirant l’attention. Le 10 km constitue aussi le championnat canadien de course en montagne.

Mais c’est la signature d’une entente avec le Grand Raid de La Réunion qui marque les esprits. En vertu de cet accord, les finissants du 110 km peuvent s’inscrire au mythique événement réunionnais sans passer par le système de contingence. De plus, les gagnants sont invités au Grand Raid, ce qui a permis à Anne Champagne, victorieuse du 110 km 2019, d’aller triompher sur le Trail de Bourbon quelques mois plus tard.

« Je m’associe avec des courses qui ont la même vision que nous », lance Jean Fortier, qui n’a pas caché, au cours des dernières années, une certaine irritation envers le circuit de l’Ultra-Trail World Tour et ses liens d’affaires très proches avec l’Ultra-Trail du Mont-Blanc et l’ITRA.

Il en parle encore ouvertement aujourd’hui, sans langue de bois. « Ce que je n’aime pas, c’est qu’on impose aux coureurs de participer à certaines courses, parce que leur produit [l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, NDLR] est tellement fort, que pour y participer, il faut faire les courses de ses « amis ». Avant, c’était plus démocratique, tu pouvais faire des courses dans le monde pour avoir des points pour te qualifier, maintenant il faut que tu fasses des courses « by UTMB » ou des « World Tour. » 

[NDLR : Le système de qualification de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc s’est grandement complexifié face à la demande accrue. S’il n’est pas obligatoire de faire les courses « by UTMB ou « World Tour », celles-ci accordent d’autres sortes de points qui permettent une entrée automatique sans tirage au sort, favorisant ainsi les courses de la famille UTMB.]

Une année de déception

La Covid-19 a des conséquences financières pour l’organisation, mais Jean Fortier reste sûr de pouvoir « sauver les meubles » et de reprendre de plus belle l’an prochain. Son équipe est solide, assure-t-il, et l’organisation est stable.

Il y a eu quelques déceptions aussi par le passé, comme la disqualification d’une athlète féminine qui s’était égarée et avait fini, de bonne foi, en troisième position, mais par erreur. Il y a aussi eu la modification d’un parcours qui a eu pour résultat d’égarer plusieurs coureurs. On pourrait aussi parler d’une barrière-horaire très serrée sur le 50 km qui a mené à l’arrêt d’un grand nombre de coureurs, pourtant désireux de poursuivre.

Mais ces phénomènes sont pratiquement normaux dans une organisation d’une telle ampleur. Cette année, l’annulation exceptionnelle est d’un autre ordre. Une certaine déception est palpable.

« Pour moi, faire une course, c’est un rassemblement pour triper avec une gang de chums, pour passer la fin de semaine quelque part. D’être serrés les uns contre les autres sur la ligne de départ, avec la musique, les lumières, toute la patente. »

« J’ai hâte qu’on revienne à la normale », conclut Jean Fortier.

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