« Tu n’as pas idée à quel point j’en rêve », lance Dominic Arpin, les yeux allumés. Aspiré par la passion du trail, l’animateur et journaliste voit au loin des courses de 100 miles, la distance mythique qu’il espère compléter, un jour, peut-être. Mais d’ici là, c’est sur le sentier des Crêtes et le mont Chauve qu’il testera ses capacités dans le cadre du 5 Peaks Orford.
Bien connu du grand public, l’homme aux 135 000 abonnés Facebook allonge peu à peu les distances en sentier. Il veut y aller étape par étape. Cette fois, ce sera le 25 km, sa plus longue distance en trail, et il n’a qu’un seul objectif : « sourire tout le long », « être heureux dans la course ».
« Je n’ai pas de plan d’entraînement », dit-il, préférant s’entraîner « freestyle », au ressenti, mais de façon sérieuse. Il y a deux semaines, il a testé le parcours, au coeur du parc national du Mont-Orford en Estrie, et a eu la belle surprise de constater qu’il avait encore pas mal de jus dans les jambes après 15 km de montées abruptes et de descentes à pic sur le fameux sentier des Crêtes.
« Sur cette course, je veux marcher le moins possible », dit Dominic, conscient des difficultés du 5 Peaks Orford, une toute petite compétition qui ne compte que 100 coureurs en tout et pour tout sur ses deux distances (l’autre étant un ultra de 50 km). Cette année, toutes les places du 25 km étaient parties en 42 minutes, et le 50 km n’a pris que quelques heures pour afficher complet.
L’organisateur, Luc Hamel, aime le caractère intime de cette course, qu’il prend plaisir à décrire en des termes presque sadiques. « Une course tough pour les coriaces », dit-il. « On va vous casser », « vous allez avoir votre voyage un moment donné », « le 50 km le plus lent au Québec », « un 25 pas reposant »…
Au coeur du mal
Une description excitante pour Dominic Arpin, qui a hâte de plonger au coeur de la « souffrance ». « Ce qui me fascine dans le trail, c’est cette façon de passer par-dessus la souffrance, dit-il. Comment tu fais pour passer par-dessus ta douleur et, à la limite, la rechercher et la sublimer. »
Il y a peut-être quelque chose de « psycho-pop » là-dedans, avoue-t-il candidement. Il y a quelques années, Dominic Arpin a surmonté un cancer qui l’a emmené bien loin dans ses ressources mentales. « J’ai frôlé la mort… Il y a peut-être une partie de moi qui veut voir jusqu’où je suis capable d’aller », dit-il.
« Est-ce que j’ai ça en moi, cette capacité d’aller au-delà de la douleur et des messages qui te passent par la tête pour te faire arrêter? »
Chose certaine, la course en sentier « est [pour lui] en train de virer à l’obsession, reconnaît Dominic. Il n’y a pas une vidéo sur le trail sur YouTube que j’ai pas vu! Je ne lis que des livres d’ultramarathoniens! »
« Je pleure ma vie en regardant des vidéos d’ultras, ça n’a pas de bon sens », lâche-t-il en riant.
Celui qui a animé une émission de télévision consacrée à la course, Cours toujours, sur MaTV, n’est pas un néophyte en course à pied, mais il fait ses premières armes dans le trail depuis peu.
Il a déjà pris part à de petites distances au Tour du Mont-Royal Brébeuf, au Xtrail de Sutton, à la Classique Salomon Tremblant, au Bromont Ultra et à la Virée des sentiers de Saint-Bruno. En septembre, il s’élancera sur le 28 km de l’Ultra-Trail Harricana, et attend encore un peu avant de s’inscrire de nouveau au Bromont Ultra, où une plus longue distance le tente beaucoup.
Cours Dominic, cours
Le passage de la route au trail ne s’est pas fait du jour au lendemain. Dominic a commencé sur les courses à obstacles, intimement liées au monde du CrossFit, qu’il pratiquait jusqu’à ce qu’il se blesse.
Puis, il s’est mis aux demi-marathons, aux marathons, et autres formats de route. « J’aimais beaucoup courir contre la montre, raconte-t-il. Je suis le genre de coureur qui regardait plus sa montre qu’autre chose! »
« Il y avait de quoi qui me plaisait moins dans le trail, parce que c’est moins facile de garder un rythme et de se fixer des objectifs de temps. » En effet, on ne peut soutenir très longtemps un tempo élevé lorsque le dénivelé s’ajoute aux conditions du terrain, qui peut être boueux, ou mou, ou plein de racines.
« Aujourd’hui, c’est rendu le contraire », lance-t-il. Depuis qu’il loue un chalet dans les Cantons-de-l’Est – qu’il a maintenant acheté – il a la piqûre de la nature. « J’ai eu comme une révélation. Le matin, j’allais marcher en raquettes dans le bois avec mon chien. Je suis revenu transformé, parce que je me suis rendu compte à quel point j’étais bien tout seul dans le silence », dit ce communicateur qui a fait de la parlote son gagne-pain.
« Je ne fais pas encore des câlins aux arbres, mais je suis profondément bien dans le bois », avoue-t-il.
Ce n’est plus tant le chrono qui le motive que le fait de s’immerger dans l’immensité de la nature et de prendre le temps de vivre sa course. « En trail, tu n’as pas le choix de ralentir de temps en temps. Tu es plus en contemplation. Quand tu arrives au sommet, tu as un 360 degrés… c’est tellement beau! C’est quand la dernière fois dans une course sur route que tu t’es arrêté pour te dire : c’est donc ben beau!? »
Influence positive
Cette passion pour le sport en pleine nature, il la partage abondamment sur les réseaux sociaux. Conscient de son rôle d’influenceur – il a aussi presque 42 000 abonnés sur Instagram – il espère être en mesure d’insuffler l’envie à certains d’essayer la discipline.
Il a choisi de faire de son fil Instagram la chronique d’un gars actif en pleine nature. « Donner aux gens le goût de sortir et d’aller faire du sport et du plein air, c’est un de mes objectifs non avoués. Je ne le fais pas pour ça, mais tant mieux si c’est l’impact que ça peut avoir. »
Il influence déjà, on lui dit régulièrement. Des gens le trouvent inspirant et ont eu envie de se mettre à la course après avoir écouté son émission. Certains se souviennent de son combat contre la maladie et voient qu’il a pris un beau rebond, plein de vie et d’énergie.
« L’an prochain, je vais avoir 50 ans », dit-il, avec, peut-être, une petite pointe d’agacement. Mais une belle façon de passer au-delà du chiffre, ce serait d’attaquer un ultra correspondant à son âge. Il y pense. Il ne veut pas brûler les étapes. Mais passer par-dessus la difficulté, il sait qu’il en est capable, et il en a même envie.
Le départ de la course 5 Peaks est donnée le dimanche matin, « qu’il pleuve, neige ou qu’il fasse 42 degrés Celsius », dit l’organisation. À ce moment de l’année, il peut même y avoir des « pluies » de chenilles lorsqu’il vente tellement il y en a dans les arbres. Une course pour vrais badass.
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