Anne-Marie Comeau connaît bien le mont Saint-Anne. Elle a grandi tout près, dans le village de Saint-Ferréol-les-Neiges. Skis ou chaussures de course aux pieds, la fondeuse olympique canadienne – PyeongChang 2018 – s’entraîne depuis toujours sur les innombrables pistes et chemins qu’offre cette terre d’activités de plein air, située à seulement quarante kilomètres au nord-est de Québec. Désormais installée à Beaupré avec son compagnon, l’ancien triathlète reconverti au trail Jean-Philippe Thibodeau, la jeune femme de 27 ans peut observer depuis sa fenêtre cette montagne de la chaîne des Laurentides. Cet été, elle a remporté pour la troisième fois l’un des formats courts du Québec Méga Trail (le QMT 25, un 26 km pour 950 m D+) dont elle détient le record en 2 h 06 min. Rien d’étonnant, la course se déroule là, dans son jardin. « Je connais le parcours par cœur, avoue-t-elle. Une succession de portions exigeantes, mais relativement roulantes, qui me permettent de transposer au trail mes qualités de vitesse. »
Avec son sommet culminant à 803 m d’altitude et ses vues sur le fleuve Saint-Laurent, le mont Saint-Anne est le berceau du Québec Méga Trail. Jean Fortier, le directeur général et fondateur de l’événement, le qualifie de « montagne par excellence », où les coureurs de la région viennent chercher du dénivelé, enchaînent les « up and down », profitent à fond des 200 à 300 km de sentiers répartis dans un rayon de 15 km2. Les neuf courses au programme s’y achèvent, non loin d’un lac et de la fameuse rivière Jean Larose, dont les chutes attirent de nombreux touristes. C’est le cœur du réacteur du QMT, l’une des principales stations de ski du Québec transformée le temps d’un week-end en village de trail avec sa ligne d’arrivée, son écran géant, ses animations et ses spectacles pour enfant.
Mais l’aura du QMT dépasse largement les versants du mont Saint-Anne. Surtout depuis 2021 et la création d’un « 100 miles », le seul de la province à proposer une traversée sans repasse ni aller-retour. Une rareté permise notamment par la construction il y a quelques années d’une passerelle enjambant la tumultueuse rivière Saint-Anne pour relier le sentier des Caps à celui du Mestachibo. « Pour nous, cela a été un tournant, explique Jean Fortier. Une occasion en or d’imaginer des parcours plus longs, continus, mettant en valeur toutes les richesses de ces territoires autour de Québec et de Charlevoix. »
Le Mestachibo, sentier « infernal »
L’itinéraire démarre de Baie-Saint-Paul, « un village plein de charme avec ses galeries d’art, ses petits restaurants et ses microbrasseries », décrit Jean Philippe Thibodeau, qui y est né. Déjà vainqueur du QMT 50 et du QMT 80, l’athlète local vante la beauté de la zone de départ, organisée dans un hôtel construit au sein de plusieurs corps de ferme encore en activité. Un cadre à la fois bucolique et moderne, à l’image du réseau de sentiers empruntés par les concurrents sur les premiers kilomètres de la course. Le début du parcours longe le fleuve Saint-Laurent, qui coule en contrebas, ainsi que la fameuse route 138, l’une des plus anciennes du Canada, la plupart du temps dissimulée par la végétation.
Vient ensuite le Sentier des Caps, plus vieux et sauvage, jonché de racines, de roches inégales et de chemins humides, inondés et boueux lorsque la pluie s’invite à la fête. « À partir du massif de Charlevoix, tu rentres vraiment dans un autre monde, dépaysant et beaucoup plus techniques en matière de sentiers, commente Jean Fortier. Tu te sens loin, très profond dans les bois. » « En restant attentif et concentré, ça se court quand même bien, assure Anne-Marie Comeau qui l’arpente régulièrement. Et puis l’hiver, en raquettes, c’est aussi très agréable. » Par moments, sur les hauteurs, la densité de la flore s’adoucit, révélant des points de vue saisissants sur le fleuve.
À l’issue de cette longue portion se trouve Saint-Tite-des-Caps, peu après la mi-course, où un ravitaillement sur un terrain de football accueille des coureuses et des coureurs déjà harassés par l’exigence de l’itinéraire, ainsi que leurs proches venus les soutenir au sortir de la forêt. C’est là que Jean-François Cauchon, deuxième de ce « 100 miles » en 2022, a passé plus de trois quarts d’heure cette année, la faute à des troubles digestifs. Avant d’abandonner un peu plus loin, au kilomètre 124. « Cela fait plusieurs compétitions que le scénario se reproduit, explique-t-il. Au bout d’un moment, je vomis tout ce que j’ingère, je n’ai plus d’énergie, plus de fun, et je me dis qu’il vaut mieux arrêter. »
Celui qui compte parmi les meilleurs ultra-traileurs canadiens aura malgré tout eu le temps d’affronter le très redouté Mestachibo, que la plupart des initiés décrivent comme « infernal ». Étendu sur une quinzaine de kilomètres, ce sentier considéré comme l’un des plus pénibles du Québec passe à la fois sur des crêtes et dans le fond d’un canyon où gronde la rivière Saint-Anne. « C’est un terrain très accidenté, difficile à courir, détaille Jean-François Cauchon, 7e de la Diagonale des fous 2019. Il y a des roches partout et il faut parfois mettre les mains pour monter et descendre. Certains coureurs le détestent, vraiment. » « C’est probablement la portion la plus lente de notre 100 miles », confirme Jean Fortier, qui ne s’en plaint pas.
Un territoire riche d’Histoire
Au début du Mestachibo, les participants du QMT couvrent une portion baptisée « la Dalle humide », un hommage à cette construction ingénieuse imaginée par les ouvriers forestiers – les draveurs – pour transporter les billes de bois recueillies en amont du barrage des Sept-Chutes. Un vestige, aussi, de l’époque où le commerce de ce matériau faisait prospérer la région et le Canada tout entier, durant la majeure partie du 19e siècle. Parcourir ces sentiers est donc autant un voyage à travers les montagnes qu’à travers les âges, tant l’itinéraire proposé sillonne des territoires riches d’Histoire.
Après un tel périple, on pourrait croire que l’apparition du mont Saint-Anne est un soulagement. Loin s’en faut. Sur le « 100 miles » comme sur le 110 km, il faut le parcourir de fond en comble avant de rallier la ligne d’arrivée. « C’est pour ça que je préfère le QMT 80, rigole Jean-Philippe Thibodeau. Au moins, pas de blagues, une fois le Mestachibo effectué, tu files directement vers la ligne d’arrivée. » Sportif accompli passé par le triathlon et la course sur route, le natif de Baie-Saint-Paul loue l’ambiance de l’événement où il revient chaque année, « communautaire et festive », presque une marque de fabrique des trails au Québec.
Reste qu’avant de « chiller » au mont Saint-Anne une fois l’arche franchie, mieux vaut savoir où l’on met les pieds. « Les coureurs qui connaissent mal le coin ont parfois tendance à regarder le dénivelé, assez faible relativement à la distance, et à se dire que c’est plutôt tranquille, raconte Jean-Philippe Thibodeau. Ce ne sont pas les mêmes genres de trail qu’en Europe, c’est sûr, mais c’est un tout autre challenge. C’est traître, casse-patte, sans répit. » De quoi même, parfois, attraper une crise de nerfs, loin au fond du bois.
À compter de 2024, le Québec Méga Trail fera partie des neuf ultra-trails au calendrier du nouveau circuit international World Trail Majors avec entre autres la Transgrancanaria en Espagne, le MIUT au Portugal, l’Ultra-Trail Cape Town en Afrique du Sud ou encore le Black Canyon Ultras en Arizona.
Le petit + Bonjour Québec
👉 Les coups de cœur des coureurs
Le sentier incontournable Jean-Philippe Thibodeau avoue entretenir avec le Mestachibo « une relation amour-haine ». Il fait l’unanimité parce qu’il effraie autant qu’il fascine. Le panorama le plus incroyable Jean Fortier, le fondateur du Québec Méga Trail, adore la vue depuis le mont Liguori, avec en point de mire toutes les montagnes de Charlevoix ainsi que L’Isle-aux-Coudres. Patrouilleur de ski à temps partiel au mont Saint-Anne, il affirme ne jamais se lasser du panorama au sommet : « majestueux, le Saint-Laurent d’un côté et les Laurentides de l’autre ». Le plus beau village Point de départ du « 100 miles », Baie-Saint-Paul fait l’unanimité, incontournable avec ses galeries d’art, ses restaurants et ses plages le long de la rivière du Gouffre et du fleuve Saint-Laurent. Le coin secret Jean Fortier nous livre son sentier de vélo favori, sur les flancs du mont Férréol : le sentier Pénélope. « Avec les couleurs de l’automne, la forêt d’érable est exceptionnelle », souligne-t-il. Pour ceux qui voudraient s’adonner au trail tout en restant en ville, Jean-François Cauchon confie son coup de cœur pour les sentiers de la rivière du Cap Rouge, à Québec. Le spot pour « chiller » après la course Anne-Marie Comeau et Jean-Philippe Thibodeau plaident pour la bière et les microbrasseries, notamment celles de Saint-Ferréol-les-Neiges et de Beaupré. Dotée d’une belle terrasse sur le bord du fleuve, « Les Beaux Prés* » est leur favorite, avec sa vue sur l’île d’Orléans. |
*Quelques liens Bonjour Québec pour explorer la région :
👉 Québec
👉 Baie-Saint-Paul
👉 Charlevoix
👉 Fleuve Saint-Laurent
👉 Sentier des Caps
👉 Microbrasserie Les Beaux Prés
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