Les courses Gaspesia 100 : des trails de caractère entre terre et mer

Région Gaspésie / Ultra-Trail Gaspesia 100, Ultra-Trail Forillon et Série Trail Polaire Gaspesia 

1ère édition de l'Ultra-Trail Forillon (2023) - Photo : Événements Gaspesia
1ère édition de l'Ultra-Trail Forillon (2023) - Photo : Événements Gaspesia
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La première fois qu’Eric Lévesque a participé à la Série Trail Polaire Gaspesia, c’était chez lui, à Matane, là où il est aujourd’hui directeur adjoint d’une école secondaire. Il se souvient de la température glaciale, – 26 degrés, de sa barbe gelée et de sa victoire sur le 10 km. L’ambiance amicale l’a surtout marqué, intimiste, comme sur l’Ultra-Trail des Chic-Chocs qu’il organise tous les étés au nord de la Gaspésie, autour du fameux mont Albert. « En Gaspésie, même par grand froid il y a une chaleur, un sens de l’accueil », résume-t-il. Chaque année, de manière itinérante et au sein de différentes stations de ski de la péninsule, la Série Trail Polaire propose des épreuves hivernales de plusieurs distances, en course à pied ou en skimo – cette année, c’est le 17 février au Mont-Bechervaise et le 16 mars dans le Parc du Mont-Saint-Mathieu. Elle fait partie intégrante de ce que l’on appelle : les Événements Gaspesia. 

Au Québec, la Gaspésie a des airs de bout du monde, une extrémité géographique cernée par le Saint-Laurent, son fleuve et son golfe, et au loin l’océan Atlantique. Les deux autres temps forts de ces Événements Gaspesia – le Gaspesia 100 et l’Ultra-Trail Forillon – se déroulent là, à 10 heures de route de Montréal, sur ce territoire authentique, parfois perçu comme une contrée lointaine et désertée, avec son folklore et ses décors de carte postale. À la tête de ces rassemblements locaux, il y a un homme, Jean-François Tapp, un gamin du cru devenu un personnage emblématique de la région et de la communauté du trail au Québec. Il y a grandi dans les années 1990, à une époque où les parents disaient à leurs enfants d’en partir, de s’éloigner du déclin de toutes les industries qui avaient fait jusque-là la réputation des environs, le bois et la pêche, la mine. « J’ai pris un malin plaisir à faire le contraire de ce que l’on me conseillait, plaisante-t-il. C’est mon côté punk ».

Le natif de Rivière-au-Renard – aujourd’hui fusionné à Gaspé – évoque surtout un « sentiment d’appartenance » propre aux habitants de la Gaspésie, un attachement viscéral à leur territoire. L’envie de le faire connaître. Adolescent, Jean-François Tapp a joué au hockey sur glace, et sur son chandail il y avait un dessin de la péninsule, qu’il était fier d’arborer un peu partout dans la province. Après ses études à Trois-Rivières, lorsque le jeune homme est rentré au pays malgré les mises en garde familiales, c’est sa passion du vélo de montagne qui lui a donné l’idée d’organiser des événements sportifs pour mettre en valeur son coin de paradis. C’est ainsi que naît, en 2015, le MTB Marathon (MTB pour Mountain Bike, NDLR) puis l’année suivante, sa version trail : l’Ultra-Trail Gaspesia 100, une course qui sillonne notamment le Géoparc mondial UNESCO de Percé. Entre terre et mer, à l’image de la Gaspésie. « C’est ce qu’il y a de plus impressionnant ici, raconte-t-il, cette dualité. Courir sur des plages ou le long des falaises et puis, plus tard, basculer dans la forêt et des sentiers escarpés. »

« Broche à foin de luxe »

Rocher Percé
Sur le parcours du Gaspesia 100 avec vue sur le Rocher Percé – Photo : Dominic Lafleur

Les départs de ses courses correspondent eux aussi à l’atmosphère locale, artisanaux et bruts, sans fioritures. Magiques pour celles et ceux qui préfèrent aux foules des grands jours les ambiances confidentielles. Peu nombreux, les participants ont le temps de faire connaissance avant le lancement des hostilités. Pas d’arche. Pas de sono. Avec sa salopette et sa tuque, Jean-François Tapp donne le « go » de son « 100 miles » au bord de l’eau, en équilibre sur une embarcation. En toile de fond il y a le bruit des vagues, les cris des oiseaux, et les pêcheurs en train de sortir des flots leurs casiers qu’ils espèrent garnis de homards. Sur le sable, la ligne est tracée au dernier moment, à l’aide de bois flotté. Une année, il a dû offrir à certaines coureuses et coureurs des brassards de flottaison. « C’était marée haute, et je savais qu’à certains endroits l’eau allait monter jusqu’au torse des participants, se remémore Jean-François Tapp. J’ai demandé si tout le monde savait nager. Ils croyaient que je rigolais, mais j’étais sérieux, et on s’est arrangés pour assurer la sécurité de ceux qui étaient le moins à l’aise avec ces conditions particulières. »

Normand installé au Québec depuis plusieurs années, Thomas Duhamel n’a lui jamais eu besoin de bouée pour venir à bout des trois éditions du Gaspesia 100 sur lesquelles il s’est aligné. Il a remporté la victoire à chaque fois. Pourtant, en 2017, des trombes d’eau se sont abattues sur les concurrents durant toute la course. Un déluge, transformant les sentiers en tranchées remplies de boue. À tel point que ce jour-là, le jeune père de deux enfants a été le seul à franchir la ligne d’arrivée sur la distance. « Je l’ai pris à la rigolade, en me disant que j’allais sûrement mettre beaucoup plus de temps que prévu, mais qu’il fallait avancer, témoigne-t-il. J’étais naïf et ça m’a aidé, je pensais que faire du trail au Québec, c’était ça. » Il se rappelle encore la fin de son calvaire, trempé jusqu’aux os, avec Jean-François Tapp assis sur le devant de son pick-up en guise de finish line lui glissant : « Alors, t’es le premier, mais tu es le dernier aussi ». « J’avais l’impression de vivre un film, confesse-t-il. Moi, le petit Français, immergé en pleine Gaspésie. »

Thomas n’oubliera jamais les panoramas sur le Rocher Percé et l’île Bonaventure, joyaux de la région d’où s’envolent des nuées de Fous de Bassans. Lors de sa deuxième participation, il a sans doute vécu l’un des plus beaux couchers de soleil de toute sa vie. Après des dizaines et des dizaines de kilomètres parcourus, alors qu’il empruntait la plage de Coin-du-Banc, l’athlète a aperçu un phoque à l’horizon, qui suivait sa trajectoire depuis la mer. Sur les galets, sa compagne et leur chien l’accompagnaient aussi, sous un ciel aux mille nuances de rose. « C’est une course à part, assure-t-il. C’est tellement beau. Tellement authentique. » Il lui est déjà arrivé, en pleine course, d’aider des bénévoles qui avaient attendu des heures dans la nuit et le froid sans trop savoir quand les participants allaient passer par-là. En Gaspésie, il y a un terme pour définir l’organisation des événements développés par Jean-François Tapp : « broche à foin de luxe ». Autrement dit, avec les moyens du bord, mais un cœur quatre étoiles. 

La Gaspésie finalement, c’est là où tout commence

jean-françois tapp
Discours du capitaine Jean-François Tapp avant l’un des départs du Gaspesia – Photo : Dominic Lafleur

La championne Anne Bouchard a, elle aussi, des racines gaspésiennes. Sa famille est originaire de la région. Petite, elle ne se rendait pas forcément compte de la dimension spectaculaire des paysages. Elle vivait à Québec et ne rejoignait Sainte-Anne-des-Monts que pour les vacances d’été, jouer au rythme des marées, s’amuser sur la grève et faire des feux avec les morceaux de bois. Ce n’est que bien plus tard, à l’âge adulte, qu’elle a vraiment pris le temps de redécouvrir la terre de ses ancêtres, lorsqu’à 38 ans et après la naissance de son deuxième enfant elle s’est mise à la course en sentier. « Ça a été un choc, raconte-t-elle. Avant, pour moi, ces montagnes, c’était la nature sauvage et le danger. J’ai adoré m’y replonger différemment, les apprivoiser. » La coureuse, qui vit aujourd’hui du côté de Bromont dans les Cantons-de-l’Est, rappelle que la péninsule ne contient pas seulement ses racines à elle, mais aussi celles de nombreux Canadiens. En 1534, c’est là que le navigateur Jacques Cartier a débarqué, faisant de cette immense avancée en pleine mer une terre d’accueil. La Gaspésie finalement, c’est là où tout commence. 

En pleine pandémie de Covid-19 et d’arrêt des compétitions, Anne Bouchard nourrit l’envie de traverser dans toute sa longueur ce territoire retrouvé, via le fameux Sentier international des Appalaches. Entre le 18 et le 29 août 2021, elle se lance sur ce parcours de 635 kilomètres et 24 000 mètres de dénivelé positif entre Matapédia et le cap Gaspé. Un périple éprouvant au sein d’une végétation dense, qu’elle réalise en 11 jours et demi sur les traces de Mathieu Blanchard, le premier à avoir entrepris cette folle aventure en 2020, en un peu plus de sept jours. Dans son livre « Vivre d’aventures », l’ultra traileur franco-canadien écrit : « Je sais de réputation la rudesse de la Gaspésie, de tous ses recoins coupés du monde ou chaque pas est une occasion de trébucher, où les montagnes vous offrent leurs faces les plus raides et vous laissent vous débrouiller avec une corde ». Avant de prendre la route, Anne Bouchard avait eu Mathieu Blanchard au téléphone et elle se souvient avoir ressenti exactement ce qu’il lui avait décrit concernant la fin de l’itinéraire. La délivrance de retrouver la mer après des jours enfermée dans le bois. Respirer à nouveau. Voir grand, l’eau et la terre. Cette fameuse dualité.

À l’issue du sentier – le GRA1, premier chemin de grande randonnée en Amérique du Nord -, il y a le parc national Forillon, là où a lieu en partie le dernier né des Événements Gaspesia, l’Ultra -Trail Forillon. Sa première édition s’est déroulée au mois de septembre 2023 et Thomas Duhamel ne voulait pas manquer l’occasion, afin de pouvoir regoûter aux frissons de ses débuts dans la région. Il s’est imposé sur le 100 km, un parcours linéaire entre la Pointe-à-la-Renommée et le cap Gaspé. Jean-François Tapp en donne le départ depuis l’emblématique phare rouge, centenaire, qui fut la toute première station de télégraphie en Amérique du Nord. On le surnomme le « phare voyageur ». Abandonné pendant plusieurs années, il est relocalisé en 1977 à Québec. Jusqu’à ce qu’à la fin des années 1990, des citoyens de Gaspésie, dont de nombreuses femmes, ne parviennent à le faire rapatrier. « Certaines d’entre elles étaient là le jour de la course, raconte Jean-François Tapp, émues de voir des coureurs d’un peu partout dans le monde se tenir devant leur phare, un symbole de la fierté locale. » Et de ce fameux sentiment d’appartenance.

Le petit + Bonjour Québec
👉 Les coups de cœur des coureurs

Le sentier incontournable
Eric Lévesque plébiscite le sentier de l’île Bonaventure sur laquelle se déroule l’une des plus petites distances du Gaspesia 100. « L’occasion de voir de plus près les Fous de Bassans qui y ont élu domicile, et d’admirer le Rocher Percé sous un angle inédit », résume-t-il. 

Le panorama le plus incroyable
Justement, si toutes les vues sur le Rocher Percé et l’île Bonaventure font l’unanimité, Jean-François Tapp se fait lui plus précis : « Il faut les voir depuis le belvédère du Pic de l’Aurore, avec le village de Percé en contrebas ».

Le coin secret
Pour Jean-François Tapp, il s’agit de la plage de L’anse du Nord, à Percé, là où il se rend régulièrement avec ses enfants. « C’est un endroit peu fréquenté, ultra tranquille, alors que c’est magnifique ». De là, on peut voir le Rocher Percé sans son trou, avec à côté le Mont-Joli. 

Le spot pour « chiller » après la course
Pour Thomas Duhamel cela ne fait aucun doute, c’est à la microbrasserie Pit Caribou qu’il faut se rendre, la bière officielle de la course, avec en effigie son marin bourru à la grosse barbe. D’ailleurs, l’une des courses du Gaspesia 100 démarre… en ouvrant la porte du garage de l’usine où est brassée la bière, à L’Anse-à-Beaufils.

*Quelques liens Bonjour Québec pour explorer la région :

👉 Gaspésie
👉 Gaspé
👉 Percé
👉 Sentier international des Appalaches (GRA1)
👉 Ultra-Trail Gaspesia 100
👉 Parc national Forillon
👉 Parc national de la Gaspésie
👉 Parc national de l’île Bonaventure et du Rocher Percé
👉 belvédère du Pic de l’Aurore
👉 microbrasserie Pit Caribou
👉 Où aller au Québec


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