Légume longtemps oublié, la betterave connaît un regain de popularité depuis quelques années auprès des sportifs. Les effets attendus sont-ils au rendez-vous?
De la théorie…
La betterave est riche en vitamines, en antioxydants et en nitrates. Ce sont précisément ces nitrates qui seraient intéressants pour les sportifs, puisque lorsqu’ils sont digérés, ils sont transformés en oxyde nitrique (NO), un puissant vasodilatateur.
Lorsque l’oxyde nitrique circule dans le vaisseau sanguin d’un muscle, il induit sa dilatation et y augmente l’afflux de sang. Plus de sang dans les muscles leur amène davantage d’oxygène, et donc, plus d’énergie!
Il a aussi été démontré que l’oxyde nitrique augmente l’efficacité énergétique des cellules musculaires. Un muscle exposé à l’oxyde nitrique brûle moins d’énergie pour effectuer un même mouvement. Cela se reflète notamment en une meilleure capacité contractile et relaxante.
… à la pratique
Concrètement, les études ont démontré que le jus de betterave avait un effet positif ou neutre sur la performance dans le cadre d’épreuves d’endurance. L’effet demeure toutefois modeste : une amélioration de 0 à 2 % de la performance.
Notez également que chez les athlètes entraînés, les résultats sont plutôt mitigés. Il est donc possible de suspecter que lorsque l’entraînement a déjà été maximisé, l’effet bénéfique du jus de betteraves serait négligeable.
Il en va de même pour les effets observés dans des conditions où la disponibilité en oxygène est restreinte, notamment en altitude.
Quoi qu’il en soit, l’Institut australien du sport recommande désormais son utilisation chez les athlètes.
Le protocole
Certaines études suggèrent de consommer les betteraves tous les jours pendant une semaine avant la compétition pour augmenter (légèrement, on répète) l’endurance dans des épreuves à intensité sous-maximale.
Le plus important est d’en consommer le jour même, environ 2-3 heures avant l’épreuve, puisque c’est le délai pour que la concentration en oxyde nitrique soit à son maximum dans le sang. L’effet sur la performance se produit environ 150 minutes après sa consommation.
Pour atteindre les quantités recommandées en nitrates via votre alimentation, il faudrait que vous consommiez au moins 1,5 tasse de betteraves. Sous forme liquide, il faudra 500 ml de jus de betterave ou 70 ml de concentré de jus de betteraves pour atteindre les doses recommandées.
Sachez toutefois que le fait de laver, de peler et de cuire les légumes peut en diminuer le contenu en nitrate.
Attention aussi de ne pas vous gargariser de rince-bouche avant ou juste après avoir consommé du jus de betterave. Cela détruirait les précieuses bactéries qui sont responsables de la dégradation des nitrates dans votre bouche. Vous perdriez ainsi l’effet escompté.
Autres sources alimentaires de nitrates
Un bon nombre de légumes contiennent naturellement des nitrates. En voici quelques-uns, avec la quantité de nitrates associés à une valeur de référence de 1 kg de légumes.
- Roquette : 2597 mg
- Épinard : 2137 mg
- Laitue : 1893 mg
- Radis : 1868 mg
- Bette à carde : 1597 mg
- Betterave : 1459 mg
- Chou chinois : 1388 mg
Il vous faudra manger beaucoup de verdure afin d’atteindre un apport significatif en nitrates. Voilà pourquoi l’option du jus de betteraves est privilégiée. Si Popeye avait su qu’il y avait une autre option que les épinards en boîte!
Y a-t-il un risque pour la santé?
Les nitrites alimentaires que nous retrouvons notamment dans les charcuteries à titre d’agents de conservation ont souvent été pointés du doigt quant à leur potentiel cancérigène.
Cela dit, rien ne prouve un lien entre les nitrates contenus dans les légumes et le cancer. Au contraire, les légumes contiennent plusieurs molécules ayant des propriétés anti-cancérigènes.
Ce serait plutôt lorsque les nitrites forment une molécule appelée nitrosamines que l’effet sur la santé s’en trouverait potentiellement délétère.
Ce processus a toutefois peu de chances de se produire suite à la consommation de légumes puisque les antioxydants, tels que la vitamine C contenue dans les légumes, inhibent le processus de formation des nitrosamines.
Petit bémol à garder en tête
Bien qu’il n’y ait aucun risque pour la santé à consommer du jus de betteraves, plusieurs coureurs rapportent des troubles digestifs à l’effort et des envies urgentes suite à sa consommation.
Il y a fort à parier que vous ne bénéficierez pas d’un effet positif sur votre performance si vous devez vous arrêter à la toilette durant votre course!
Un petit essai lors de vos entraînements quelques semaines avant le grand jour serait certainement une bonne idée afin de tester votre tolérance à ce produit.
Un article écrit en collaboration avec Jean-Philippe Drouin-Chartier
Isabelle Morin est diététiste-nutritionniste et a complété un diplôme en nutrition sportive auprès du Comité international olympique. Elle est chargée de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières et collabore avec La clinique du Coureur. Vous pouvez la rencontrer dans la région de Québec ou à distance. Visitez sa page Facebook.
Jean-Philippe est membre de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec et doctorant en médecine expérimentale à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels. Il combine ses intérêts pour la science, la nutrition et la course à pied en collaborant avec Distances+.
Référence :
- Domínguez et al. Effects of Beetroot Juice Supplementation on Cardiorespiratory Endurance in Athletes. A Systematic Review. Nutrients 2017, 9, 43.