Les réserves en gras (tissu adipeux) de votre corps représentent une source d’énergie quasi inépuisable comparativement aux réserves de glycogène (glucides). C’est le cas même chez un coureur très mince. Cette réserve d’énergie est un atout sur une course de plusieurs heures… à condition d’être en mesure de bien l’utiliser à l’effort!
En consultation, un coureur m’a déjà dit : « Quand je cours un ultra, j’essaie d’être prêt à tout. Pouvoir compter sur mes réserves de gras pour me donner de l’énergie plutôt que de dépendre uniquement des glucides que je mange m’apparaît primordial. Puisque mon intensité de course est relativement faible, je sais que c’est faisable. »
C’est vrai. À une intensité relativement basse, comme lors d’un ultra, le corps utilise beaucoup ses réserves adipeuses comme source d’énergie. C’est différent des épreuves de demi-marathon ou de marathon, où le corps carbure principalement aux glucides à cause de l’intensité élevée. Lors d’un effort intense, le corps a besoin de beaucoup d’oxygène. Il privilégie alors un carburant demandant moins d’oxygène pour produire de l’énergie : les glucides. Les lipides requièrent beaucoup plus d’oxygène, ce qui les rend intéressants uniquement à basse intensité.
Comment faire pour développer cette capacité à utiliser les lipides?
Si vous êtes un coureur qui a toujours performé avec un apport optimal en glucides, il vous suffira d’un petit temps d’adaptation et de quelques stratégies pour devenir un meilleur brûleur de gras.
Mais attention! Il ne s’agit pas de suivre une diète faible en glucides. Ces derniers sont primordiaux pour bien récupérer et performer, principalement si vous réalisez parfois des entraînements à haute intensité. Il s’agit plutôt de stratégies de périodisation de l’alimentation, où certaines séances d’entraînement sont réalisées avec de faibles réserves de glucides afin de stimuler l’utilisation de vos réserves lipidiques. Le processus permet d’entraîner votre corps à mieux utiliser cette source d’énergie lorsque vous courez à basse intensité.
Voici quelques stratégies de périodisation qui peuvent être utilisées deux ou trois fois par semaine. Gardez en tête que ces stratégies doivent être utilisées dans le cadre d’entraînements à basse intensité et qu’une alimentation riche en glucides doit être présente lors des autres repas ou journée d’entraînement.
- S’entraîner à jeun le matin
Lorsque vous vous réveillez après une bonne nuit de sommeil, vos réserves de glycogène hépatique sont normalement abaissées puisqu’elles ont été utilisées durant la nuit pour maintenir votre glycémie normale. Un entraînement à ce moment vous permettra de stimuler l’utilisation de vos réserves adipeuses. Si vous n’avez pas l’habitude de courir à jeun, commencez par de courts entraînements ou ayez une collation avec vous à prendre en cas de faiblesse.
- Restreindre l’apport en glucides dans les heures suivant la fin d’un entraînement
C’est bien connu, afin de favoriser une récupération optimale, il est recommandé de consommer des glucides après un entraînement. En faisant le contraire, vous forcez votre corps à utiliser ses réserves lipidiques pour assurer sa récupération. Il est évident que la récupération sera plus longue! Prévoyez peut-être employer cette stratégie la veille d’une journée de repos afin que la récupération ne soit pas critique.
- S’entraîner deux fois dans la même journée avec des apports réduits en glucides entre les deux séances
Il s’agit de réaliser une première séance avec des réserves adéquates en glucides. Ce peut être une séance d’intervalles ou une course avec une intensité relativement élevée. Les réserves en glucides seront donc épuisées à la suite de cet entraînement. Ensuite, le fait de limiter les apports en glucides permettra de réaliser la deuxième séance dans un état où le corps doit aller puiser son énergie dans les réserves lipidiques. Assurez-vous de manger un dernier repas riche en glucides afin de bien récupérer de cette grosse journée! Vous pouvez également réaliser la première séance en soirée et la deuxième séance, à jeun, le lendemain matin. Il s’agit alors d’une situation où vous aurez à la fois épuisé vos réserves de glycogène musculaire et hépatique.
- Limiter l’apport en glucides à l’effort
Consommer un apport suffisant de glucides lorsque vous courez plus de
90 minutes est une recommandation de base afin d’éviter de frapper un mur. Toutefois, afin de stimuler votre corps à utiliser ses réserves lipidiques, il est possible de réaliser de longues sorties à très basse intensité en ne consommant pas de glucides. Ce faisant, votre corps devra progressivement utiliser davantage ses réserves lipidiques à mesure que le temps de course augmentera.
S’entraîner progressivement à devenir un meilleur brûleur de gras est certainement une stratégie qui devrait faire partie de la planification d’entraînement de tout coureur d’ultra. Vous serez ainsi moins dépendant de vos apports externes en glucides lors de votre course et aussi moins sujet aux variations importantes d’énergie à l’effort. Gardez toutefois en tête que les glucides demeurent nécessaires à la performance et doivent occuper une place de choix dans votre alimentation.
Isabelle Morin est diététiste-nutritionniste et a complété un diplôme en nutrition sportive auprès du Comité international olympique. Elle est chargée de cours à l’Université du Québec à Trois-Rivières et collabore avec La clinique du Coureur. Vous pouvez la rencontrer dans la région de Québec ou à distance. Visitez sa page Facebook.
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