Le Marathon des Sables, une épreuve très médicalisée

MDS 2023

couverture de survie
Photo : CIMBALY / MDS

Le 21 avril 2023, 1200 coureurs prendront le départ du 37e Marathon des Sables (MDS) dans le Sahara sud-marocain en autosuffisance alimentaire. Distances+ sera cette année au cœur de l’événement et vous propose à cette occasion un dossier spécial MDS, complémentaire du texte ci-dessous

👉 Se préparer physiquement aux spécificités du Marathon des Sables

👉 Préparer sa stratégie nutritionnelle pour le Marathon des Sables

👉 Préparer son matériel pour le Marathon des Sables

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La sécurité de tous, c’est l’obsession de Patrick Bauer, le fondateur et grand patron du Marathon des Sables. Il considère être « le gardien du troupeau » et, en ce sens, il répète qu’il ne lésine pas sur les moyens pour s’assurer que le maximum des participants de cette emblématique course à étapes dans le désert du Sahara aillent au bout de leur aventure. Dès la première édition du MDS, en 1986, il a confié la médicalisation de son événement à Gaston Peltre, chirurgien orthopédiste, baroudeur et spécialiste des missions de rapatriement médical pour plusieurs compagnies d’assistance. Dix ans plus tard, ce médecin charismatique a créé sa propre société, DocTrotter Medical Consulting Assistance. Gaston est décédé prématurément, mais sa femme puis sa fille Emma lui ont succédé (voir en bas d’article) et c’est toujours la « grande famille des DocTrotters » qui assure bénévolement la sécurité sanitaire et médicale du Marathon des Sables.

Distances+ s’est entretenu avec Cédric Bellard, 49 ans, médecin urgentiste et médecin du sport qui compte déjà trois MDS à son actif, deux en tant que médecin bénévole (2018 et 2019) et un autre en tant que coureur (2022). Il revient cette année avec l’équipe médicale. Il prodigue notamment ses derniers conseils pour passer une bonne semaine dans le désert.

Cédric Bellard
Cédric Bellard, marathonien des sables et médecin bénévole sur le MDS – Photo : Marathon des Sables

Distances+ : Vous êtes médecin urgentiste et médecin du sport, passionné de sport en général et de rugby en particulier. Vous êtes d’ailleurs médecin référent de deux équipes de rugby dans la région toulousaine. Comment vous êtes-vous retrouvé sur le Marathon des Sables en 2018?

Dr Cédric Bellard, de l’équipe DocTrotter : J’avais remplacé au pied levé un médecin bénévole qui s’était désisté 10 jours avant le départ. On devient « doctrotter » parce qu’on aime les défis, parce qu’on aime le sport et parce qu’on aime aider les coureurs. J’ai vraiment apprécié l’expérience qui rejoint ma double formation et ma double passion. Depuis, je reviens et franchement c’est magique!

Comment est organisé le staff médical sur place?

On est entre 50 et 60 professionnels de santé suivant les éditions [cette année, ils seront 61, NDLR], soit à peu près un tiers de médecins (urgentistes, anesthésistes, cardiologues, orthopédistes), un tiers de podologues (orientés sport) et un tiers d’infirmiers également spécialisés dans les interventions d’urgence. Les DocTrotters sont une grande famille, on y entre par le bouche-à-oreille, on est coopté par les anciens. Il y règne une belle ambiance. Notre devise, c’est « cool, mais pro ». Notre objectif est d’aider au maximum les coureurs. On fait tout ce qu’on peut pour les amener au bout de la course de leur rêve.

L’équipe est présente dès le départ et, ensuite, on est répartis par binôme à chaque CP (point de contrôle) et sur tout le parcours avec des véhicules 4×4. À la fin de l’étape, on se retrouve tous au bivouac pour accueillir les coureurs blessés. On les répartit suivant la gravité des pathologies avec une clinique spécialisée pour les problèmes de pieds et un « hôpital » plus axé sur le « médical ».

À la nuit tombée, la journée n’est pas finie pour tout le monde, car on maintient une permanence et une garde toute la nuit, au cas où…

Quels sont les principaux motifs d’interventions de votre part?

Sur les étapes en elles-mêmes, on traite quelques problèmes principalement ostéo-articulaires. Par contre, on fait beaucoup de prévention, on incite à boire, à prendre les pastilles de sel, on surveille les cas un peu limite d’un CP à l’autre. Sur la longue épreuve (environ 80 km), s’ajoutent des problèmes liés à la déshydratation. On fait vraiment notre maximum pour aider les coureurs à toujours continuer. On les réhydrate, on les surveille, et ils repartent le plus souvent.

Sur le camp, à la fin des étapes, on intervient énormément sur les pieds. On a quelques cas d’espèce comme des rages de dents, des poussées de fièvre, quelques pathologies aiguës, mais vraiment la grosse majorité des interventions est centrée sur les pieds.

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Il faut impérativement prendre soin de ses pieds sur le MDS pour que l’aventure ne se termine pas en calvaire – Photo : CIMBALY / MDS

Qu’est-ce que vous redoutez le plus?

C’est le décès d’un concurrent bien sûr, parce que c’est une situation dramatique [on compte trois morts en 36 éditions du MDS, NDLR].

On redoute aussi énormément les problèmes collectifs, comme lors du 35e MDS, en octobre 2021. Une vague de gastro-entérite et d’intoxication alimentaire avait « décimé » le camp. C’est très compliqué de gérer la masse sur du médical [cette édition avait d’ailleurs été également endeuillée par le décès d’un coureur français à la suite d’un malaise cardiaque au cœur des dunes de Merzouga, NDLR].

L’aspivenin fait partie du matériel obligatoire. Que risquent vraiment les coureurs dans le désert durant la semaine pour que cet ustensile soit exigé?

On trouve des scorpions et des araignées un peu agressives sur le camp, mais si on secoue ses chaussures avant de les enfiler le matin, tout se passera bien et la pompe à venin restera bien au fond du sac. 

Il y a très peu d’abandons sur le MDS comparé à un ultra type UTMB — 5 à 10 % contre 30 à 35 %. Les barrières horaires très larges facilitent la réussite, mais que fait concrètement l’équipe médicale pour parvenir à ce qu’un maximum de coureurs traversent la ligne d’arrivée?

On fait beaucoup de prévention, on soigne, on conseille, tout le monde est très attentionné. Contrairement à ce qui se passe sur les trails classiques, le staff médical ne va jamais prononcer le mot « abandon ». Ce n’est pas nous qui incitons le coureur à mettre le clignotant.

Sur un trail, si tu abandonnes, tu peux revenir l’année suivante. Sur le MDS, pour beaucoup c’est LA course de leur vie, de leur rêve. Et ils y ont mis une partie de leurs économies. Il FAUT aller chercher la médaille de finisseur. On les aide au maximum dans cette quête.

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Les pieds sont mis à dure épreuve sur le Marathon des Sables – Photo : Cimbaly

Quels sont concrètement les conseils de prévention que vous dispensez au quotidien?

Se protéger du soleil, ne pas économiser son eau — à moins de s’appeler Rachid ou Mohamed El-Morabity —, prendre sa bouteille à chaque CP, avec deux pastilles de sel à chaque bouteille entamée — c’est un bon repère. Surveiller ses urines, c’est un bon indicateur pour voir où l’on en est au niveau de la déshydratation. Dans le désert, on sue énormément et on perd donc énormément de sels minéraux, mais comme il y a souvent un petit vent, on ne le ressent pas forcément. À la fin, on le voit bien parce que les tee-shirts tiennent debout tous seuls!

Sur le camp, il faut aussi penser à bien s’alimenter, à se reposer et à chouchouter ses pieds. La course est plus facile sans pépins physiques alors c’est important de prendre le temps de penser à soi, de soigner le moindre petit bobo qui pourrait vite dégénérer et gâcher la fête.

C’est une bonne chose aussi d’anticiper un minimum d’hygiène générale et intime pour limiter les risques d’infections, éliminer le sel avec quelques lingettes et un peu d’eau, et bien nettoyer ses pieds, les faire respirer. Pour être prêt à repartir le lendemain et à profiter au maximum. 

Est-ce qu’il est pertinent de prendre une petite trousse de pharmacie?

On vous déconseille d’avoir recours à l’auto médication. Vous croiserez des médecins tout au long du parcours. Demander conseil avant toute prise de médicament est primordial. Par exemple, une diarrhée peut être le symptôme de divers problèmes et s’automédicamenter peut vous faire passer à côté d’un problème important.

Évidemment, les anti-inflammatoires sont à exclure. La déshydratation est vraiment un facteur de risque supplémentaire avec ce type de médicament. Toutes les prises d’antalgiques sont tracées pour gérer les doses. Bref, non, il n’y pas besoin de trousse à pharmacie sur le MDS. 

Un conseil en plus?

C’est une bonne idée de se coller des bandes de « tape » sur le dos, les épaules et d’une manière générale sur les zones de frottement avec le sac parce que les irritations peuvent vraiment gâcher l’aventure.


Les DocsTrotters, une histoire de famille 

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L’équipe des DocTrotters sur le Marathon des Sables 2022 – Photo : Courtoisie

Gaston Peltre est décédé prématurément en 2012. C’est sa femme Anne, puis en 2018 sa fille Emma, qui ont repris la gérance de la société DocTrotter pour perpétuer sa mémoire et pour faire vivre son « bébé ».

Emma est présente sur le Marathon des Sables depuis ses 14 ans. C’était une évidence pour elle de reprendre le flambeau de son père, et de préserver le côté très familial, très humain qu’avait instauré son père dans ses équipes de soignants. Même si l’événement a pris de l’ampleur et que l’équipe médicale bénévole s’est agrandie, la philosophie, les valeurs de la société restent les mêmes : être cool, mais pro, apporter du soin et de l’aide aux coureurs afin qu’ils se dépassent, dans le plaisir du sport. Si médicalement c’est possible, les DocTrotters sont là avec l’objectif d’accompagner les coureurs jusqu’à la ligne d’arrivée.

Chaque année, environ un tiers des bénévoles sont renouvelés. Le recrutement se fait par bouche-à-oreille. Frédéric Compagnon, le directeur médical du Marathon des Sables depuis plus de 20 ans, étudie minutieusement le CV de chaque nouveau postulant afin de constituer une équipe la plus équilibrée possible. Cette année, ils seront 61 DocTrotters pour soigner 1200 coureurs. Il rassemble ses troupes début février pour un grand briefing et une première plongée dans l’aventure. Chacun reçoit sa fiche de poste clairement explicitée pour qu’une fois sur le terrain tout roule sans anicroche sur toutes les étapes.

Emma Peltre s’occupe particulièrement de toute la partie logistique et se charge d’acheminer les 136 modules (3 tonnes, 20 m3) qui partent par la route et les huit énormes malles qui voyagent, elles, par avion. À l’intérieur, tout est prévu pour pouvoir déployer un mini hôpital ambulant qui va suivre les centaines de coureurs et de bénévoles tout au long des étapes.

Contrairement aux débuts de DocTrotter, la société ne médicalise plus que le Marathon des Sables. « On a fait ce choix de se centrer sur cet événement pour perpétuer l’organisation de mon père, on le fait bien, avec passion et beaucoup d’humanité », assure Emma.


Maria Semerjian est professeure agrégée d’éducation physique et sportive à l’Université Toulouse III Paul Sabatier. Elle fait partie de l’équipe enseignante d’un cours en ligne ouvert à tous (MOOC) consacré à l’entraînement sportif en trail et en ultra-trail. Maria a également porté l’étiquette d’ultra-traileuse élite, avec une soixantaine de trails à son actif, dont six victoires (Grand Raid des Pyrénées, 100 miles du Sud de la France, Festival des Hospitaliers, Restonica Trail…) et une vingtaine de top 3 en carrière. Elle a notamment terminé 3e du Tor des Géants, 6e de la Diagonale des fous et 8e de l’UTMB. En 2022, elle a terminé 3e du 100 miles de la Swiss Alps (160 km, 9900 m D+).


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