Le 21 avril 2023, 1200 coureurs prendront le départ du 37e Marathon des Sables (MDS) dans le Sahara sud-marocain en autosuffisance alimentaire. Distances+ sera cette année au cœur de l’événement et vous propose à cette occasion, en amont, un dossier spécial MDS.
Comment se préparer adéquatement à cette longue épreuve d’environ 250 km en 6 étapes, dont une longue de 80 km, dans le désert?
Vous retrouverez dans cette série d’articles — qui seront publiés régulièrement jusqu’au terme de l’épreuve — des scientifiques, des entraîneurs, des professionnels de la santé et de la nutrition, des coureurs expérimentés et d’autres qui se lanceront pour la première fois dans l’aventure. Tous témoignent et partagent leur expérience et leurs connaissances sur ce périple hors du commun.
Même si, pour la plupart des participants, le MDS est « une grande aventure humaine davantage tournée vers les rencontres et le partage que vers la performance sportive », même si les barrières horaires sont très larges et que plus de 90 % des traileurs franchissent généralement la ligne d’arrivée, pour le commun des mortels, il ne s’improvise pas. Vous retrouverez tout au long de ce dossier des conseils pratiques pour une préparation réussie, que ce soit en 2023 ou pour les années à venir, afin que cette traversée du désert ne soit pas une semaine de souffrance.
Voici les athlètes qui ont répondu à Distances+ et que vous retrouverez au fil des articles : Mathieu Blanchard, Julien Chorier, Sylvaine Cussot, Brunilde Girardet, Yvan L’Heureux, Mérile Robert et Anna Sylvestre-Treiner
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Préparer son matériel pour le Marathon des Sables
Le Marathon des Sables est une course en semi-autonomie. Chaque participant doit transporter sur lui l’intégralité de son matériel pour les sept jours de course. Et, bien évidemment, c’est une épreuve qui se déroule dans le désert, un environnement singulier pour la majorité des coureurs, qui doivent se préparer à utiliser un matériel spécifique. Distances+ consacre le troisième volet de son dossier spécial MDS à toute cette partie « matériel ». On fait le tour du matériel obligatoire et on passe en revue les chaussures de course, les vêtements et les besoins essentiels et conseillés pour la vie sur le camp, en proposant des pistes pour faire des choix éclairés.
Sur le Marathon des Sables, la liste du matériel obligatoire n’est pas aussi impressionnante que sur d’autres ultra-trails. Elle se focalise sur quelques éléments de sécurité. Mais remplir son sac est malgré tout un casse-tête pour trouver le meilleur compromis poids/prix/confort/performance, en sachant qu’on ne croise jamais de refuges comme en montagne ou de petites épiceries de villages où dénicher une collation ou remplacer sa paire de lacets.
Quel est l’équipement à prévoir pour le Marathon des Sables, des pieds à la tête?
Les chaussures
Faut-il opter pour une chaussure de course sur route ou un soulier de trail? Les avis et les choix divergent.
L’athlète élite Julien Chorier, avait opté pour des « route », en l’occurrence les Hoka Cavu (il est team manager de l’équipe Hoka).
Sylvaine Cussot, à l’inverse, est partie en 2022 avec ses Fuji Lite, une chaussure légère typée trail de son équipementier Asics.
L’athlète franco-canadien Mathieu Blanchard prendra le départ de l’édition 2023 du MDS avec des prototypes Salomon dotés des dernières technologies. Il collabore avec la marque pour mettre au point une chaussure légère et résistante. « Actuellement, si tu prends une chaussure de trail combinée avec des guêtres, ça te fait un poids de 400 g, observe-t-il. L’objectif est plutôt de sortir un modèle autour de 200 g, avec une guêtre intégrée, doté d’un mesh à la fois très résistant aux épines, très étanche au sable et très respirant. » Celui qui a terminé sur le podium de l’UTMB en 2021 et 2022 a confié que la marque travaille aussi sur « la chaussure à géométrie variable qui s’adapterait aux pieds ayant tendance à gonfler avec la chaleur. »
« Ce choix des chaussures dépend tellement de chacun, de ses habitudes », commente le podologue Jérémy Poncelet, membre de l’association de podologues du sport Podo’xyène. Mais « pour ceux qui n’ont pas l’habitude [des conditions du Marathon des Sables], on choisira de préférence un modèle plutôt léger, assez large, une ou deux pointures au-dessus de sa pointure. Il faut à tout prix limiter les gonflements et les frottements pour éviter la formation des ampoules. »
Dans son cabinet, Jérémy Poncelet voit « pas mal de coureurs qui choisissent des modèles de route, pas les plus compétitives, mais confortables, avec une représentation importante de la marque Hoka, des modèles un peu costauds (tels que Challenge, Bondi), assez larges avec donc une prise d’appui au sol qui va permettre de répartir les forces et éventuellement de moins s’enfoncer dans le sable ». Il estime en revanche qu’il faut « oublier les chaussures très rigides, très typées “montagne” Un pare-pierres léger sur l’avant est intéressant, mais pas besoin d’une accroche très importante », assure-t-il.
L’ultra-marcheur québécois Yvan L’Heureux confirme cette « nécessité d’avoir un pare-pierres devant pour protéger les orteils, car on trouve pas mal de roches assez dures pas agréables du tout sur la route. »
Distances+ s’est également entretenu avec Thomas Mounet, lui aussi podologue du sport. Il a fait partie de l’équipe médicale Doctrotter sur cinq éditions du MDS et il a couru lui-même les éditions 2017 et 2022. Concernant le choix des chaussures, il conseille sans hésitation des modèles de trail, car « entre le caractère abrasif du sable, des cailloux, des pistes traversées et la chaleur au sol, les matériaux constituants les chaussures de trail sont bien plus résistants que ceux des chaussures de route. Ils résistent également mieux aux dégâts que peuvent provoquer les épines des arbustes du désert. Elles s’enfoncent moins dans les gommes dures des chaussures de trail » « On pourrait courir avec des chaussures de route, car c’est plat et on n’a pas besoin d’une grosse accroche, mais il y a par contre des risques de déformation et d’usure prématurée bien plus importants. »
« Si tu as un lacet qui lâche ou un gros problème sur ta chaussure dès le deuxième jour, ça va être compliqué de finir, ajoute Thomas Mounet. Il faut donc partir avec du matériel qu’on a l’habitude d’utiliser, en qui on a confiance. Ce n’est pas la chaussure qui va nous faire gagner quelques secondes comme sur un marathon, donc sur le Marathon des Sables, on choisit avant tout le confort et la sécurité »
À chaque participant d’évaluer ce qui lui conviendra le mieux entre une chaussure de route ou de trail, mais une chose est sûre, il est important, avant la course, de l’avoir « cassé » un peu à l’entraînement, de ne ressentir aucune gêne, aucun point de frottement et être confortable sur tous les types de chemins.
Les chaussettes
Les chaussettes, elles aussi, sont à tester et à re-tester. Idéalement, il faudrait qu’elles soient solides, stables dans la chaussure, anti-frottements, anti-humidité, fines pour avoir moins chaud ou bien épaisses pour amortir les micro-chocs. Le conseil est de les emporter presque neuves, mais au moins lavées une fois ou deux pour casser les fibres et éliminer tous les résidus.
Au-delà du choix de la chaussure et de la paire de chaussettes élues, le conseil numéro 1 de nos experts podologues, c’est de préparer les pieds, la peau et les ongles des orteils en amont de l’événement pour éviter que l’aventure ne se transforme en cauchemar.
« Moins on est habitué à cumuler les kilomètres, plus la peau est tendre, plus elle va souffrir », prévient Jérémy Poncelet. Il recommande, éventuellement, une visite chez un podologue-pédicure du sport les semaines précédant le départ pour évaluer tout ce qui pourrait frotter, dépasser… et mettre en place un protocole de tannage « classique » avec alternance de phases de séchage et d’hydratation, au moins un mois avant. « Pour les coureurs “aventuriers” qui ne recherchent pas la performance, il est presque plus important de se préoccuper de ses pieds que de cumuler des kilomètres à l’entraînement en vue de la course », assure-t-il.
Thomas Mounet est du même avis et renchérit : « de la préparation des pieds va dépendre la qualité de ton aventure, plus tu te prépares avant, plus la course sera facile, moins tu vas en baver. Et avec des pieds préparés, tu t’allèges cette gestion sur le camp et tu profites bien plus de ton séjour, explique-t-il, riche de son expérience sur le Marathon des Sables. Sur place, le gros problème, c’est bien sûr la répétitivité des efforts sur une semaine. Recourir sur un pied blessé le lendemain, c’est compliqué », insiste-t-il. Il faudra faire très attention aux micro-ampoules qui ne vont pas sécher du jour au lendemain et qui peuvent dégénérer en ampoules gigantesques. Les ampoules peuvent provoquer des douleurs atroces, mais c’est aussi la porte d’entrée à pas mal d’infections et là, on est dans un domaine encore plus grave. »
Pour se soigner sur le camp, il y a trois possibilités, affirme le podologue du sport : « tu te soignes perso dans ta tente, tu te soignes perso, mais sous l’égide du staff médical ou, en dernier recours, tu te fais soigner directement par l’équipe médicale. Ceci dit, même si tu peux compter sur 60 à 70 personnels médicaux, il y a beaucoup de demande, donc il faut savoir que tu vas sans doute attendre 1 h-1 h 30 avant d’être pris en charge. Et ce temps est bien plus sympa à passer à rigoler avec les potes ou autour d’un feu de camp plutôt qu’à patienter. »
« Je ne pensais pas que la prédominance des préoccupations, c’était les pieds, mais c’est LE sujet de discussion dans toutes les tentes en fait, avoue l’expérimenté Mérile Robert, qui fera partie cette année d’une équipe élite avec notamment Mathieu Blanchard et Erik Clavery pour aller titiller les meilleurs athlètes marocains. Tu peux avoir un niveau de fou, une super préparation, mais si les ampoules te contraignent à marcher, c’est la mort. »
Mérile Robert valide les recommandations des podologues et, années après années, pour performer, il prend bien soin de ses orteils avant la course avec une bonne période de tannage, et pendant la course il préconise de « bien fixer ses guêtres, de s’arrêter pour vider ses chaussures si du sable est entré dedans et de bien prendre soin de ses pieds le soir venu, en les crémant et en éliminant les petits grains avec une lavette. »
Combien on prend de paires de chaussettes? Une peut faire l’affaire, mais en prendre deux est judicieux, car cela permet d’alterner l’une et l’autre en faisant sécher sa paire de la veille accrochée sur le dessus du sac avec quelques épingles à nourrices (la méthode n’est pas glamour, mais efficace).
Les guêtres
Le port de guêtres est « non négociable » pour Jérémy Poncelet. C’est « impossible de faire sans », affirme Sylvaine Cussot. Elles prennent « un caractère obligatoire » abonde Thomas Mounet, qui prend l’exemple du champion du MDS, qui visera une 10e victoire en 2023. « Si Rachid (El Morabity) met des guêtres, il faut mettre des guêtres! Il n’y a aucun désavantage à courir avec, estime le podologue. Je ne comprends pas le concept d’essayer de courir sans. » Car tous ceux qui ont couru le Marathon des Sables le constatent, c’est vraiment le sable et la poussière qui sont redoutables pour les pieds les moins aguerris.
Plusieurs marques proposent des guêtres « spécial désert », mais pour obtenir une bonne étanchéité, il va falloir faire un peu de bricolage pour coller et coudre une bande de « velcro » sur la chaussure afin d’y fixer ensuite la guêtre. Il est recommandé de se rapprocher d’un bon cordonnier qui comprend la spécificité de la demande ou d’un podologue bien équipé, car l’objectif est de fixer une bande rigide sur une chaussure arrondie et soumise à pliures lors de la course ou de la marche. C’est donc un travail de précision à réaliser. Yvan L’Heureux recommande même « de prendre un petit tube de colle type super glue pour recoller au besoin. »
Les vêtements de course
Il va faire chaud et sec. L’objectif est de trouver des vêtements et des sous-vêtements de course de couleur claire, confortables, qui frottent le moins possible, aérés, ultra légers et qui sèchent vite.
Très sensible au soleil, Brunilde Girardet, qui sortira de sa zone de confort, les montagnes pyrénéennes, pour affronter le désert, a choisi un tee-shirt spécifique ultra léger à manches longues et anti-UV, en l’occurrence du maillot de trail Sun Protect de chez Raidlight, l’une des marques qui développe toute une gamme de produits de trail spécifiquement conçues pour le désert.
Puisqu’il est question de vêtements et qu’ils seront portés pendant une semaine, même si l’eau est rationnée, il sera possible de faire une micro-lessive avec un bout de savon de Marseille (qui peut servir aussi pour la peau et les dents), ça peut être pas mal pour maintenir un semblant d’hygiène, en particulier pour les sous-vêtements.
Le sac à dos
Lors des premières éditions du MDS, il existait très peu de matériel « léger ». Les sacs pesaient à vide plus de 1 kg. Alors quand, en 1999, l’athlète d’ultra-endurance Benoît Laval lance sa marque Raidlight — traduire « du matériel léger pour les raideurs » —, ses premiers prototypes, en particulier son sac à dos, rencontrent un franc succès chez les marathoniens des sables.
L’entrepreneur et sportif aguerri prend part au MDS pour tester et affiner ses produits sur le terrain très spécifique du désert et des courses à étapes et dès 2002, en collaboration avec des coureurs de renom, comme le Marocain Lahcen Ahansal, détenteur du record de victoires (10), et Marco Olmo, le célèbre ultra-traileur italien (double vainqueur de l’UTMB avant l’arrivée fracassante de Kilian Jornet en 2008), il va proposer un sac encore plus innovant en proposant les premiers rangements et le système de porte-bidon sur l’avant du sac, tout en réduisant davantage son poids.
Depuis, d’autres marques, comme WAA, ont également développé des sacs bien plus légers et ergonomiques que ceux que portaient les pionniers.
Pour choisir sac à son dos, Benoît Laval préconise « d’opter pour un modèle qui respecte un bon compromis poids/confort pour ceux qui se lancent pour une première fois sur le MDS. Les plus expérimentés préféreront un sac plus simple, moins rembourré et plus léger ». En entrevue à Distances+, il a bien insisté sur le fait qu’il ne fallait pas s’y prendre à l’envers. « D’abord on choisit son sac, et ensuite on s’organise pour que tout rentre dedans! Attention à ne surtout pas faire l’inverse, prévoir énormément de matériel et trouver un sac très grand pour tout caser! »
Ce conseil majeur vaut surtout pour les novices, car « avec l’expérience, on a de moins en moins de craintes, on prend de moins en moins de choses, on part de plus en plus léger », constate-t-il.
Mathieu Blanchard, lui, sera en mode minimaliste. Il se contente d’un sac d’un volume de 12 litres pesant seulement 150 g à vide fabriqué par son équipementier. Il range tout son paquetage grâce aux poches super élastiques et quelques sangles pour bien maintenir matelas et sac de couchage.
D’une manière générale, un modèle de sac entre 20 et 30 litres (maximum) avec éventuellement un « pack avant » suffit pour contenir tout l’équipement nécessaire.
Le système d’hydratation
Au sac, il est nécessaire d’associer un système d’hydratation qui sera ergonomique et facile à utiliser. La poche à eau n’a plus vraiment la côte sur les trails, mais encore moins dans le désert, car elle n’est pas vraiment hygiénique, elle risque de crever, il faut la porter à l’arrière du sac, ce qui augmente encore le poids supporté par les épaules et c’est compliqué pour refaire le plein. Qui plus est, on évalue difficilement la quantité d’eau absorbée et celle qui reste jusqu’au prochain point de contrôle (CP). Or, rester vigilant à sa consommation d’eau est un point crucial pour éviter les problèmes liés à l’hydratation (voir article sur la préparation physique).
On misera donc préférentiellement sur 2 voire 3 flasques souples ou bidons durs (attention à bien vérifier le confort et l’ergonomie de ces accessoires ainsi que les poches conçues pour leur portage), remplis, idéalement une avec sa boisson de l’effort, l’autre avec de l’eau, pour varier et pour » diluer » l’apport trop massif de glucides des gels et autres pâtes de fruits.
À chaque CP, la bouteille distribuée par l’organisation permettra de refaire les niveaux et de s’humidifier un peu. Les volumes de consommation moyens oscillent entre 400 à 800 ml par heure (avec des variations possibles selon les individus et les conditions climatiques). Sachant qu’approximativement, on rencontre un CP tous les 10 km, il faudra évaluer ses besoins suivant les difficultés de chaque portion (et l’heure de la journée à laquelle on va la parcourir). Mais n’oublions pas que l’eau, c’est la vie : économiser 500 ml (et donc 500 g) peut être un savant calcul pour l’avant du peloton et les coureurs qui se connaissent parfaitement, mais attention, car une trop grande sobriété pourrait bien être fatale pour la suite de l’aventure.
Le couvre-chef
Visière, casquette classique, casquette saharienne, bob, tour de cou, bandeau… à chacun ses besoins et son style, mais il reste primordial de se protéger pour lutter contre les risques de coups de chaud et de coups de soleil. Il existe aussi des produits spécifiques anti-UV comme le tour du cou CoolNet UV de chez Buff.
Évidemment, il n’y aura pas de petites fontaines de villages le long du parcours, mais mouiller son couvre-chef à chaque CP sera aussi une bonne stratégie de « percooling ».
Les lunettes de soleil
Les lunettes solaires sont également un accessoire primordial pour éviter tout problème ophtalmique.
Et pourquoi pas des lunettes de natation ou un masque de ski? C’est le conseil très sérieux d’Yvan L’Heureux, qui l’a expérimenté lors de l’édition 2022. « C’est un super accessoire en cas de tempête de sable et de vent », assure-t-il. Le coureur de Rivière-du-Loup au Québec recommande par ailleurs « de ne pas porter de lunettes (de soleil comme de vue) neuves, car le sable raye tout! »
Les bâtons
Plus les journées seront longues pour les marcheurs et les « marcheurs-coureurs », plus l’utilité et le bénéfice du port des bâtons seront importants. Mais attention toujours à bien se faire conseiller pour choisir le modèle le plus adapté en termes de poids, de taille et de praticité.
Le matériel obligatoire, utile et accessoire
Zoomons maintenant sur le contenu même du sac et faisons le tri sur le matériel obligatoire, utile et accessoire.
Dans son dernier ouvrage, « Blanc », le récit poétique et sportif de sa traversée de l’arc alpin en ski de randonnée, Sylvain Tesson prône une cure d’amaigrissement sévère de son sac de raids. « Quand la logistique diminue, la vie augmente, écrit-il. Le bonheur est dans la purge ». Alors, sans être jusqu’au-boutistes évidemment et en conservant une forte logique de sécurité, nos coureurs « fil rouge » rejoignent cette philosophie et se recentrent sur l’essentiel pour gagner en légèreté et en fluidité.
« La gestion du poids du sac », c’est le conseil numéro 1 de l’hyper spécialiste du désert Mérile Robert. Il constate souvent « que les “débutants” prennent trop de nourriture au départ et s’allègent ensuite en laissant des barres au bivouac. Se passer d’un peu de confort, ça fait partie de l’aventure. Et puis, on a deux nuits sur le camp pour faire les derniers réglages et laisser dans sa valise le superflu avant le départ », rappelle Mérile.
Pour Mathieu Blanchard également « il est primordial de faire les bons choix, d’optimiser le sac sans même parler de performance, juste pour traverser le désert sans se faire défoncer le dos ».
Sylvaine Cussot insiste, elle-aussi, sur le côté stratégique du sac. Pour elle, « c’est une grosse partie de la performance » qui se joue dans cette décision avant même que la course ne commence.
Alors, on range quoi dans ce sac si précieux pour passer une semaine sereine?
L’obligatoire
La liste du matériel obligatoire pour assurer une sécurité minimale est relativement courte et on peut facilement trouver des versions poids plume de l’ensemble de ces petits équipements, à savoir un sifflet, un miroir de signalisation, une boussole, un aspi-venin et une couverture de survie. Le tout se serre dans un petit sac transparent à fermeture éclair, en espérant ne jamais avoir à s’en servir.
Il faut emporter quelques accessoires supplémentaires pour faciliter la vie sur le camp : une lampe frontale (et des piles de rechange), 10 épingles à nourrice, un briquet (peut-être aussi quelques allumettes tempête pour allumer le feu malgré le vent), un couteau à lame de métal (un vrai qui coupe les bouteilles en plastique pour les transformer en plat, en bassine… certains modèles pèsent 15 g), un antiseptique cutané et un tube de crème solaire de 50 ml minimum.
L’accessoire obligatoire le plus encombrant et le plus lourd est le duvet. Son absence entraîne des pénalités. Mais la conception du duvet par les organisateurs est très large. Cela va du petit sac ordinaire de camping au sac de haute-montagne. Il y a donc un choix à faire et savoir si on veut privilégier le confort ou le volume et la légèreté de ce qu’on transporte.
Sylvaine Cussot n’a pas lésiné sur le choix du duvet qui pour elle est indispensable. « Si tu passes une mauvaise nuit en ayant froid, tu ne vas pas bien récupérer et c’est primordial pour enchaîner les journées. »
Sur le marché, on trouve des modèles entre 400 et 600 g pour dormir au chaud dans les nuits relativement fraîches du désert marocain (annoncées entre 10 et 15°), comme ceux de la marque Wilsa. Raidlight propose par exemple un 2 en 1, un duvet qui se transforme en doudoune.
À cette liste, il faudra bien sûr ajouter les 14 000 kcal minimum à présenter au contrôle. Il sera difficile d’emporter moins de 600 g par jour de nourriture sous peine de sous-alimentation délétère pour la performance, par contre déconditionner tous les lyophilisés (en les identifiant bien pour éviter les bolognaises au petit déjeuner), les mettre éventuellement sous vide et ranger toute sa nourriture par journée (ration d’après course, repas du soir, petit déjeuner, vivres de course) permettra de gagner un peu de poids et de place.
Rien d’autre n’est obligatoire. Pour tout le reste, ce sera à chacun de définir ses priorités pour sa vie sur le camp.
L’indispensable que certains classeront dans la colonne « superflu »
Dormir
– Le matelas : même en enlevant les cailloux sous la toile de tente et en essayant de rembourrer sa place avec du sable, comme le fait Mérille Robert, les nuits vont être raides. Alors, pour un minimum de moelleux, le choix s’opère entre un tapis en mousse ou un modèle gonflable. Le premier est moins cher, peut être découpé suivant sa taille pour ne garder que le haut du corps et il ne craint pas les redoutables épines du désert. La deuxième option sera plus confortable, mais plus chère, plus bruyante pour ses compagnons de tente et plus sujette aux crevaisons. À chacun son degré de confort. L’ajout d’un petit oreiller gonflable peut-être envisagé, mais là, c’est du luxe!
– Dans cette catégorie, on pourra rajouter bouchons d’oreille, masque occultant, et pourquoi pas tisane (certains n’hésitent pas à prendre des somnifères) pour favoriser l’endormissement qui risque d’être compliqué dans la promiscuité de la tente.
Manger
Certains choisissent de manger froid et de ne pas s’enquiquiner avec la popote, mais un petit bol de 400 ml en titane, c’est 55 g. Pour le réconfort d’une soupe chaude et d’un lyophilisé amélioré le soir, ce n’est pas un gros sacrifice. Des fonds de bouteille découpés feront office de tasse et d’assiette. Pas besoin de faire la vaisselle, on jette à la poubelle directement, c’est toujours ça d’eau d’économisée.
Qui dit eau chaude, dit soit mini-réchaud, soit feu de camp. On n’est certes pas sur Koh-Lanta, mais faire du feu dans le désert, même avec un briquet, ce n’est pas si facile. Les pros de l’aventure se débrouilleront avec les brindilles trouvées autour du camp, les autres peuvent se faire aider par un petit cube de fuel solide (marque Esbit), c’est très léger et ça marche bien.
Se laver
On va bien sûr laisser la trousse de toilette à la maison et oublier les bonnes douches régénérantes d’après effort, mais avec un minimum d’eau, un bout de savon et de petites lingettes déshydratées qui ne pèsent rien et qui se déploient avec quelques gouttes, on peut tout à fait conserver un minimum d’hygiène corporelle et intime sur la semaine.
Un petit flacon de gel hydroalcoolique sera le bienvenu pour limiter les risques de contamination par exemple. En 2021, une gastro géante avait décimé le camp. Mathieu Blanchard, qui tirait son épingle du jeu devant avant son épreuve de prédilection, l’ultra de 80 km, avait été très malade et contraint d’abandonner de précieuses places au classement général, même s’il est parvenu à finir la course.
Le même bout de savon peut servir de dentifrice et de lessive pour frotter rapidement ses vêtements de course.
Se changer
Le plaisir des choses simples : après la « douche », enfiler un tee-shirt propre et glisser ses pieds meurtris dans des tongues super légères.
Pour les soirées fraîches du désert, legging, tee-shirt manches longues, doudoune, vêtement ultra léger, de peintre ou le modèle emblématique Tyvek de chez Raidlight. Là aussi, à chacun ses choix et ses envies de confort. Tout se pèse, tout se calcule.
Se soigner
Une équipe de 61 « doctrotters » (l’entreprise Doctrotter assure toute la sécurité médicale sur le MDS) sera à l’écoute pour soigner toutes les plaies du corps et de l’âme.
Les participants peuvent éventuellement avoir sur eux une plaquette de paracétamol, un antidiarrhéique et pourquoi pas de quoi soigner eux-mêmes leurs ampoules peut faire gagner un peu de temps de récupération et éviter les longues files d’attente à l’infirmerie, mais les médecins appellent à la vigilance et rappellent que les anti-inflammatoires, l’effort et la déshydratation peuvent s’avérer un cocktail très délétère, voire fatal.
Une visite chez le médecin avant la course pour aider à constituer une mini trousse médicale est une bonne idée.
Elle contiendra également de la crème anti-frottement pour le jour, et de la crème cicatrisante pour le soir, le tout reconditionné dans des contenants plus petits pour ne pas embarquer les tubes entiers.
Téléphoner
Faut-il prendre son téléphone ou pas?
Certains le laissent dans une boîte hermétique et l’oublient pendant une semaine pour s’offrir le luxe d’une déconnexion complète, d’autres s’en servent pour immortaliser leur aventure, écouter leur podcast préféré, se rattacher au quotidien… C’est encore une question de priorité personnelle, mais qui dit téléphone dit batterie externe ou batterie solaire, car bien sûr, le soir les concurrents n’auront pas accès à une prise électrique.
Comme pour l’organisation des rations alimentaires, il reste quelques semaines pour tout peser — littéralement, sur une vraie balance — tout noter dans un fichier ou un petit carnet, s’interroger sur le degré d’utilité de chaque matériel et faire les bons choix pour passer une belle semaine d’aventure.
*Si plusieurs marques ou produits sont cités dans cet article, Distances+ tient à préciser que cet article ne fait l’objet d’aucune entente de partenariat.
Maria Semerjian est professeure agrégée d’éducation physique et sportive à l’Université Toulouse III Paul Sabatier. Elle fait partie de l’équipe enseignante d’un cours en ligne ouvert à tous (MOOC) consacré à l’entraînement sportif en trail et en ultra-trail. Maria a également porté l’étiquette d’ultra-traileuse élite, avec une soixantaine de trails à son actif, dont six victoires (Grand Raid des Pyrénées, 100 miles du Sud de la France, Festival des Hospitaliers, Restonica Trail…) et une vingtaine de top 3 en carrière. Elle a notamment terminé 3e du Tor des Géants, 6e de la Diagonale des fous et 8e de l’UTMB. En 2022, elle a terminé 3e du 100 miles de la Swiss Alps (160 km, 9900 m D+).
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