La série noire des annulations d’événements de trail se poursuit. Alors que les espoirs étaient grands pour qu’une compétition de fin de saison puisse se tenir, et au moment où la pandémie de coronavirus a été déclarée il y a six mois tout juste par l’Organisation mondiale de la santé, voilà que le Grand Raid de La Réunion annonce ce vendredi l’annulation de sa 32e édition, qui devait se tenir du 15 au 18 octobre.
Dans un communiqué au ton amer, les organisateurs indiquent qu’ils ont « essayé durant ces derniers mois de convaincre les autorités, que le protocole sanitaire élaboré par l’Organisation permettait d’éviter une contamination par le virus. »
Les élus locaux ont exprimé « leur réticence, voire leur hostilité », affirme le Grand Raid. « Nous nous abstiendrons de tout commentaire », ajoutent-ils, laissant entendre leur peine.
À part peut-être son patron, Robert Chicaud, plus personne n’y croyait vraiment. Pis, le ton montait depuis quelques temps pour que la fête annuelle n’ait pas lieu.
La Réunion avait été jusque-là plutôt épargnée par la pandémie mondiale. Alors que la plupart des pays étaient paralysés par la COVID-19, les Réunionnais continuaient de vivre à peu près normalement, pensant peut-être être passés entre les gouttes. Mais de retour des congés estivaux en France métropolitaine, les vacanciers réunionnais n’ont pas ramené que des souvenirs dans leurs bagages à l’aéroport Roland-Garros. De nombreux cas importés de coronavirus ont initié la première vraie vague de l’épidémie sur l’île française de l’océan Indien.
Depuis, les Réunionnais doivent porter le masque en extérieur dans de nombreux quartiers de Saint-Denis et dans plusieurs autres villes et les rassemblements sont limités à 10 personnes. L’île a même été placée en « zone rouge » le 6 septembre, suite à l’emballement de la propagation des cas localement (702 cas recensés le 11 août, 2277 le 7 septembre).
Dans ce contexte sanitaire complexe, comment envisager la tenue de l’événement sportif phare de l’année sportive à La Réunion, le Grand Raid et ses quatre formats, rassemblant des milliers de coureurs et autant de public? Comment envisager la mise en place de mesures à même de minimiser le risque de transmission du virus lors d’un événement de masse comme la Diagonale des fous?
À entendre Robert Chicaud, président de l’association organisatrice du célèbre ultra-trail depuis 30 ans, le Grand Raid devait avoir lieu normalement jusqu’à cette soudaine flambée de la mi-août. A priori favorisée par son placement tardif dans le calendrier, la course emblématique des Réunionnais a vu s’accumuler les complications et les oppositions dans la population.
Le Grand Raid exceptionnellement impopulaire
En effet, de nombreuses voix se sont récemment élevées contre la tenue de la course. Les maires des villes traversées par les quatre courses (Diagonale des fous, Trail de Bourbon, Mascareignes et le relais à quatre Zembrocal) ont exprimé d’une même voix ce mercredi un désaccord unanime.
Plus inattendu, les habitants de Mafate, le cirque mythique traversé par les quatre courses, ne veulent pas du Grand Raid cette année non plus. Ils ont exprimé à travers les médias locaux leur crainte d’une contamination par la Covid-19 à la suite du passage des « raideurs », alors qu’ils sont isolés par la géographie escarpée de leur cirque (accessible uniquement à pied ou en hélicoptère) et du même coup épargnés jusqu’à présent.
Le conséquent protocole sanitaire présenté par Robert Chicaud aux autorités n’a pas convaincu les édiles, d’autant qu’au risque de propagation de la maladie s’ajoute le surcoût financier susceptible de mettre en difficultés les autorités locales.
La mairesse de La Possession, Vanessa Miranville, avait déjà émis au début du mois un avis réservé quant au passage du Grand Raid dans sa ville : « Toute une série de mesures est proposée par les organisateurs, mais à un moment, le surcoût de ces mesures-là va largement être aux frais des communes : désinfection de nos écoles le dimanche soir pour le lundi matin, personnel supplémentaire pour faire respecter les gestes barrières, les distanciations. Nous avons émis avec plusieurs communes des réticences. » La mairesse estime que le surcoût engendré par le Grand Raid s’élèverait à 30 à 40 000 euros, sur une dépense habituelle de 100 000 euros.
Cette annulation sera un coup dur pour l’organisation, mais aussi pour tout un pan de l’économie réunionnaise, mise à mal par deux mois de confinement et une désaffection des touristes. Et que dire de la déception des coureurs impliqués dans un projet coûteux en temps familial et dont le budget est plus que conséquent. Ils sont nombreux à exprimer leur déception sur les réseaux sociaux avant même l’annulation officielle.
À lire aussi :
- La Réunion : courir sur l’île intense
- Après sa victoire sur la Diagonale, Grégoire Curmer rêve de l’UTMB
- L’extraordinaire exploit d’Anne Champagne au Grand Raid de La Réunion