Il aura fallu trois ans à Guilhem Prax pour réussir à enfin concrétiser son idée de Trail de la Cité de Pierres au cœur du chaos rocheux de Montpellier-le-Vieux, près de Millau dans l’Aveyron. La première édition, prévue en 2020, avait dû être reportée en raison de la pandémie. Plutôt que d’annuler l’édition 2021, toujours en raison de la Covid, l’organisateur avaient maintenu les deux courses de 16 et 31 km, mais il les avait réservées à une poignée d’athlètes élites (ils étaient les seuls autorisés à participer à des compétitions à l’époque). L’événement, qui a été pensé pour être avant tout populaire, aura lieu pour la première fois dans des conditions normales ce week-end, les 26 et 27 mars. Et pourtant, jusqu’à la dernière minute, ce n’était pas gagné. La faute à un insecte envahisseur.
Les organisateurs ont en effet dû composer avec les chenilles processionnaires. Cette espèce vit dans les pins et attend l’arrivée des beaux jours, généralement en mars-avril, pour descendre des arbres et s’enterrer dans le sol. Or elle menaçait d’entamer son voyage dans les jours précédant la course. Cette chenille est dangereuse pour l’homme car son corps est recouvert de poils urticants qui peuvent entraîner des démangeaisons, des conjonctivites ou encore des maux de gorge pendant plusieurs jours. Concrètement l’insecte éjecte ses poils dans l’air lorsqu’il se sent menacé.
Prévenu de ce risque, Guilhem Prax et son équipe avaient dû anticiper l’invasion et prévoir un nouveau site de départ et d’arrivée, mais aussi des parcours alternatifs, avant que plusieurs journées de pluie retardent la descente des chenilles processionnaires. Grâce à cette météo providentielle, l’événement aura donc bien lieu comme prévu initialement avec au programme un 31 km (1540 m D+), un 16 km (850 m D+), un duo nocturne de 10 km (500 m D+), une randonnée et deux courses pour les enfants.
Des courses roulantes, mais exigeantes
Les tracés seront les mêmes que ceux proposés aux athlètes élites l’année dernière. « Le parcours est très joueur et très exigeant, a commenté Maël Allaire, deuxième du 16 km l’an passé. Il y a beaucoup de relances et de parties assez techniques. Tu n’as pas trop le droit d’avoir de « coup de moins bien », sinon tu risques de perdre beaucoup de temps. »
Le jeune licencié de l’Entente Brive Tulle Athlé, qui sera de nouveau au départ du 16 km pour tenter de gagner cette fois, pressent que la course se jouera dans la dernière ascension du parcours. « C’est important d’arriver en bas, à la Roque-Sainte-Marguerite, avec du jus, et pas trop fatigué musculairement, avant d’entamer la dernière grosse bosse du parcours qui relie l’arrivée. »
Fabien Demure, qui s’alignera sur le 31 km, au profil semblable, rejoint l’avis du jeune traileur. Il anticipe tout de même la possibilité d’un autre scénario. « Si ça part fort, tout se jouera à l’usure et c’est l’accumulation des descentes-montées qui seront les juges de paix », pense-t-il.
L’international aux sept sélections garde en mémoire la course de folie de l’année dernière « où 15 énervés se sont mis des grandes boîtes pendant 30 bornes ». La prudence et la gestion de course seront ses maîtres-mots au départ de cette édition.
Pour Guilhem Prax, ses courses – composées à 90 % de single – sont « roulantes ». « Ça court partout », assure-t-il.
Partout dans tous les sens du terme puisque le Trail de la Cité de Pierres affiche complet, avec 500 inscrits sur le 31 km et autant sur le 16 km. Le 10 km nocturne et la randonnée flirtent également avec les jauges fixées par l’organisation.
« Il va y avoir une grosse ambiance, et encore plus de densité que l’année dernière, car cette course avait fait beaucoup de bruit, s’enthousiasme Maël Allaire. Pour moi, c’est un rendez-vous incontournable du début de saison et j’ai hâte d’y être! »
Les courses pour enfants, de 1 et 3 km, devraient participer à cette bonne ambiance. Le tout à 100 % sur chemin, pour le plus grand plaisir de Guilhem, co-fondateur de l’École de Trail à Millau. Un salon avec une petite quinzaine d’exposants sera aussi présent sur l’événement.
À lire aussi : Les trails des Cévennes et de l’arrière-pays montpelliérain : gloire aux cailloux
Blandine L’hirondel s’invite à la dernière minute
Le plateau de top athlètes sera un peu moins relevé que l’an dernier (il n’y avait pour ainsi dire aucune compétition à la même époque), mais les deux épreuves principales accueilleront tout de même du beau monde ce week-end. À commencer par la tenante du titre du 31 km, Blandine L’hirondel qui sera de nouveau au départ.
Rappelons le palmarès de la Normande, parce qu’il est étourdissant : elle est championne du monde de trail (en individuel et avec l’équipe de France), double championne de France de course en montagne et championne de France de trail long en titre. Elle a aussi remporté l’OCC lors de l’édition 2021 de l’UTMB l’été dernier et tout récemment le Trail du Mont-Ventoux, qui devait être sa dernière compétition avant quelques semaines. Mais, joueuse, elle s’est ravisée.
« Effectivement, je n’avais pas prévu de venir initialement, car j’avais pour objectif principal les championnats de France de trail en mai et je voulais profiter d’un bon bloc d’entraînement avant, a répondu Blandine L’hirondel à Distances+. Mais, finalement, on m’a découvert une endofibrose de l’artère iliaque pour laquelle je vais être opérée le 5 avril. Tous mes projets à court terme sont tombés à l’eau donc l’idée est de maintenir une activité sport plaisir jusqu’à mon intervention. Le Trail de la Cité des Pierres est un magnifique parcours, avec une organisation au top et en plus ce n’est pas très loin de chez moi. Donc c’est l’occasion de rechausser les baskets et de raccrocher un dossard pour la toute dernière fois, promis », s’amuse-t-elle.
Les élites au rendez-vous du 31 km
Sur l’épreuve 31 km au coeur de la Cité de Pierres, outre Blandine, on retrouvera Mathilde Sagnes, 2e l’an dernier, ainsi que la Roumaine – et Cévenole – Oana Mihalcea, 37 ans, 12 victoires en carrière parmi lesquelles le 72 km du High Trail Vanoise (5500 m D+) 2021.
Jennifer Lemoine, 7e du dernier Trail du Ventoux (47 km, 2380 m D+), Sabrina Cachard (la mère de Sylvain Cachard), 51 ans, plutôt habituée aux longues distances (elle a notamment remporté le 100 km du Ceven’Trail 2020) et Élise Guillot, 7e du dernier championnat de France de trail long, devraient être également aux avant-postes de l’épreuve reine.
Chez les hommes, c’est le vétéran de l’équipe de France de trail Nicolas Martin qui pointe en tête des favoris sur le 31 km. Il a prouvé avec sa 5e place au très relevé Trail du Mont-Ventoux qu’il était en forme. Il devra toutefois se méfier de Fabien Demure qui, dans un jour sans, avait terminé 15e et dernier l’an dernier à Montpellier-le-Vieux.
« J’ai une revanche à prendre par rapport à l’an dernier », a confié Fabien à Distances+, lui qui s’était classé 4e du championnat de France de trail court 2021. Il a remporté sa première course de la saison à l’occasion du Trail hivernal du Sancy (23 km) chez lui en Auvergne.
D’autres coureurs seront à surveiller sur le 31 km, tels qu’Esteban Olivero, 2e du 30 km (2160 m D+) de la dernière édition de l’UTCAM, ou encore les frères Alexandre et Quentin Meyleu, respectivement vainqueur du Marathon du Larzac (35 km, 1510 m D+) et 5e du Marathon des Causses (35 km, 1570 m D+) lors du Festival des Templiers 2021.
Il faudra aussi être attention à un espoir du trail running français, Théo Bourgeois, 21 ans, qui a récemment terminé au pied du podium du 26 km de la Transgrancanaria. Il a son actif une superbe 3e place à Sierre-Zinal dans la catégorie Junior en 2019, une 3e place au 23 km de la TransJu’Trail (1000 m D+) en 2020 et une 2e place au 23 km de l’Ultra-Trail des montagnes du Jura (1000 m D+) en 2021.
À seulement 25 ans, Matthieu Simon compte déjà 26 courses dont six victoires – sur des distances de 30 ou 50 km -, et 13 podiums. Avec la cinquième meilleure cote au départ, et une expertise des trails dans les causses, il faudra assurément compter sur lui aussi.
Championnat régional universitaire
Une soixantaine de participants du 16 km auront un intérêt tout particulier pour cette course puisqu’elle a été retenue comme support des championnats d’Occitanie universitaire. « Il y a le souhait avec la ligue Occitanie FFSU d’accueillir le championnat de France dans les années à venir », détaille Guilhem Prax. À peine née, la course affiche déjà clairement de grandes ambitions.
Article écrit avec la collaboration de Nicolas Fréret