DISTANCES+ À LA PLAGNE – À défaut d’avoir offert un magnifique point de vue depuis le glacier de la Chiaupe, la 32e édition de la 6000D (67 km, 3400 m D+) a offert une course à suspense aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Si Beñat Marmissolle et Lucie Bidault l’ont finalement emporté, il était impossible de dire au passage de Montchavin, à 9 km de l’arrivée, quel athlète franchirait la ligne d’arrivée en tête à Aime-la-Plagne. L’événement a aussi été perturbé par une panne de télécabine qui a compliqué le déroulement du format relais et le suivi des athlètes par les supporters et l’assistance.
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Beñat Marmissolle et Lucie Bidault ont réalisé une course quasi similaire, bien que séparés par plusieurs dizaines de minutes. Toujours dans les trois premiers, mais jamais en tête dans la première partie de course, ils ont petit à petit refait leur retard pour finalement s’imposer.
Moins relevée sur le papier que chez les hommes, la lutte chez les femmes promettait tout de même d’être d’une grande densité. Après 30 kilomètres de course, le podium se tenait en deux minutes, malgré le fait que Ludivine Conrie, 3e au sommet de la Roche de Mio, ait été malade dans la montée. Seulement 10 secondes séparaient les deux premières, Charlotte Dauchot (qui a, comme Jan Baudet chez les hommes, mené une grande partie de la course) et Lucie Bidault qui n’ont pas décidé de courir ensemble.
En grande forme, Lucie Bidault a enchaîné sa sixième victoire de suite et sa septième depuis le début de l’année sur les huit compétitions auxquelles elle a participé. Son seul « échec » de la saison est une 2e place au Trail Nivolet Revard (52 km, 2840 m D+) derrière Camille Bruyas, excusez du peu!
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Du côté des hommes, l’écart s’est rapidement creusé entre les deux hommes de têtes, Jan Baudet et Beñat Marmissolle, et Jarno Legros, esseulé en troisième position pratiquement toute la course.
« La descente, ce n’est pas trop mon fort, Beñat était bien mieux que moi dans cette partie, a reconnu Jan Baudet, 2e de l’épreuve après avoir mené plus de 30 km seul à l’avant, avant d’accompagner le Basque jusqu’à Montchavin. Si j’avais essayé de le suivre, j’aurais mal terminé. »
Beñat Marmissolle, 3e de la Diagonale des Fous (165 km, 10 210 m D+) en 2021, était présent pour préparer l’UTMB (170 km, 10 000 m D+), fin août. À l’arrivée, il a confié avoir sélectionné la 6000D en raison d’un profil similaire selon lui à la course reine autour du Mont-Blanc.
Comme l’expliquait Yves Heloury à Distances+ avant l’événement « même s’il y a du dénivelé, il y a de la distance et elle est très très roulante et peu technique », des caractéristiques souvent citées pour décrire l’UTMB.
Panne de télécabine
Cette édition 2022 de la 6000D a été malheureusement perturbée par une panne du télécabine reliant la Plagne Bellecôte au sommet de la Roche de Mio. Le glacier et le col de la Chiaupe étaient inaccessibles en raison des travaux sur le télécabine suite au diagnostic d’instabilité des pylônes liée à la fonte du permafrost. Le sommet de la Roche de Mio servait donc de lieu de passage de relais pour la « 6000D en relais » et de point de suivi pour les spectateurs. Les assistances devaient, elles, descendre à pied au col de la Chiaupe. La panne a duré une quarantaine de minutes.
« C’était un petit moment de panique, raconte Cédric Lathoud, le directeur de course de la 6000D depuis 2016. Ça s’est passé au moment où l’on acheminait les deuxièmes relayeurs donc il y a eu un certain nombre de relayeurs coincés, un certain nombre de relayeurs qui étaient déjà en haut et d’autres qui n’étaient pas encore montés dans la télécabine. »
Des 4×4 ont été libérés par l’organisation afin de pouvoir monter les relayeurs qui n’avaient pas encore emprunté le télécabine. Pour les coureurs restés coincés à l’intérieur de la remontée mécanique, un système de bonus a été mis en place pour adapter les temps de chacun. Au final, tout s’est relativement bien passé. « On n’a pas eu de situation compliquée avec des relayeurs qui n’auraient pas compris ou pas accepté la décision prise », a heureusement constaté Cédric Lathoud.
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Cette édition a également été marquée par la disparition d’une des épreuves et la confirmation d’une autre.
La 6D marathon, qui a rencontré un succès, a été renouvelée. « L’année dernière, on ne savait pas trop comment le prendre parce qu’on se disait qu’il y avait peut-être des gens qui, avec le covid, n’avaient pas pu bien se préparer pour le 67 km et s’étaient donc rabattus sur la 42, expose Cédric Lathoud. Cette année, on a eu encore plus de monde, donc finalement cette course a bien sa place. »
En revanche, la 6000D verticale a disparu du programme. « Ce KV là végétait un peu, déplore le directeur de course. On a fait un choix économique en regardant le coût/bénéfice parce que c’est une réalité à prendre en compte dans l’organisation d’un événement. Par contre cela a permis de rééquilibrer la chronologie des trois jours de la 6000D. »
La 6Découverte et la 6D Kids, initialement programmées le vendredi, ont été avancées au jeudi tandis que La 6D Lacs est devenue LA course du vendredi.
Une course mythique
La 6000D est une course mythique dans le paysage du trail français. Elle doit ce statut au fait qu’elle a été créée en 1990, une éternité à l’échelle du trail.
« La 6000D a été le premier long trail en France, confirme Corinne Favre, 13 fois vainqueure de l’épreuve, qui est aujourd’hui membre de La Bande à D+, le podcast de Distances+. C’était la référence à l’époque! »
La mise en place de dotations financières ont attiré les meilleurs traileurs français et des coureurs étrangers, permettant ainsi d’offrir un plateau relevé. Dawa Sherpa, Sébastien Spehler, Martin Kern ou encore Mimmi Kotka ont entre autres inscrit leur nom au palmarès de cette course. L’événement ne propose plus de primes désormais, ce qui se traduit, force est de constater, par un plateau un peu moins relevé qu’auparavant sur la ligne de départ.
« La 6000D est plutôt un tremplin pour les athlètes, veut croire Cédric Lathoud. L’exemple le plus marquant, c’est celui de Sébastien Spehler, devenu l’un des meilleurs traileurs français, pour qui la 6000D a plus ou moins lancé sa carrière. » Celui qui est aussi le directeur adjoint de l’office de tourisme de La Plagne altitude observe également que les athlètes « respectent un programme déterminé avec leurs sponsors » qui ne comprend plus forcément sa course.
La 6000D doit enfin sa réputation à son parcours insolite. Rares sont les courses à pouvoir se vanter de remonter une piste de bobsleigh ou de monter au sommet d’un glacier. L’approche de ce dernier est d’ailleurs un point crucial de l’épreuve d’après Corinne Favre. « La course se joue juste avant l’ascension du glacier et dans la partie finale car il y a de l’altitude et elle est suivie d’une descente toute caillouteuse », explique la championne.
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Son ambiance est aussi exceptionnelle. Corinne Favre garde le souvenir d’une ambiance festive et difficile de la contredire notamment lorsque l’on se retrouve au sommet de la piste de bobsleigh où l’étroitesse du parcours ainsi que « l’effet tube » (la piste est entièrement couverte) amplifient la super ambiance. Un aspect renforcé par l’organisation qui met en place la 6D guinguette le samedi. Cet espace permet à tous, les coureurs, leur famille et leurs amis et leur assistance, de se retrouver après la course autour d’un verre.
Le souhait de l’organisateur est dans un premier temps de stabiliser l’événement après une période de covid qui a donné lieu à une édition 2021 « douloureuse » de l’aveu de Cédric Lathoud, mais des évolutions sont à l’étude. Le retour de l’Ultra 6000D (une course de 110 km au programme des éditions 2009 et 2010) ou encore une 6D Crêtes avec un parcours qui, comme son nom l’indique, passent par de nombreuses crêtes de la région, pourraient être ajoutés au calendrier au cours des futures éditions.